Politique

Ce que l’on peut dire des différents programmes pour les élections législatives

POLITIQUE – Une semaine nous sépare du premier tour des élections législatives anticipées. Et, pour l’heure, seul le Nouveau front populaire a produit un programme détaillé et chiffré, comprenant 150 mesures compilées sur 24 pages. Du côté du camp présidentiel, qui se présente sous la bannière « Ensemble pour la République », il est question de poursuivre la politique menée par Emmanuel Macron en mettant l’accent sur le pouvoir d’achat, mais sans mesure nouvelle révolutionnant le logiciel macroniste.

Quant au Rassemblement national, donné en tête dans les sondages, il n’a pas encore dévoilé de programme exhaustif, donnat avant tout des indications quant aux mesures prévues en cas de victoire de l’extrême droite le 7 juillet. Le tout en conservant le flou sur les retraites ou la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité.

À J-7 du premier tour, Le HuffPost fait le point sur les programmes, et sur ce qu’ils révèlent. En se concentrant sur ces trois principales forces politiques, qui réunissent à elles seules plus de 80 % des intentions de vote.

La rupture du Nouveau front populaire

« Rupture ». Tel est le mot-clé du « contrat de législature » signé par les communistes, écologistes, socialistes et insoumis. Celui-ci prévoit l’abrogation immédiate de la réforme des retraites, la hausse du SMIC à 1 600 euros net, le blocage des prix des biens de première nécessité, l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage, le rétablissement d’un ISF pour financer la transition écologique, la suppression de la flat tax (qui est un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital) et le rétablissement de l’exit tax (un dispositif anti-évasion fiscale enterré par Emmanuel Macron).

Sur la fiscalité des ménages, le Nouveau front populaire entend mener une réforme d’envergure, en instaurant un système prévoyant 14 tranches d’impôt (contre cinq aujourd’hui). Objectif : accroître la progressivité de l’impôt afin d’aboutir à un effort fiscal plus équitablement réparti. L’alliance de gauche veut également instaurer une taxe sur les superprofits, mais aussi « taxer les plus riches au niveau européen pour augmenter les ressources propres du budget de l’Union européenne » et « généraliser la taxation des superprofits au niveau européen ». Sans revenir sur l’exhaustivité des mesures, le Nouveau front populaire entend investir massivement dans les services publics, en augmentant la rémunération des personnels soignants ou enseignants, ainsi que dans les infrastructures.

Est-ce tenable économiquement ? Le gouvernement, mais aussi plusieurs économistes d’inspiration libérale assurent que ce projet, malgré son chiffrage, conduirait ni plus ni moins à la ruine du pays, compte tenu de l’état du déficit. On notera toutefois que des économistes de renom, comme la prix Nobel française Esther Duflo, ou encore Julia Cagé, Thomas Piketty ou Gabriel Zucman valident cette feuille de route économique. À leurs détracteurs, les responsables du NFP ont d’ailleurs ressorti les archives des années 30, montrant que le programme porté en son temps par Léon Blum recevait exactement les mêmes critiques.

La continuité des Macronistes

Gabriel Attal a bien présenté un programme. On le trouve ici. Mais l’essentiel des mesures qui y sont proposées relève soit du recyclage, soit de l’amplification des dispositifs existants. À l’image de la revalorisation des retraites des agriculteurs, une mesure qui a déjà eu le feu vert de l’exécutif au lendemain de la révolte des agriculteurs. Autre promesse : « aucun impôt ne sera appliqué aux successions et donations jusqu’à 150 000 euros par enfant, y compris pour les familles recomposées, ni jusqu’à 100 000 euros transmis aux petits-enfants ». La mesure figurait déjà sur le programme du chef de l’État pour la présidentielle 2022, sous le volet « pacte pour la production ».

Rien de nouveau non plus concernant la comparution immédiate des mineurs, la généralisation du Service national universel ou encore la création d’un congé de naissance. Toutes ces mesures ont été précédemment annoncées par le gouvernement. Même chose pour la taxe sur les rachats d’actions, envisagée dès le mois d’avril par l’exécutif pour le prochain projet de loi de finances. La baisse de 15 % du tarif de l’électricité dès l’hiver prochain ? Moins une promesse électorale que la conséquence attendue de la réforme du marché européen de l’électricité adoptée en avril.

Il y a bien, cependant, quelques nouveautés. Parmi elles, le relèvement jusqu’à 10 000 euros « sans charges ni impôt » du plafond de la « prime Macron », destinée à renforcer le pouvoir d’achat des salariés, sans passer par une augmentation de salaire. Ou encore l’exonération des « frais de notaires » pour les jeunes classes moyennes sur l’achat d’un logement jusqu’à 250 000 euros (ce qui représente un coût non négligeable pour l’État). Mais les conditions ne sont pas précisées, puisqu’on ne sait pas jusqu’à quel âge un « jeune » pourrait y avoir droit. Selon l’Institut Montaigne, une telle mesure (proposée par Éric Zemmour en 2022) pourrait bénéficier à 700 000 ménages, pour un coût estimé à 5 milliards d’euros.

La xénophobie du RN

Comme dit plus haut, Jordan Bardella n’a pas, pour le moment, présenté de projet détaillé. Attendu pour le début de semaine, celui-ci devrait comporter des mesures déjà annoncées par le président du RN, comme la suppression du droit du sol, qui nécessite une modification du Code civil et constituerait une véritable rupture avec l’histoire de France. Sur le plan économique, le parti lepéniste a promis la baisse de TVA à 5,5 % sur le carburant, l’électricité, le gaz et le fioul. Il a, en revanche, renvoyé aux calendes grecques la même mesure sur les produits de première nécessité, que Marine Le Pen jugeait pourtant « urgente ».

Le parti d’extrême droite entend aussi augmenter les salaires, mais en exonérant les cotisations patronales à hauteur de 10 % et jusqu’à trois fois le salaire minimum. Ce ne serait donc pas à l’employeur de faire l’effort, mais à l’État, au regard de la baisse de recettes que cette mesure implique. Privatisation de l’audiovisuel public, transformation de l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune financière, suppression de la réforme de l’assurance chômage… Jordan Bardella a effectivement des mesures (non chiffrées à ce stade) à proposer, mais il reste particulièrement flou sur le sort qu’il souhaite réserver à la réforme des retraites, comme le montre notre vidéo ci-dessous.

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Le dossier sur lequel le RN ne varie pas, c’est bien sur son projet xénophobe. Avec, comme mesure phare, la préférence nationale. Soit réserver certaines prestations, comme les allocations familiales ou les logements sociaux, aux seuls Français. Ce qui nécessiterait une modification de la Constitution, puisqu’une telle mesure est contraire avec le principe constitutionnel d’égalité. Bien qu’il semble difficile d’imaginer qu’une telle révision puisse avoir lieu dans le cadre d’une cohabitation, raison pour laquelle cela ne figure plus sur les documents de campagne pour les législatives, cela reste bien la matrice du RN. « On n’a renoncé à rien », prévient d’ailleurs ce dimanche 23 juin dans La Tribune dimanche Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen.

Au mois de janvier, la présidente du groupe RN avait résumé l’esprit de ce changement de paradigme dans une proposition de loi constitutionnelle déposée à l’Assemblée nationale. Et il ne s’agissait pas seulement des prestations sociales, mais aussi de pouvoir interdire « l’accès à des emplois des administrations, des entreprises publiques et des personnes morales chargées d’une mission de service public aux personnes qui possèdent la nationalité d’un autre État ». Ce qui pourrait donc s’appliquer aux personnes ayant une double nationalité. Un dispositif qui inquiète plusieurs employeurs, ainsi que le monde associatif.

Sur l’éducation, le RN prévoit un programme rétrograde, prônant la fin du collège unique, l’examen d’entrée en 6e, le port de l’uniforme ou encore l’affichage en classe de frises chronologiques présentant « le récit national, de Clovis ou de Vercingétorix à nos jours ». Avec, comme autre mesure, l’interdiction du port de voile pour les mères accompagnatrices de sorties scolaire, autre marotte de l’extrême droite. Dans Les Échos, Roger Chudeau, en charge du volet école du programme du RN, justifie la mesure : « Les enseignements sont contestés, la nourriture halal est omniprésente, le ramadan exerce une pression terrible sur la vie scolaire. Tout cela doit cesser. »

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