Cette brouille avec Alger qui a compliqué l’organisation des 80 ans du Débarquement de Provence
POLITIQUE – « Bien sûr », l’Algérie est invitée aux commémorations des 80 ans du Débarquement en Provence ce jeudi 15 août. Elle y a même « toute sa place », assure l’Élysée. Mais il faudra faire sans elle. Après des années de brouilles diplomatiques et rabibochages entre Paris et Alger, la question du Sahara occidental a de nouveau crispé les relations quinze jours avant la cérémonie française.
« Cette journée du 15 août est l’occasion d’honorer trois mémoires : une mémoire franco-française, une mémoire franco-africaine et une mémoire franco alliées », soulignait l’entourage du chef de l’État, une semaine avant le jour J. Par « mémoire franco-africaine » comprendre : un hommage aux 250 000 soldats de l’armée B menée par le général de Lattre de Tassigny et illustration de l’« intense mobilisation de l’empire colonial français » avec 130 000 soldats dits « musulmans » d’Algérie et du Maroc et 12 000 soldats de l’armée coloniale (tirailleurs sénégalais, marsouins du Pacifique et des Antilles…), auxquels s’ajoutent plus de 100 000 Pieds-noirs, soldats des Forces françaises libres et Corses.
La cérémonie, qui commence dès 9h à la nécropole nationale de Boulouris à Saint-Raphaël, « vise à honorer ces soldats tombés au combat, de toutes origines et confessions » et « une participation africaine de haut niveau est attendue. » Ainsi, un discours du président de la République du Cameroun Paul Biya précédera celui d’Emmanuel Macron dans la matinée. Une association a aussi annoncé la présence de cinq tirailleurs ayant participé aux guerres d’Indochine et/ou d’Algérie, accompagnés de cinq lycéens de Thiaroye, près de Dakar.
Aucun représentant officiel de l’Algérie malgré l’invitation
Qu’en est-il des autres dignitaires étrangers ? Le nom de l’ensemble des participants a été communiqué quelques heures seulement avant le rendez-vous. Si le Maroc est bien représenté par Aziz Akhannouch, chef du gouvernement, nulle trace d’une délégation algérienne. À l’Élysée, où la gêne est palpable à la veille de la cérémonie, on confirme que les dignitaires algériens ont bien été invités. Mais ils ont de toute évidence décliné. Ce qui en dit long sur l’état des relations entre Paris et Alger depuis la crise ouverte sur le Sahara occidental.
Retour au 30 juillet 2024. Alors que les Jeux Olympiques battent leur plein en France, Rabat rend publique une lettre d’Emmanuel Macron adressée au roi du Maroc Mohammed VI dans laquelle il affirme que le plan marocain pour le Sahara occidental « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ».
Le Sahara occidental est revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario soutenus par l’Algérie mais aussi par le Maroc, qui en contrôle une large partie et propose un plan d’autonomie mais dans le cadre de sa souveraineté et de son « unité nationale ». Le sujet est à ce point sensible qu’Alger a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec Rabat en partie pour cette raison.
Une « relation bilatérale » en passe de devenir unilatérale
Fin juillet, la lettre de Paris, interprétée comme un soutien net en faveur du Maroc, met le feu aux poudres. Alger retire « avec effet immédiat » son ambassadeur en France et le ministère des Affaires étrangères dénonce dans un communiqué un « pas qu’aucun autre gouvernement français avant lui n’avait cru devoir franchir ». Dans la foulée, le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf laisse entendre que la visite en France du président Abdelmadjid Tebboune déjà maintes fois repoussée sur fond de tensions et finalement prévue fin septembre pourrait être annulée.
Les commémorations du débarquement ont-elles fait l’objet de la même punition ? Questionné par Le HuffPost sur les raisons de l’absence d’un représentant algérien, l’Élysée ne répond pas. De la même façon que le Quai d’Orsay avait refusé de commenter le retrait de l’ambassadeur algérien en France, une « décision souveraine ». « Pour notre part, nous restons déterminés à poursuivre l’approfondissement de notre relation bilatérale avec l’Algérie », ajoutait sobrement cette source diplomatique au moment de faits. En oubliant au passage que pour une relation bilatérale, il faut être deux.
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