Politique

Comment la musique d’une nouvelle dissolution gagne peu à peu les politiques

POLITIQUE – La date est cochée de longue date dans les agendas de nombreux responsables politiques. Le 8 juillet, Emmanuel Macron retrouvera son pouvoir de prononcer, à nouveau, une dissolution de l’Assemblée nationale. L’hypothèse d’un nouveau chamboule-tout n’est pas délirante. Censée « clarifier » la situation politique, la dissolution ratée du 9 juin 2024 a apporté plus d’instabilité et d’immobilisme qu’auparavant. L’Assemblée morcelée semble condamnée au blocage ou, au mieux, promise à de menus accords en attendant le couperet du budget.

Le tout dans un contexte où le Premier ministre, François Bayrou, voit la menace d’une censure se renforcer chaque jour après la rupture avec le Parti socialiste, consécutive à l’impasse du conclave sur les retraites. Alors que le thermomètre affiche déjà des records de chaleurs, certains n’écartent pas un été politique encore plus brûlant. Ce samedi 28 juin, lors de la Convention de l’Union nationale, Marine Le Pen a exhorté ses troupes et celles d’Éric Ciotti à se préparer à une nouvelle dissolution.

« Il serait assez dangereux, je crois, de se convaincre qu’il n’y aura pas de dissolution », a prévenu la députée du Pas-de-Calais, voyant dans les divisions du « socle commun » un argument de plus pouvant inciter Emmanuel Macron à appuyer sur le bouton. « Le bloc central (…) ne peut pas longtemps laisser ce phénomène de délitement se prolonger », a prophétisé celle qui ne pourrait pas se représenter en cas de nouvelles législatives, en raison de son inéligibilité. « L’histoire ne repassera pas les plats : s’il y a une dissolution (…) nous devons l’emporter », a-t-elle insisté.

Une idée partagée de gauche à droite

Rompue aux coups tactiques, Marine Le Pen n’est pas la seule à envisager l’hypothèse qui, selon le porte-parole du RN Sébastien Chenu, est même « souhaitable ». Selon La Tribune dimanche, l’idée fait son chemin chez toutes les familles politiques. Le scénario arriverait même à mettre d’accord les deux ennemis de toujours, Nicolas Sarkozy et François Hollande. L’hebdomadaire affirme que le premier pronostique cette issue auprès de tous ses visiteurs, quand le second s’en ouvre auprès des députés socialistes. « François Bayrou tombera au budget, et là, je vais vous dire : moi président, je dissoudrai l’Assemblée… », aurait-il lancé lors d’une réunion du groupe PS le 17 juin.

Toujours selon La Tribune dimanche, Édouard Philippe a également demandé aux députés et cadres de son parti de se préparer à cette possibilité. Il faut dire que, sur le papier, tout semble réuni pour déboucher sur une dissolution, si les gouvernements sont voués à chuter les uns après les autres, car incapables d’embarquer une majorité claire sur un budget autre qu’une feuille de route bricolée dans la douleur et en urgence. Qui plus est dans une période où chaque écurie a les yeux rivés sur la prochaine présidentielle.

Alors, Emmanuel Macron, peu connu pour son goût de l’effacement, peut-il vraiment regarder passivement ses Premiers ministres répéter inlassablement le même schéma ? Beaucoup pensent que non, quand d’autres jugent qu’une nouvelle dissolution accélérerait sa chute. Surtout si le résultat s’avère similaire à celui sorti des urnes en juillet dernier. La musique d’une démission du chef de l’État a résonné avec assez de volume à l’automne dernier pour refaire surface. La France insoumise, qui a bâti sa stratégie sur une présidentielle anticipée visant à propulser Jean-Luc Mélenchon pour une quatrième campagne, n’attend que ça. Reste alors l’hypothèse d’une stabilité qui passe par un maintien miraculeux de François Bayrou à Matignon. Optimiste, elle est, sans surprise, celle que privilégie le MoDem.

« Une dissolution est de la responsabilité unique du président de la République, et je ressens chez lui un profond attachement à la stabilité politique, alors que le monde, lui, est très instable », estime dans une interview à La Tribune dimanche le ministre en charge des relations avec le Parlement, Patrick Mignola. Proche de François Bayrou, le ministre s’interroge : « qu’apporterait une nouvelle dissolution ? ». Une majorité, qui sait.