Ce qu’Attal a en tête en parlant de « parents défaillants » et pourquoi c’est polémique
POLITIQUE – Un petit air de « c’est de leur faute à eux » résonne en Macronie. Eux, ce sont les « parents défaillants » dans le viseur du gouvernement dans le cadre de sa lutte contre la violence des mineurs. Ce jeudi 18 avril, lors d’un discours prononcé à Viry-Châtillon, Gabriel Attal a de nouveau utilisé cette expression controversée et confirmé son intention de sanctionner ceux qui seraient reconnus comme tels. Encore faut-il savoir sous quels critères.
« Parce que la prison et les amendes ne sont pas les remèdes à tout et que je crois aux sanctions qui ont du sens, je souhaite (…) que les parents défaillants puissent faire l’objet de peines de travail d’intérêt général », a déclaré le Premier ministre. L’idée sera mise en réflexion dans le cadre des concertations qui s’ouvrent pour les huit semaines à venir. Mais elle est plébiscitée par le chef du gouvernement et plusieurs de ses ministres.
En décembre 2023, Aurore Bergé alors ministre des Familles est l’une des premières à employer l’expression de « parents défaillants » dans La Tribune du Dimanche, sans définir le terme. Un mois plus tard fin janvier, son collègue à la Justice Éric Dupond-Moretti évoque « la désinvolture » et « parfois même la complicité » de certains adultes face aux comportements de leur progéniture. Le 17 avril, à la sortie du Conseil des ministres, il assure que « tout le monde fait bien ici le distinguo entre parents dépassés et parents défaillants ». Mais ne détaille pas davantage.
Le délit de soustraction aux obligations parentales existe, mais…
Ce n’est finalement qu’après les annonces de Gabriel Attal que Matignon précise. La notion de « parents défaillants » s’appuiera sur le délit déjà existant de « soustraction d’un parent à ses obligations parentales ». Le Code pénal prévoit qu’un parent qui manque à ses obligations « au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».
Problème selon Matignon, « cette infraction qui existe déjà n’est pas utilisée, avec très peu de condamnations. » Dans un premier temps, une circulaire a donc été signée par le Garde des Sceaux pour demander aux procureurs « de poursuivre davantage sur cette incrimination ».
Dans un second temps, le gouvernement veut « aller plus loin » en « réécrivant » les textes pour y inclure la notion de « manquements plus légers mais répétés ». Invité de BFMTV le soir même Gabriel Attal a évoqué à titre d’exemple « le fait de ne pas se préoccuper que son enfant aille à l’école, qu’il soit en permanence absent ». L’entourage du Premier ministre assume sa volonté d’être « plus sévères dans le cas où ce manquement d’un parent à ses obligations a pour conséquence directe un passage à l’acte de l’enfant ». « Si l’enfant vient dégrader des voitures, commets des violences et que cela se fait en lien avec un manquement répété au devoir de surveillance d’un parent, on aura une répression plus forte » pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Invit
Néanmoins, le gouvernement planche aussi sur la mise en place de travaux d’intérêt général pour les parents, dans une démarche « plus éducative » que l’amende ou la prison fait-on valoir à Matignon. Sur BFMTV, Gabriel Attal a aussi redit vouloir instaurer une amende pour les parents convoqués devant le juge pour des faits commis par leur enfant mineur et et qui ne s’y présente pas.
Un « discours de classe »
En parallèle de ce discours de fermeté revendiqué, Gabriel Attal et ses ministres martèlent leur volonté « d’accompagner » les jeunes qui « glissent vers le repli sur soi et la violence » tout comme leurs parents « dépassés. » Ainsi, le Premier ministre a promis des mesures pour aider les familles monoparentales qu’il n’a pas détaillées. Elles découleront de la mission confiée à la députée (Renaissance) Fanta Berete et le sénateur (Renaissance) Xavier Iacovelli et dont les conclusions sont attendues à la rentrée « au plus tard ».
Matignon évoque un travail « d’accompagnement des conditions de travail », par exemple sur des horaires aménagés dans certains corps de métiers : « notamment pour les personnes d’entretien, par exemple, qui sont souvent des femmes qui élèvent leurs enfants seules, pour leur éviter de travailler la nuit pour rétablir une forme équilibre dans la famille et dans le foyer », déclare-t-on.
Si le discours se veut équilibré, il véhicule malgré tout au moins un aspect très problématique : la stigmatisation d’une partie de la population, en l’occurrence les classes populaires. « C’est plus facile de garder ses enfants devant la belle piscine de son mas dans le Luberon que dans le 15e étage de la tour Youri Gagarine dans le 93. (…) Le discours politique “vous n’élevez pas bien vos enfants” est vraiment un discours de classe, réservé aux classes populaires », dénonçait l’historien Jean-Jacques Yvorel, spécialiste de la justice des mineurs, après un discours d’Emmanuel Macron consécutif aux émeutes de l’été 2023.
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