Politique

Comment Emmanuel Macron justifie l’aide à Israël contre l’Iran sans dire qu’il a aidé Israël

INTERNATIONAL – Tout un « cadre » à prendre en compte. La France a fermement condamné « l’attaque sans précédent » de l’Iran visant Israël dans la nuit de samedi à dimanche 14 avril et a apporté une aide opérationnelle pour intercepter les missiles et drones visant l’État hébreu. Pour autant, le Quai d’Orsay comme la présidence de la République se refusent à présenter cette intervention uniquement comme un acte de soutien à Israël.

L’Iran a justifié son passage à l’acte en riposte à un bombardement de son ambassade en Syrie le 1er avril imputé à Israël. Mais côté français, l’analyse sur les rôles de chacun est claire. « Ce sont les Iraniens qui ont attaqué Israël » , a martelé le ministre des Affaires Étrangères Stéphane Séjourné dimanche soir au 20h de France, appelant à ne pas « inverser les responsabilités ».

Dans ce contexte, la France a procédé à « des échanges d’informations » et « des interceptions » de missiles et drones iraniens, a confirmé ce lundi 15 avril Emmanuel Macron invité de BFMTV et RMC. Selon Le Monde, ce sont des « éléments de défense sol-air » déjà déployés sur place pour assurer la protection des forces françaises qui ont été utilisés, mais il « s’agit d’une aide à la marge » nuance la source interrogée par nos confrères.

Ni l’Élysée ni le ministère des Armées contacté par Le HuffPost ne s’étendent sur le détail de la participation française. En revanche, l’accent est très fortement mis sur les raisons qui ont poussé à intervenir.

Une intervention au titre « d’acteur de la sécurité régionale »

Si la France assume de livrer des composants militaires défensifs à Israël, aucun accord de défense ne lie Paris à Tel-Aviv et justifierait une intervention directe. En revanche, la France est liée à la Jordanie par la base aérienne française déployée dans le cadre de l’opération Chammal contre le terrorisme. « Nous sommes sur le sol jordanien à la demande de la Jordanie », a redit Emmanuel Macron ce lundi matin. La France dispose également d’une base permanente à Abu Dhabi (Émirats arabes unis) et d’une base terrestre en Irak, toujours dans le cadre de Chammal.

Ce sont ces liens avec les pays de la région que Stéphane Séjourné a mis en avant pour expliquer l’intervention tricolore. « L’attaque iranienne ne mettait pas en cause qu’Israël mais portait également atteinte à la sécurité de nos forces et violait l’espace aérien de nos partenaires arabes », a expliqué le chef de la diplomatie au sur France 2. La France a donc « pris ses responsabilités parce que nous sommes un acteur de la sécurité régionale », fait-il valoir quand une source proche d’Emmanuel Macron affirme que Paris a pris cette décision « de son propre chef ».

Relancé sur l’interprétation de ce geste comme une preuve de soutien direct à Israël, Stéphane Séjournée botte en touche. Confronté à la même question le lendemain, Emmanuel Macron assure que Britanniques, Américain et Français sont intervenus « en soutien » à l’État hébreu mais insiste aussi sur « le cadre » de l’intervention française, en coordination avec la Jordanie.

Contacté par Le HuffPost, le cabinet de Stéphane Séjourné décrypte : « Chaque fois que la France intervient (sur le plan militaire, NDLR), elle le fait dans une analyse précise ». Cette fois, cette analyse a été conçue autour de trois points : « il y avait un risque pour nos forces dans la région, une violation de l’espace aérien de nos partenaires arabes » et le fait que l’Iran « visait Israël », précise-t-on.

« Ambiguïté diplomatique » pour la « puissance d’équilibre »

Il n’est donc nullement question de minorer le soutien à Benjamin Netanyahu, en dépit des critiques que Paris formule régulièrement sur les répercussions pour la population palestinienne de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza. Mais sur le plan diplomatique, le président de la République est aussi tenu à une position d’équilibre que l’intervention contre les missiles iraniens ne doit pas faire oublier.

Au micro de France Info ce 15 avril, l’ancien Premier ministre et ex-ministre des Affaires Étrangères Dominique de Villepin évoque une « ambiguïté diplomatique » nécessaire. « Qu’au service des Jordaniens, nous assurions une protection et qu’in fine ce soit Israël qui en l’occurrence en ait bénéficié, c’est une chose. Que la France, dans sa rhétorique diplomatique, dise que nous sommes partie prenante, cela comporterait un inconvénient particulièrement grave », explique l’ancien chef du gouvernement.

Le risque en question est clairement identifié par Emmanuel Macron : la perte de la position de médiateur (ou a minima d’influenceur) que Paris tente d’acquérir depuis le début du conflit le 7 octobre dernier.

Ce n’est donc pas un hasard si ce lundi, Emmanuel Macron a déclaré dans la même phrase que l’intervention de samedi soir faisait des Français « des partenaires crédibles » vis-à-vis d’Israël, juste avant de rappeler que la France « parle à toute la région », avec des pays qui « ont des sensibilités différentes » mais un même enjeu sécuritaire. Et d’ajouter : « Israël doit pouvoir se protéger et lutter contre le terrorisme. Mais la sécurité durable, c’est celle qui engage tous les partenaires de la région (…) et qui évite l’embrasement. Et là, la France a un rôle à jouer, celui que nous jouons depuis le début : d’être cette puissance d’équilibre. »

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