Ce que la série d’Édouard Philippe sur France 2, nous dit de sa course pour 2027
POLITIQUE – Le théâtre d’ombres de l’ancien Premier ministre. France 2 diffuse ce mercredi soir les premiers épisodes de la série attendue Dans l’ombre, une adaptation du roman éponyme publié par Édouard Philippe et son plus proche conseiller Gilles Boyer en 2012.
Cette fiction, découpée en six épisodes (déjà tous disponibles sur France.TV), raconte la campagne présidentielle de César Casalonga, l’apparatchik homme de main, joué par Swann Arlaud, et de son candidat Paul Francœur, incarné par Melvil Poupaud. Un baron noir de droite ? Et une première bande-annonce pour l’aventure du « patron », Édouard Philippe et de son plus fidèle pour 2027 ?
Certes, Dans l’ombre n’est pas un documentaire, c’est un thriller. Le candidat à la présidentielle est en fauteuil roulant, après un accident de la route et l’intrigue tient en grande partie sur la découverte d’une fraude électorale. Il n’est donc pas opportun d’y calquer à l’identique les ambitions et la vision du maire du Havre, déjà candidat à la prochaine présidentielle. Il n’empêche. Quand on sait que l’ancien Premier ministre est coscénariste de la série et qu’il est impliqué dans le tournage au point d’être présent sur le plateau, on ne peut s’empêcher de voir dans certains dialogues des indices sur sa conception de la politique. Voire, de sa campagne à venir.
1. La haine des primaires
La série est tout d’abord un vibrant plaidoyer contre les primaires. Les deux premiers épisodes montrent ainsi les écueils d’une compétition fratricide, avec un vainqueur paradoxalement affaibli par les divisions de son camp et les désidératas de sa concurrente défaite. Autant d’arguments très fréquents chez les contempteurs de ce système, et parfaitement mis en lumière dans la série.
« Avec ce score, c’est à qui perd gagne. On sort divisés comme jamais. Elle va essayer de grappiller tout ce qu’elle peut », résume ainsi César Casalonga à Paul Francœur dans le premier épisode, quand son adversaire, la très droitière Marie-France Trémeau (Karin Viard) essaie de faire monter les enchères pour confirmer son soutien.
Le candidat lui, ne fait pas mystère de son agacement. « On a vu trop de primaires ouù le vaincu imposait ses vues au vainqueur », « chez moi c’est le gagnant qui décide. Pas le perdant. Je le sais, j’ai beaucoup perdu et personne n’est jamais venu me demander mon avis », martèle-t-il. Des répliques à retrouver bientôt dans la bouche d’Édouard Philippe ? On sait déjà en tout cas que la primaire n’est pas le mode de désignation préféré de celui qui, déjà candidat pour 2027, va devoir composer avec les nombreuses ambitions de ses alliés.
2. Cours de communication
Dans la suite de la série, il est également intéressant de noter que le candidat Paul Francœur théorise la discrétion médiatique, comme stratégie de communication. Alors qu’une jeune policière se suicide et que le hashtag #parcequejenecomptepas se propage sur les réseaux sociaux, le candidat à la présidentielle refuse, à plusieurs reprises, de réagir à chaud. Le système médiatique, et ses affres, en prend pour son grade.
Doublé par ses adversaires à la présidentielle, lesquels se rendent à l’hôpital ou au commissariat quelques heures après le drame, pressé par ses équipes qui jugent délétère son absence de réaction, Paul Francœur ne veut pas sortir de ses propositions de fond, sur la France rurale en l’occurrence. « Le système médiatique est merdique on le sait tous, mais là, il faut bouger, on doit avancer nos propositions sur la sécurité », lui intime par exemple son conseiller César Casalonga. Mais rien n’y fait.
À travers plusieurs échanges, avec son équipe ou les médias, le candidat assume ne « rien dire », et mettre « la bête (médiatique) à la diète. » « Il faudrait en 24 heures, sous le coup de la colère, de l’émotion, dégainer des propositions plus radicales les unes que les autres ? », s’agace-t-il, notamment. Cela vous dit quelque chose ? Sur ce point, difficile de séparer Paul Francœur d’Édouard Philippe, tant l’ancien Premier ministre se plaît à cultiver sa discrétion médiatique, à rebours des remuants Gérald Darmanin ou Gabriel Attal. Une stratégie qui devrait durer.
3. La peur des affaires
Enfin, la fiction semble révéler certaines craintes d’Édouard Philippe dans la course à l’élection suprême. Toute la série est effectivement marquée par le souci du personnage principal (le candidat) de garder de la hauteur sur les événements et les attaques, parfois en dessous de la ceinture. On comprend aussi que les auteurs, puis les scénaristes, sont marqués par l’irruption des affaires en politique, et de la « rumeur ».
Ainsi, la campagne présidentielle de Paul Francœur est jalonnée de plusieurs soucis du genre. Il est d’abord accusé par Le Canard enchaîné d’avoir planqué un tableau de maître sans le déclarer aux autorités dédiées. « Quand le sparadrap est posé, il reste », « la rumeur, plus tu la démens, plus les gens y croient » déplore par exemple le personnage joué par Melvil Poupaud avant d’assurer au Figaro, qu’il convoque pour court-circuiter la sortie d’une info embarrassante : « La rumeur, c’est la plaie de notre époque. Elle glissera sur moi comme la pluie sur les plumes d’un Colvert. »
Parmi les autres dialogues signifiants de la série, on peut également citer cette tirade « avec les centristes, il y a toujours des portes qui claquent et un accord à la fin », qui fleure bon les appareils politiques de droite.
Enfin, la fiction semble prendre la forme d’un aveu, concernant la place des femmes en politique. Outre le fait que l’on ne connaisse pas le nom de la seule femme de l’entourage politique de Paul Francœur, simplement désignée comme « Marilyn », c’est l’adversaire tenace Marie-France Trémeau qui résume le mieux la situation. Une de ses dernières tirades dans la série ? « Une femme en politique, ça n’existe pas, ce n’est rien. On me donnait gagnante, pour ma franchise, mes idées, mon autorité, mon charisme (…) Je n’ai pas été foutu de gagner. Tous ceux qui m’avaient assuré de leur soutien, hommes ou femmes, se sont désistés. Tu sais pourquoi ? Parce que je suis une femme. Ils ont préféré voter pour un infirme, que pour une femme. La France c’est féminin, le pouvoir c’est masculin. » Un aveu, coupable ?
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