Politique

Comme les partis politiques, les syndicats dans le flou face au mouvement « tout bloquer »

GRÈVE – Donner à la journée du 10 septembre une « immense puissance ». Jean-Luc Mélenchon exhorte ce samedi 23 août les confédérations syndicales à lancer un appel à la grève générale pour cette date. En direct au 13-Heures de TF1, le chef de file des Insoumis a déclaré qu’il espérait que cette journée de mobilisation devienne un « appui extraordinaire ».

Et pour cause, « il nous faut la grève générale le 10 septembre parce que le 23 septembre, nous déposerons la motion de censure pour faire tomber le gouvernement de François Bayrou », avait-il expliqué dès vendredi 22 août devant plusieurs milliers de militants à Châteauneuf-sur-Isère, près de Valence, dans la Drôme. Les Insoumis espèrent faire chuter le Premier ministre à l’Assemblée nationale, pour mettre encore plus la pression sur le président Emmanuel Macron.

Mais face à lui, les confédérations syndicales, poussées par leurs bases et certaines fédérations, restent méfiantes à l’égard de ce mouvement citoyen, et plusieurs responsables syndicaux craignent les tentatives de récupération.

« Les choses sont très nébuleuses »

Première des représentants syndicaux à s’exprimer publiquement, Sophie Binet, leader de la CGT, s’est montrée vendredi matin prudente sur cette initiative lancée hors des centrales syndicales et qui a pris de l’ampleur après la présentation par le Premier ministre, mi-juillet, de mesures d’économies drastiques. Celles-ci prévoient notamment la suppression de deux jours fériés, une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, la monétisation de la cinquième semaine de congés payés ou le gel des pensions et prestations sociales.

Si « les revendications sociales et la dénonciation » du projet de budget rejoignent « tout à fait notre analyse », « sur le reste, les choses sont très nébuleuses », a jugé Sophie Binet sur France Inter.

Tout en saluant « la multiplication des initiatives de mobilisation », qui « montre la volonté d’action et la grande colère sociale », la CGT reste « très vigilante sur les tentatives de noyautage et d’instrumentalisation de l’extrême droite, qui, à certains endroits, essaye de développer des discours anti syndicaux » ou de la diriger contre « les immigrés ».

Mais sans attendre l’avis du bureau confédéral de la CGT, qui se réunira mardi et mercredi pour définir la position officielle du syndicat, plusieurs de ses instances départementales et fédérations, dont celles de la chimie et du commerce, ont déjà décidé de soutenir le mouvement.

Le risque d’un mouvement « un peu incontrôlé »

« Je suis inquiet que le pays soit paralysé, a pour sa part réagi ce samedi 23 août sur franceinfo Michel Picon, président de l’U2P, syndicat patronal des entreprises de proximité. Nos entreprises n’ont pas besoin de ça, elles ont besoin de stabilité dans cette période difficile ». L’appel à « tout bloquer » l’inquiète car le mouvement, qui a émergé sur les réseaux sociaux, est encore mal identifié et risque « d’être un peu incontrôlé », selon lui. En outre, il craint la récupération politique.

Chez Force ouvrière, certains militants s’interrogent eux aussi : « On nous demande ce qu’est cette journée du 10 septembre », témoigne Patricia Drevon, secrétaire confédérale, auprès de l’AFP.

« Il y a des mots d’ordre avec lesquels je suis d’accord, par exemple les revendications qui luttent contre l’austérité, ne veulent pas perdre les deux jours fériés, ou pour la sauvegarde des services publics ; d’autres sont absurdes, et d’autres encore tout simplement abjectes », estime Patricia Drevon, évoquant des messages xénophobes.

« On trouve pas mal de discussions intéressantes, beaucoup de personnes qui demandent ce qu’est un blocage, comment on fait de la désobéissance civile, comment on organise la solidarité… », détaille Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires – organisation qui décidera jeudi prochain de sa participation ou non au mouvement.

« On ne va certainement pas se mettre derrière LFI »

En attendant, l’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Solidaires) convoquée le 1er septembre « définira les modalités d’actions », rappelle Patricia Drevon.

« Il y aura forcément une journée d’actions », assure la responsable, mais « en intersyndicale, non ce n’est pas possible de décider de rejoindre le 10 septembre ». D’autant que « maintenant que Mélenchon a appelé à soutenir le mouvement, on ne va certainement pas se mettre derrière LFI », pointe un responsable syndical sous couvert d’anonymat.

Après s’être greffés à la marche contre le racisme en mars et avoir participé aux cortèges du 1er-Mai au grand dam des leaders syndicaux, « les Insoumis donnent une nouvelle fois l’impression de vouloir s’accaparer le mouvement social », abonde un autre responsable.

L’ensemble des partis de gauche se sont alignés sur la position défendue, dès le 17 août, par La France insoumise. Dans un texte publié par La Tribune dimanche, plusieurs cadres du mouvement, dont Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard et Mathilde Panot, appelait leurs troupes à « soutenir l’initiative populaire du 10 septembre » et à « se mettre immédiatement au service des collectifs locaux qui proposent cette mobilisation ». Les Écologistes et le Parti communiste avaient suivi dans les heures suivantes tandis que le PS avait semblé hésiter avant de finalement se joindre à la mobilisation.