Ce que clarifie (ou non) la victoire étriquée d’Olivier Faure au PS
POLITIQUE – Les roses dans le sable ? Indéboulonnable depuis huit ans, le député de Seine-et-Marne Olivier Faure est réélu à la tête du Parti socialiste. Le Premier secrétaire sortant recueille 50,9 % des suffrages des militants contre 49,1 % pour son challenger Nicolas Mayer-Rossignol qui a reconnu sa défaite dans la nuit du jeudi 5 au vendredi 6 juin.
La saison 2 de Marseille n’aura donc pas lieu. Souvenez-vous, en 2023, le congrès socialiste prévu dans la cité phocéenne avait débouché sur une sorte de pugilat entre les mêmes protagonistes et leurs courants, sur fond d’accusation de fraude. Ils avaient tout deux revendiqués la victoire, avant un épilogue douloureux plus d’une semaine plus tard. Cette fois-ci, tout s’est mieux passé.
Mais force est de constater que cette course interne, atone, sans débats de fond ni idées novatrices, en plus de souligner les faiblesses du parti ne permet pas les clarifications tant attendues. Au contraire, la famille socialiste ressort divisée en deux camps aux forces quasi-égales. Complexe, à deux ans de la présidentielle.
Faure, vainqueur affaibli
La défaite, tout d’abord, est amère pour Nicolas Mayer-Rossignol. Elle l’est d’autant plus cette fois-ci qu’il était parvenu à regrouper toutes les tendances qui s’étaient opposées en 2023 à Olivier Faure. En vain. L’alliage qui rassemble Carole Delga (présidente de région Occitanie), les nouveaux visages Karim Bouamrane et Philippe Brun ou encore Hélène Geoffroy, reste donc minoritaire. Sans grande marge de manœuvre.
En face, la victoire d’Olivier Faure n’a rien d’un triomphe pour autant. Le premier secrétaire, qui a refusé jusqu’au bout de débattre en public avec son adversaire, ne parvient pas à convaincre davantage qu’il y a deux ans. Il récolte ce printemps quelque 12 000 suffrages, comme en 2023. Un mauvais signe pour celui qui occupe le débat médiatique depuis presque une décennie, et qui miroite, de ce fait, une stature présidentiable.
« Sa victoire ne change pas tellement la configuration à la tête du parti, le résultat renforce un peu ses opposants », résume en ce sens l’historien spécialiste des gauches Mathieu Fulla, pour qui Olivier Faure est maintenant contraint de faire un travail de « synthèse » entre les différents courants. « Ce sont des mécanismes qui avaient courres pendant les grandes heures du PS, entre Mitterrand et Rocard, par exemple, quand il y avait 200 000 votants. On a simplement changé d’échelle et de force de frappe », estime l’historien, qui voit dans ce congrès le signe, s’il en fallait un, de l’« affaiblissement » durable de la maison socialiste. Charge donc au chef reconduit de travailler à une ligne, un cap clair et partagé par tous au PS. Pas simple.
« Réconcilier les vaincus et les vainqueurs »
Une tâche ardue qui pourrait se transformer en mission impossible, après une campagne marquée par les désaccords exacerbés, avant tout sur le rapport du parti à La France insoumise. En témoigne la réaction de Nicolas Mayer-Rossignol ce vendredi. Le maire de Rouen a exigé d’Olivier Faure, lors d’une conférence de presse, qu’il « donne des gages » pour répondre à une « attente manifeste de changement » formulée par « la moitié des votants. » Et d’ajouter, comme un avertissement : « Si la stratégie qu’incarne Olivier était si plébiscitée que ça, il ferait plus de 50 %. Rien ne pourra être comme avant. »
C’est un fait, Olivier Faure n’aura plus les mains libres. Pour s’assurer le soutien de Boris Vallaud, il s’est déjà engagé à proposer à certains de ses opposants internes d’intégrer une direction collégiale. Il risque également de perdre sa majorité au sein du conseil national, sorte de parlement interne, et devra composer avec le député des Landes, troisième homme de ce congrès, et désormais la personnalité « pivot » du parti. De nouveaux rapports de force qui feront jour, notamment, pour la stratégie aux élections municipales.
La gauche unitaire rassurée
Dans ce contexte délicat, les sourires radieux se trouvent ailleurs qu’au PS, chez les chantres d’une candidature d’union de la gauche pour 2027. Ainsi, la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier parle d’une « excellente nouvelle », ce vendredi sur les réseaux sociaux, dans le sillage de plusieurs députés écolos ou ex-LFI, heureux de rendre publiques leurs « félicitations » nourries au chef reconduit.
« Depuis 2022, Olivier Faure s’est efforcé de garantir la survie du PS en nouant quelque chose qui reste attendu par les électeurs de la gauche, à savoir l’union, avec des alliances qui vont de LFI au PS, comme l’étaient la Nupes et le NFP. Sa victoire est donc une bonne nouvelle pour ceux qui cherchent à maintenir une logique d’union », relate Mathieu Fulla. Il s’agit effectivement de l’enseignement le plus saillant de ce congrès : le PS et sa direction ainsi renouvelée vont continuer à pousser un large rassemblement pour la prochaine présidentielle, allant de « Glucksmann à Ruffin », selon la formule répétée à l’envi par Olivier Faure.
Bien plus qu’un élan décisif, les unionistes peuvent donc se satisfaire d’avoir évité le pire pour eux. La victoire de Nicolas Mayer Rossignol aurait effectivement contribué à enterrer les chances (déjà faibles) de ce processus commun. Le maire de Rouen a en effet fait campagne sur la promesse de revivifier la social-démocratie, de Glucksmann à Cazeneuve, pour garantir un candidat de ce courant sur la ligne de départ.
« Il y a maintenant un grand absent dans l’équation, c’est La France insoumise, souligne néanmoins Mathieu Fulla, ce qui laisse encore moins de marge à cette gauche unie pour 2027. » Le premier secrétaire a assuré, comme ses concurrents, qu’il n’y aurait plus d’accords nationaux avec la formation mélenchoniste pour les prochaines échéances… Mais le PS pourrait à nouveau discuter d’ententes « au cas par cas » avec LFI pour contrer le Rassemblement national, nuance désormais la maire de Nantes Johanna Rolland, proche d’Olivier Faure. D’ici là, les sables peuvent encore se faire mouvants.