Politique

Ce que cache le coup de pression du gouvernement aux députés sur le budget de la Sécu

POLITIQUE – Si vous voulez parler de la réforme des retraites, merci de voter correctement ce qui vient avant. C’est le sens du message adressé vendredi 7 novembre par le ministre des Relations avec le Parlement aux députés de l’Assemblée nationale qui examinent le budget de la Sécurité sociale. Alors que l’issue du vote, attendu au cours du week-end est incertaine, le gouvernement a tenté de faire pencher la balance.

Ce samedi 8 novembre en milieu de matinée, il ne restait que cinq articles à débattre pour clore la partie « recettes » du projet de loi de financement de la sécurité sociale et la soumettre au vote. Ce premier volet du PLFSS a été largement réécrit par les députés : exit la surtaxe sur les mutuelles, la cotisation patronale sur les tickets-restaurants ou la fin d’une exonération sur les salaires des apprentis. La gauche a aussi fait adopter des amendements pour une hausse de CSG sur les revenus du patrimoine, et dégager 2,8 milliards de recettes en 2026.

Pour autant, rien ne permet d’affirmer que ces modifications suffiront à convaincre les députés d’adopter ce premier volet. Pour éviter ce scénario, le gouvernement tente donc une ultime manœuvre : insister sur les risques d’un rejet, aux conséquences singulières.

En cas de rejet, pas de débat sur la réforme des retraites

En cas de vote contre, « la discussion sur les dépenses ne pourra pas avoir lieu » puisque, selon la loi organique qui régit l’examen des PLF et PLFSS, c’est le texte dans son intégralité (recettes et dépenses) qui filera au Sénat. Conséquence pour les députés ? Ils seraient privés des débats sur toutes les mesures du volet dépenses, parmi lesquelles la suspension de la réforme des retraites, « pourtant demandée par plusieurs groupes d’opposition », insiste Laurent Panifous. Et alors que la défiance des Français envers la sphère politique augmente, le gouvernement de Sébastien Lecornu insiste, au-delà des seules oppositions, sur « la transparence due aux Français. »

L’appel du pied est clair. Pour que le texte ne soit pas rejeté, le Premier ministre doit s’assurer du soutien ou a minima de l’abstention de plusieurs camps. Le sien tout d’abord, alors que les macronistes ont été échaudés par certaines concessions à la gauche mais pas uniquement. « Le Gouvernement persiste à vouloir tuer l’apprentissage… Nous lui disons : NON ! », s’est par exemple emportée la députée EPR Prisca Thevenot, pourtant ex-porte-parole d’un gouvernement dont Sébastien Lecornu faisait partie.

Mais il faudra aussi convaincre la gauche. Si un vote pour est par principe exclu pour ces groupes d’opposition, le Parti socialiste, qui a négocié l’amendement sur la suspension de la réforme, a tout intérêt à s’abstenir pour permettre ce débat. Le groupe communiste devrait faire de même : « on ne votera pas contre la partie recettes, ne serait-ce que parce qu’on veut qu’il y ait le débat sur la réforme des retraites », a expliqué à l’AFP son président Stéphane Peu. Les écologistes réservaient encore leur position vendredi, estimant que sans nouvelles victoires pour la gauche, « ce sera un vote contre ». La France insoumise, qui n’a pas hésité à s’opposer à la suspension en commission, pourrait, elle, aller plus loin en votant contre.

La décision se fait attendre aussi du côté de l’extrême droite. Le RN pourrait s’abstenir, selon une source au sein du groupe, son secrétaire général Renaud Labaye estimant que tous les groupes ont « intérêt à ce qu’on aborde les dépenses » car « ce n’est pas bon de laisser entendre aux Français que quand on parle de budget on ne parle que de fiscalité ». La décision sera actée par la patronne Marine Le Pen.

Les débats sur le PLFSS sont officiellement programmés jusqu’à dimanche soir, avant deux jours de relâche lundi et mardi en raison de l’Armistice du 11-Novembre. Si la partie recette était adoptée dès ce samedi, l’examen de l’article sur la suspension de la réforme Borne de 2023 pourrait être renvoyé à mercredi, pour permettre à un maximum de députés d’être présents, selon plusieurs sources parlementaires et gouvernementales. Le vote sur l’ensemble du texte est lui prévu le mercredi 12 novembre. Le Sénat s’en saisira ensuite à partir du 19 novembre.