Politique

Combien de temps Lecornu peut-il rester à la tête d’un gouvernement démissionnaire ?

POLITIQUE – Tous dans la voie de garage. Avec la chute de François Bayrou sur le vote de confiance en début de semaine, c’est l’ensemble du gouvernement qui se retrouve démissionnaire, à l’exception de Sébastien Lecornu fraîchement nommé à Matignon. Alors qu’une telle annonce est traditionnellement suivie de la composition d’une nouvelle équipe ministérielle, il n’en sera rien pour le moment.

En mandatant ce fidèle parmi les fidèles, Emmanuel Macron lui a demandé de consulter les forces politiques afin de trouver un accord sur un budget, avant de former un gouvernement. Avec le décret présidentiel du 9 septembre mettant fin officiellement aux activités de François Bayrou et du gouvernement, Bruno Retailleau, Élisabeth Borne, Gérald Darmanin, et consorts sont désormais condamnés à gérer les affaires courantes en regardant (de loin) les tractations menées par leur nouveau chef, avant de savoir s’ils devront faire (ou non) leurs cartons.

Et avec les mains liées, car les ministres démissionnaires sont relégués à des questions purement techniques. Ils ne peuvent pas déposer de nouveau projet de loi, sauf en cas d’urgence, mais ils peuvent publier les décrets afférents à des textes déjà votés. Un ralentissement qui devrait s’observer aussi à l’Assemblée, à l’exception des travaux en commission. « Il n’y a pas de possibilité d’activité législative nouvelle tant qu’il n’y a pas un nouveau gouvernement », a rappelé mardi matin aux présidents de groupes, Yaël Braun-Pivet.

Ce que dit et ne dit pas la Constitution

Et gage que cela peut s’éterniser légèrement, après les européennes et la dissolution en juin 2024, le gouvernement de Gabriel Attal était resté à la gestion des affaires courantes pendant près de deux mois. Un quasi-record.

Une rentrée avec des airs de déjà-vu donc, à ceci près que les ministres actuels n’ont pas été proposés par le Premier ministre auquel ils en réfèrent désormais. Une cocasserie ? Auprès du site Affaire Juridiques, les spécialistes du droit Jean-Éric Schoettl et Jean-Pierre Camby notent que « la Constitution n’organise pas la transition d’un gouvernement qui a présenté sa démission (…) ni la durée d’une telle transition ». Ça peut donc durer, d’autant que la notion d’affaires courantes s’observe, elle, essentiellement sur le volet du droit administratif : il faut que les administrations puissent continuer à travailler.

Seule la nomination d’un nouveau gouvernement « et non pas seulement d’un nouveau Premier ministre », met fin à la période de gestion des affaires courantes, avait précisé l’année passée le Secrétariat général du gouvernement. Dans cette configuration, la question de la reconnaissance de la Palestine par la France le 22 septembre à l’ONU pourrait s’avérer épineuse.

Prendre son mal en patience… avant le budget

S’il va falloir vraisemblablement prendre son mal en patience, puisqu’à en croire les indiscrétions de Politico « on est encore loin de la copie » de la composition gouvernementale, nul doute que les choses devront être calées d’ici le mois d’octobre.

Car les textes organiques sont formels, le projet de loi de finances doit être déposé par le gouvernement au plus tard le premier mardi de ce mois. Soit, cette année, le mardi 7 octobre. Ensuite les parlementaires disposent de 70 jours pour l’examiner et le voter. De quoi laisser quelques jours au Conseil constitutionnel pour se prononcer, avant une promulgation présidentielle au plus tard le 31 décembre.

Chaque jour de vacance gouvernementale fait donc courir le risque de repousser ce calendrier, alors qu’il est impossible pour des ministres démissionnaires de déposer un budget. Seule marge de manœuvre, un projet de loi spéciale votée en urgence qui permettrait à l’État de continuer à percevoir l’impôt en attendant un nouveau budget. Une situation à laquelle avait été contraint l’exécutif après la chute de Michel Barnier.

Il reste concrètement moins de 30 jours à Sébastien Lecornu pour amadouer les socialistes vers une non-censure sans fâcher LR, former un nouveau gouvernement, et déposer un projet de loi finances. Féru d’histoire, le nouveau Premier ministre natif de la Normandie, qui a un temps songé à embrasser la vie monacale, devrait se souvenir du cri de ralliement de Guillaume le Conquérant : « Que Dieu nous aide ». Ça pourrait être utile.