Chacun à gauche a son portrait-robot du Premier ministre, et ça en dit beaucoup
POLITIQUE – Des critères en veux-tu en voilà. Quarante-huit heures après les résultats des élections législatives, le Nouveau Front Populaire discute encore pour savoir qui proposer comme Premier ministre. Soucieux de ne pas faire exploser l’union, personne n’impose de manière catégorique un nom. Mais tout le monde a un profil en tête.
Le Nouveau Front populaire est d’accord sur un point : il faut aller vite pour ne pas laisser à Emmanuel Macron et son camp le temps de reprendre la main… Et de conclure, par exemple, une autre alliance. Dès lundi, la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier regrettait qu’Emmanuel Macron n’ait pas contacté les cadres de gauche pour leur proposer Matignon. Ce mardi 9 juillet, la pression s’accentue pour appeler le président de la République à sortir du « déni » concernant la victoire de la gauche et la défaite de son camp.
Pour autant, ce délai est bienvenu à gauche pour se mettre d’accord. D’abord, il faut régler la question du mode de désignation : faut-il un Premier ministre issu du parti le plus représenté ou « un vote » des parlementaires NFP comme le réclame le numéro 2 du PS Pierre Jouvet ? L’épineuse question hante la gauche depuis le début de la campagne et n’a toujours pas été tranchée. Ensuite, le profil. Encore plus délicat.
Le programme, « tout le programme », rien que le programme
Chez les insoumis, la ligne est claire depuis le 7 juillet, 20h10. Le soir du second tour, Jean-Luc Mélenchon a donné le la : le Nouveau Front Populaire « doit gouverner » et il « appliquera son programme, tout son programme ». « Un gouvernement du Nouveau Front Populaire, s’il se constitue, c’est pour mettre en œuvre le programme du NFP », abonde Manuel Bompard, coordinateur de LFI sur CNews ce 9 juillet. Sous-texte : le Premier ministre désigné doit s’engager à mettre en œuvre l’intégralité du programme, sans aucune compromission.
Avec cette vision des choses, le candidat idéal des insoumis est tout trouvé : « Jean-Luc Mélenchon a des atouts pour exercer cette fonction. Il est en adéquation avec le programme que nous avons défendu dans ces élections. (…) Il a une expérience gouvernementale, une pratique du pouvoir que personne ne peut lui enlever donc bien sûr qu’il fait partie des options possibles », poursuit Bompard. Fidèle à sa position des derniers mois, l’intéressé ne s’exclut ni ne s’impose et cite d’autres noms que le sien, de Manuel Bompard à Mathilde Panot en passant par Clémence Guetté. Mais prévient, au nom du « respect mutuel » qu’on ne peut pas « dire ’pas lui, pas elle’ » sans « raisons d’une gravité singulière ». À bon entendeur.
« Force tranquille » et socialisme
Apaisement, rassemblement et détermination. Voici les mots-clés qui reviennent du côté du socialiste Pierre Jouvet, numéro 2 du parti, mais aussi chez Benoît Payan, maire divers gauche de Marseille, et ex-membre du parti à la rose. Auprès de l’AFP ce 9 juillet, le premier, qui participe aux discussions du NFP, estime qu’il faut « un profil qui apaise, qui a l’expérience du Parlement, qui tiendra le programme du Nouveau front populaire, et qui sera respecté par les autres forces de l’alliance ». Le second défend une « force tranquille », quelqu’un qui allie « calme », « détermination » mais aussi « envie et capacité à discuter avec tout le monde. » « Surtout, il ne faut pas décevoir », martèle-t-il, tout en écartant le critère de « la pureté de la ligne » qui risque de « nous rabougrir ». Comme un tacle indirect à la ligne mélenchoniste.
Ce profil brossé, les deux sont d’accord sur un point : cette personnalité doit être « un socialiste ». Interrogé sur la possibilité que ce soit lui, Benoît Payan, à qui l’on prête de bonnes relations avec Emmanuel Macron et qui illustre à Marseille l’union réussie des forces de gauche, balaie. « Je suis maire de la plus belle ville de France dont je suis fou amoureux. Et il n’y a qu’elle qui compte », assure-t-il. Pierre Jouvet lui, avance un nom : celui d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Qu’en pense l’intéressé ? « Je suis prêt à assumer cette fonction », confirme-t-il quelques heures plus tard.
« Élargissement du socle » à l’Assemblée
D’autres se montrent aussi ouverts à une personnalité « capable d’élargir le socle à l’Assemblée nationale », selon les mots du sénateur écologiste Yannick Jadot sur TF1 ce mardi. Sensiblement sur la même ligne que le secrétaire national du PCF Fabien Roussel. Il faut « un Premier ministre de dialogue, rassembleur, qui tend la main et construit des majorités pour pouvoir avancer » plaide le communiste sur RTL.
Les deux souhaitent aboutir à des textes qui « répondent aux attentes » des Français, en « rupture incontestable avec le macronisme » et qui « emmène le pays vers la forme de réconciliation et d’apaisement » ajoute Yannick Jadot. Il n’avance pas de noms, mais glisse : « Ça réduit le nombre de candidatures possibles ».
En juin 2022, le slogan « Mélenchon à Matignon » s’était imposé sinon de lui-même. À l’époque, l’insoumis en chef avait pour lui son score de la présidentielle. Mais depuis, le rapport de force a bougé. Aux européennes, c’est l’alliance PS/Place Publique qui est arrivée en tête. Aux législatives, ce sont aussi les socialistes qui ont réalisé la plus jolie percée à gauche, en doublant quasiment leur nombre d’élus. Pendant la campagne, c’est l’écologiste Marine Tondelier qui a réussi à tirer médiatiquement son épingle du jeu.
« Il y a, et c’est naturel, des revendications qui sont portées par les uns et les autres », reconnaît Olivier Faure depuis l’Assemblée nationale ce mardi pour la rentrée des élus socialistes. Le chef des socialistes évoque la première échéance décisive du 18 juillet pour évaluer les forces en présence à l’Assemblée. « Jusqu’au 18, il y a la possibilité de s’inscrire dans un groupe », souligne-t-il. Et donc de faire des socialistes le premier groupe du NFP devant les insoumis, selon les ralliements et les désistements. Avec à la clef des conséquences claires sur le choix du locataire de Matignon.
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