Politique

Comment les députés se saisissent (ou non) des révélations du livre choc sur les crèches

POLITIQUE – Début 2022, le livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet avait provoqué deux enquêtes administratives, une action en justice, le limogeage du directeur général d’Orpea et la reprise en main du groupe par l’État. Les Ogres, le nouvel ouvrage du journaliste consacré cette fois aux défaillances graves des crèches privées, aura-t-il le même retentissement ? À l’Assemblée nationale, certains élus affichent déjà leurs ambitions d’y donner une suite.

« À la lumière de ces nouvelles révélations », il « faut que les politiques prennent enfin à bras-le-corps la situation du secteur », a déclaré le 17 septembre en conférence de presse Julie-Marty Pichon, représentante du collectif « Pas de bébé à la consigne » qui réunit une cinquantaine d’associations et d’organisations du secteur de la petite enfance. Toutes réclament un « plan d’urgence », avec un encadrement du nombre d’enfants par professionnel, des revalorisations salariales et une meilleure formation.

Message reçu ? À gauche oui, en partie. Après la parution du livre Les Ogres, La France insoumise a été l’une des premières formations à monter au créneau. À l’initiative d’une commission d’enquête sous la précédente législature, les insoumis ont présenté au printemps dernier un « contre rapport » focalisé sur les crèches du secteur privé, un document bien plus sévère que le rapport adopté par la commission.

« C’est malheureux qu’on en arrive à des situations aussi graves pour qu’on en parle »

« L’enquête de monsieur Castanet apporte des preuves sur toute une série de sujets que nous avions pointés du doigt : l’utilisation de l’argent public, les liens entre (la ministre) Bergé et madame Hervy (Elsa Hervy, présidente de Fédération française des entreprises de crèche, ndlr) c’est-à-dire de la Macronie avec le lobby des crèches privées, la maltraitance institutionnelle », énumère auprès du HuffPost William Martinet, ex-député LFI à l’origine de la commission d’enquête et désormais secrétaire général du groupe insoumis à l’Assemblée.

Le cas d’Aurore Bergé ulcère particulièrement la France insoumise. En cause : la déclaration sous serment de la désormais ex-ministre qui, auditionnée par la commission, avait assuré n’avoir aucun lien avec la présidente du réseau de crèches privées. Une version contredite dans Les Ogres. La France insoumise a réclamé « des poursuites » pour « parjure avéré devant la commission d’enquête » lors d’une réunion du bureau de l’Assemblée, en vain. Louis Boyard, député du Val-de-Marne et rapporteur du volet « famille » du PLFSS, a aussi dit son intention d’auditionner Aurore Bergé… qui pourra toujours refuser, contrairement à une commission d’enquête où la convocation fait figure d’obligation.

« C’est malheureux qu’on en arrive à des situations aussi graves pour qu’on en parle dans le débat public », regrette de son côté la socialiste Céline Hervieu. Ancienne conseillère à la ville de Paris pour l’éducation et la Petite enfance, la députée fraîchement élue entend bien s’emparer du sujet. Une semaine avant la sortie du livre de Victor Castanet, elle a lancé un groupe de travail avec ses collègues et souhaite l’élargir aux élus locaux et collectivités, ainsi qu’aux acteurs du secteur. Et pourquoi pas un travail transpartisan à l’Assemblée ?

Vers des débats pendant le PLFSS ?

Eh bien ailleurs, l’engouement est moindre. Des Républicains au groupe GDR, en passant par le Rassemblement national, Ensemble pour la République, le MoDem, Horizons, et les écologistes, aucun groupe n’a officiellement réagi depuis la publication de l’ouvrage. « Ce n’est pas forcément le sujet dont les députés se sont emparés massivement », note Céline Hervieu, qui nuance cependant en évoquant le contexte politique « complexe » de ces dernières semaines et l’absence de visibilité sur les débats à l’Assemblée nationale.

En l’état, les socialistes comme les insoumis misent sur l’examen à venir du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour mettre le sujet sur la table. « Avant une proposition de loi, l’idée sera surtout d’inclure des amendements dans la discussion budgétaire. Le cœur du sujet c’est le financement : surfinancement public pour les groupes de crèches privées et sous-financement des crèches publiques et associatives. Il faut donc porter des amendements pour que les financements publics aillent à ceux qui en ont besoin », estime William Martinet.

Comme l’insoumis, Céline Hervieu entend aussi déposer des amendements au nom des socialistes. Avant de passer à l’étape au-dessus. « J’aimerais aller plus loin, sur la base d’une potentielle proposition de loi qui nous permettrait d’approcher de façon complète le sujet de la petite enfance » et « l’encadrement du privé lucratif dans l’accueil des personnes vulnérable en général » explique-t-elle au HuffPost. Le calendrier reste à ce stade incertain. Le retard de plus en plus vraisemblable de la présentation du projet de loi de finance va aussi décaler celle du PLFSS. Quant au retour des séances classiques à l’Assemblée, il est suspendu à la composition d’un gouvernement Barnier, si tant est qu’il voit le jour.

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