Comment Olivier Faure veut se frayer un chemin dans le brouillard pour arriver à Matignon
POLITIQUE – En politique, il y a parfois des signes qui ne trompent pas. Les petits changements de look en font partie. Arborant une petite barbe poivre et sel depuis la fin du mois d’août, Olivier Faure apparaîtrait presque comme un homme nouveau en cette rentrée politique, marquée par une crise qui met tous les partis politiques, dont le sien, en alerte. En annonçant un vote de confiance sur le Budget 2026, précipitant de fait sa chute, François Bayrou a contraint tous les responsables politiques à se positionner pour l’après.
Alors que le Rassemblement national mise sur une « dissolution ultrarapide » et que la France insoumise plaide pour un départ anticipé du chef de l’État, le Parti socialiste préfère se poser en alternative, en proposant ses propres pistes budgétaires, largement inspirées du programme du Nouveau Front populaire, notamment concernant la « taxe Zucman ».
Dans ce marasme politique, où le spectre de l’instabilité n’en finit plus de planer, Olivier Faure a sauté le pas, assumant de jouer les premiers rôles avec sa candidature pour Matignon. Se disant « prêt » à prendre la suite de François Bayrou pour faire passer un budget avant la fin de l’année, le patron du PS offre une porte de sortie à Emmanuel Macron.
Ce dont le chef de l’État a bien conscience. « Il l’observe avec intérêt. Olivier Faure est l’une des clés de résolution de la situation. Le PS ne veut pas de dissolution, veut être considéré et a la volonté de revendiquer Matignon », a confié un proche d’Emmanuel Macron au Figaro, prévenant toutefois que c’est au député de Seine-et-Marne de « faire la démonstration qu’il peut garantir un temps de stabilité, en étant capable de présenter un dispositif susceptible de ne pas être censuré ». Côté socialiste, on assure que l’engagement à ne pas recourir à l’article 49-3 sur le budget permettra nécessairement l’émergence de compromis.
Une option pilonnée par les insoumis
Raison pour laquelle il est question de jouer à fond la carte de l’alternative. « Je suis à la disposition du chef de l’État, évidemment, à tout moment pour discuter des conditions dans lesquelles nous pourrions occuper les places gouvernementales qui sont aujourd’hui occupées par la majorité relative de François Bayrou », a insisté ce mardi 2 septembre Olivier Faure. Ce qui, sans surprise, lui vaut un tir de barrage des insoumis, qui accusent déjà les socialistes de trahir le Nouveau Front populaire. « Se servir plutôt que servir les électeurs et le programme du NFP. Quelle déchéance… Qui est candidat pour monter sur le radeau de la méduse socialiste ? », a flingué député LFI Paul Vannier, sur X.
La veille sur France 2, c’est la présidente du groupe insoumis à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, qui faisait savoir que ses troupes ne soutiendraient pas un Premier ministre issu du PS, sans de sérieuses garanties d’un programme de rupture. « Il donne la consigne de répondre oui à tout socialiste qui serait sollicité pour le poste de Premier ministre. Tondelier et Roussel suivent ? Quel incroyable retournement de veste », a de son côté dénoncé Jean-Luc Mélenchon, profitant de l’occasion pour mettre la pression sur les autres composantes du NFP qui pourraient être tentées d’appuyer l’hypothèse Faure pour un retour de la gauche au gouvernement, même imparfait.
« Un chemin existe »
L’ex-LFI Alexis Corbière, désormais député siégeant avec les écologistes et que se définit comme un « unitaire par réalisme », explique au HuffPost ne pas comprendre la pudeur de son ancien parti quant au scénario Olivier Faure. « Toute personne issue du NFP qui serait nommée à Matignon, je prends. Il y va y avoir une vacance du pouvoir et il faudrait que l’on reste les bras ballants ? C’est au contraire le moment de montrer que le NFP est une force qui ne se défile pas, et qui est là pour améliorer la vie des gens », explique l’élu de Seine-Saint-Denis, avant de lister les points de convergence entre les différentes composantes de la gauche unie, à commencer par la taxe Zucman, défendue autant par les insoumis, les Verts ou les socialistes.
Selon lui, un gouvernement confié au Parti socialiste ne serait donc pas forcément promis à la censure. « Un chemin existe, mais à la condition que tous les partenaires soient unis derrière. J’invite tout le monde à faire attention, car en cas d’échec et de dissolution, c’est potentiellement l’extrême droite qui s’installera au gouvernement », alerte encore Alexis Corbière, qui rappelle que la rentrée sociale, avec le 10 septembre puis l’intersyndicale la semaine suivante, peut conduire le bloc central à revoir ses lignes rouges en termes de fiscalité et d’efforts budgétaires. Et donc, offrir des marges de manœuvre à une personnalité de gauche s’installant dans le fauteuil de François Bayrou.
De là à penser qu’Olivier Faure peut être l’homme de la situation, il n’y a qu’un pas, que le député PS Arthur Delaporte assume — évidemment — de franchir. « Ça fait partie des pistes sérieuses, y compris dans la tête de macronistes de premier plan », assure au HuffPost l’élu du Calvados, qui estime que la crédibilité de cette hypothèse réside dans le fait que le chef des socialistes gouvernerait « en ayant conscience d’être minoritaire, à l’inverse de Barnier ou Bayrou qui faisaient comme s’ils étaient majoritaires à l’Assemblée ».
C’est sur la base d’une proposition de gauche, à laquelle seraient associés les écologistes et les communistes, que les discussions se feraient avec le bloc central pour aboutir à un budget de compromis. Mais pour que cela fonctionne, « il faudrait un soutien sans participation des insoumis, ou du moins leur neutralité », imagine encore Arthur Delaporte. Les troupes mélenchonistes, qui adorent instruire des procès en traîtrise au Parti socialiste, en sont-elles capables ? Pour Olivier Faure, cela vaut le coup de se laisser pousser la barbe pour voir.



