Politique

Comment lutter contre le RN en milieu rural ? Cette militante bretonne donne ses conseils

POLITIQUE – Paris, Strasbourg, Bayonne, Nantes ou Marseille… À chaque fois, plusieurs milliers de personnes se rassemblent en France pour manifester leur opposition au RN. Ce mercredi 3 juillet, une mobilisation est encore organisée dans la capitale, place de la République. Mais la lutte contre l’extrême droite n’est pas l’apanage des villes. Dans les territoires ruraux aussi, on s’organise pour alerter sur les dangers de l’arrivée au pouvoir de Jordan Bardella.

Juliette Rousseau, autrice et militante de gauche non encartée, en fait partie. Sur son compte Instagram, cette habitante d’un hameau en Ille-et-Vilaine partage ses actions et ses conseils pour aider tous ceux qui habitent la campagne et veulent se mobiliser, mais ne savent pas par où commencer.

Le HuffPost. Est-ce plus difficile de se mobiliser contre l’extrême droite quand on habite à la campagne qu’en ville ?

Juliette Rousseau. Je ne dirai pas que c’est plus ou moins difficile, mais plutôt que les implications ne sont pas les mêmes. Par la densité de population, la ville fait qu’on peut tout de suite se retrouver dans des espaces affinitaires. À Paris, on peut aller place de la République et se retrouver avec des gens qui nous ressemblent. Quand on est à la campagne, il faut faire avec beaucoup plus d’hétérogénéité ; elle implique d’accepter une part d’inconfort dans les échanges. En milieu rural, très souvent les gens vous connaissent vous et votre famille, ils savent où vous habitez, donc c’est beaucoup plus engageant de tenir des propos politiques. Aussi en ville, on va avoir plus facilement accès à un cadre militant préexistant, ce qui n’est pas forcément le cas à la campagne. Cela pose la question de l’auto-organisation, on a besoin d’avoir des outils pour savoir comment s’y prendre.

Quels sont ces outils et comment peut-on justement se mobiliser quand il n’y a pas de cadre préexistant ?

Ce qui est fondamental, c’est d’aller dans des endroits où se maintient une forme de lien social. Ça peut être un cadre plus politique, comme l’union locale d’un syndicat, mais aussi le club de sport ou une association. Juste échanger, c’est déjà un premier pas. Aller faire de la zumba avec des parents d’élèves ou faire les fêtes des voisins, ça n’a l’air de rien. Mais réinvestir tous les espaces de sociabilité en assumant de défendre des valeurs de gauche, c’est déjà agir. C’est peut-être naïf, mais je pense que faire politique, c’est d’abord se retrouver et de parler ensemble de ce que sont nos problèmes. Ensuite on peut s’organiser avec d’autres pour aller tracter à plusieurs et organiser des réunions.

Que peut-on dire pour convaincre, surtout si l’on ne se sent pas légitime pour parler de politique ?

Il n’y a pas besoin de maîtriser le programme ou l’histoire politique sur le bout des doigts. Dans mon expérience de terrain, les échanges sont surtout tournés sur la question des valeurs. La campagne est tellement courte que je ne pense pas qu’on puisse convaincre des gens qui votent pour le RN de changer leur voix, il faut plutôt cibler les abstentionnistes et les convaincre d’aller voter. On peut fabriquer du commun en reparlant de l’enjeu du geste d’aller voter. D’ailleurs, on peut tout à fait être critique des partis politiques et du système électoral et faire campagne sans dissimuler ces critiques-là. Ça amène même un autre poids et une autre écoute que de dire : « Moi aussi j’ai plein de critiques mais je pense que l’heure est grave et qu’il faut continuer à garantir un cadre démocratique et que ça, ça passe par le vote ». Il faut rappeler que le RN, c’est la menace sur la démocratie, sur les libertés fondamentales et sur toutes les personnes qui vivent des dominations. Il faut commencer par là.

Quelle forme cela peut prendre ?

Il est fondamental de refabriquer une conscience politique à partir de l’endroit précis d’où l’on est. Chez moi par exemple, on a mis tous les gens autour de la table pour proposer d’organiser un événement en hommage à la Résistance, puisqu’il y a un lieu de mémoire locale qui compte beaucoup, où Guy Môquet a été fusillé, à Châteaubriant. On a appelé ça « Réveillons la résistance » parce qu’on fait le lien entre cette histoire-là et l’histoire actuelle. On a par exemple eu le témoignage de gens dont les grands-parents ont vécu cette période. On a relayé l’événement dans nos villages et sur internet. Tout l’enjeu, c’est de réintroduire de la subjectivité en montrant qu’il y a une histoire spécifique de la violence d’extrême droite dans ce territoire et qu’il y a aussi eu une histoire de résistance et de résilience. En faisant cela, on défend d’autres valeurs que celles du RN par le faire ensemble. Ça n’a pas été facile à organiser, mais à mon avis c’était certainement plus intéressant d’un point de vue local que d’organiser un rassemblement antifasciste comme on peut avoir en ville.

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