Politique

Comment la loi « simplification » s’est transformée en loi anti-écologie honnie par Macron

POLITIQUE – L’histoire d’un projet qui échappe à son créateur. Les députés ont adopté ce mardi 17 juin la loi « simplification », un texte porté initialement par Bruno Le Maire quand il était ministre de l’Économie, mais largement dénaturé au fil des discussions. À tel point que les macronistes ont tout fait pour le rejeter. En vain.

Alors que s’est-il passé ? Au départ, l’enjeu consistait à faciliter la vie des entrepreneurs, notamment des patrons de petites ou moyennes entreprises, en simplifiant tout un éventail de normes, procédures et autres règles parfois irritantes. Cibler la fameuse « bureaucratie », un objectif relativement consensuel dans la classe politique.

C’était sans compter sur la recomposition des forces à l’Assemblée nationale, et un « bloc central » toujours plus minoritaire après la dissolution. Au final, les trois mois d’examen ont débouché sur un texte « fourre-tout » qui acte la suppression d’une vingtaine d’agences et accumule les reculs écologistes significatifs. De quoi affaiblir le bilan du premier quinquennat Macron pour le climat.

Des totems qui vacillent

Exit, par exemple, la simplification du bulletin de paie, le test « PME » qui devait forcer l’exécutif à évaluer les conséquences de ses textes sur les entreprises ou l’accès facilité aux marchés publics. Autant de points emblématiques portés au départ par le gouvernement époque Attal, mais supprimés ou largement rabotés au cours des discussions.

L’Assemblée nationale, en revanche, n’a pas résisté aux coups de boutoirs de la droite et de l’extrême droite pour remettre en cause certains dispositifs majeurs, et chers à Emmanuel Macron. Le Rassemblement national et Les Républicains ont par exemple réussi à vider de sa substance le « zéro artificialisation nette », objet né de la Convention citoyenne pour le Climat, censé lutter contre la bétonisation des sols.

Surtout, les groupes menés par Marine Le Pen et Laurent Wauquiez sont parvenus à supprimer les zones à faibles émissions, ce dispositif très clivant qui excluent des véhicules anciens et polluants. Ceci, avec le concours de certains députés macronistes et LFI, même si ces derniers sont opposés au reste du projet de loi. C’est sans doute le coup porté à l’écologie qui agace le plus les soutiens du président. Mais il y en a d’autres.

Plus technique, les députés ont aussi voté l’allègement des compensations environnementales prévues dans le cadre de projets d’aménagement, sous l’impulsion de la droite et du syndicat agricole FNSEA. Ou l’accélération des autorisations environnementales de projets tels que celui de l’A69 à la demande cette fois-ci du gouvernement. Mais ce n’est pas tout.

Emmanuel Macron agacé, ses troupes dépassées

En plus de ces banderilles dans le droit environnemental, on peut également évoquer la suppression de plusieurs agences dédiées au climat dans le lot de la vingtaine d’instances rabotées par l’Assemblée nationale. Terminé, par exemple, le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique ou l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’agence bio a, elle, évité de peu les fourches caudines.

C’est donc dans ce contexte difficile pour le bloc central, et après une guirlande de défaites pour son camp, qu’Emmanuel Macron est sorti du bois. Plutôt discret sur les enjeux nationaux depuis l’échec de la dissolution de l’Assemblée nationale, le chef de l’État a dit tout le mal qu’il pense des récentes discussions au Palais Bourbon.

Dans la presse dominicale, il a notamment fustigé le « brainwasher » (lavage de cerveau) des responsables publics qui préfèrent parler de faits divers plutôt que de protection du climat, se disant « énervé au plus haut point » par la série de détricotages à l’œuvre. Le témoin, selon lui, d’une sphère politique qui « cède à la facilité. » Et l’illustration d’un camp démobilisé ?

Après avoir perdu de nombreux votes dans un hémicycle souvent clairsemé, les troupes du chef de l’État n’avaient donc pas d’autres choix que de se prononcer contre le projet global à l’Assemblée. Mais leurs votes n’ont pas suffi à éviter le camouflet : le texte a été adopté à 275 voix pour, contre 252.