Dans le Loiret, la bataille de soutiens entre Le Pen et Bardella fait un premier vainqueur
POLITIQUE – Un champ, deux ambiances ? Marine Le Pen et Jordan Bardella ont réuni leurs alliés européens d’extrême droite ce lundi 9 juin pour leur « grande fête de la victoire », à côté de Montargis, un an jour pour jour après le triomphe de leur parti aux élections européennes.
Un grand raout organisé à Mormant-sur-Vernisson, petite commune du Loiret, censé permettre au Rassemblement national de tourner la page d’une période délicate, marquée notamment par la condamnation de sa candidate naturelle à l’Élysée (elle est pour l’instant interdite de se présenter à la prochaine présidentielle) et les premières bisbilles avec son dauphin.
Mission réussie ? L’image est belle : selon les organisateurs, quelque 5 000 militants (sans doute un peu moins) se sont réunis, entre les champs de blé, de maïs et les engins agricoles, pour écouter les discours parfois en français, souvent en anglais, des différentes têtes d’affiche invitées. Mais c’est dans ce cadre-là, aussi, devant leurs alliés (et leurs discours radicaux) que les deux ont pu mesurer leur popularité propre.
Bardella grand vainqueur à l’applaudimètre
Quand Jordan Bardella s’approche de la tribune, vers 14h30, il vient conclure une dizaine de discours, tous plus offensifs les uns que les autres. Comme le ministre italien Matteo Salvini, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán vient de cibler violemment les institutions européennes, qu’il accuse d’organiser le « grand remplacement » de la population. On aurait pu imaginer les militants repus, ou assommés par le soleil qui tombe sur le Loiret.
Que nenni. C’est à ce moment précis que l’auditoire, très majoritairement français, malgré la dimension européenne du rendez-vous, se réveille. C’est, plus précisément, quand Marine Le Pen annonce passer la parole au président du Rassemblement national que les militants se mettent à entonner La Marseillaise. « La plus belle des entrées pour Jordan Bardella », souffle alors la fille de Jean-Marie Le Pen. Un brin amère ? Cet accueil, en tout cas, elle n’en a pas bénéficié quelques minutes plus tôt.
De fait, le député européen, longtemps promis au rôle de Premier ministre dans le ticket du parti, est vainqueur à l’applaudimètre ce lundi. Le public s’est regroupé au pied de la tribune, loin des stands et food-trucks qui proposent paella, verre de vin ou lait d’ânesse du coin, et acclame chacune de ses premières phrases, presque trop bruyamment. Au point qu’il les met en garde dans un sourire gêné : « mon discours est long, je vous préviens. »
Significative, aussi, la prise de parole de Jordan Bardella, une vingtaine de minutes environ, est ponctuée de plusieurs salves d’applaudissements nourries. Ou de vives huées quand il dénonce l’Union européenne devenue « monstre bureaucratique gouverné par des technocrates » qui « qui force la France à répartir les migrants dans nos villes et nos villages ». Le chant « on est chez nous », vieille antienne du Front national, résonne aussi à plusieurs reprises.
Le Pen à l’honneur dans les discours
Là aussi, la comparaison n’est pas favorable à Marine Le Pen dont le discours, bien qu’offensif contre l’UE « empire marchand, wokiste, ultralibéral », a moins soulevé la foule quelques instants plus tôt. Il n’empêche, la triple candidate à la présidentielle a des raisons de se réjouir ce lundi. Si le jeune président du parti est plébiscité par les militants, c’est bien elle qui est à l’honneur dans toutes les interventions de ses alliés.
Viktor Orbán salue à la tribune « une combattante courageuse, qui ne vous trahit jamais et suit toujours la loi de l’honneur. » En français, le Flamand Tom Van Grieken harangue la foule entre deux saillies xénophobes, affirmant que la députée du Pas-de-Calais « fait trembler le système » et que « si la France se lève, l’Europe suivra ». « Elle sera présidente, ils ne pourront pas l’empêcher. La France a besoin que Marine arrive et l’Europe a besoin que la France revienne », martèle pour sa part l’espagnol Santiago Abascal, le chef du parti Vox et de l’alliance des Patriotes, critiquant, comme tous les autres, la décision de la justice qui rend, à ce stade, Marine Le Pen inéligible.
Dans son discours, Jordan Bardella multiplie lui aussi les mots agréables à l’égard de celle qui l’a lancé dans le grand bain, réaffirmant ainsi sa loyauté pour 2027. Pour soigner la belle image, les deux dirigeants français prennent soin de clore ce rassemblement par un bain de foule commun, poignées de main et selfies en pagaille, après des scènes de complicité appuyées à la tribune. Une façon de répondre à ceux qui voient derrière les tensions internes, une lutte d’influence naissante entre les deux dirigeants.
Une fois les diatribes passées, et les réactions plus ou moins bruyantes qu’elles provoquent, reste quoi qu’il en soit, une forme d’équivalence chez de nombreux militants. « Jordan ou Marine, ce n’est pas important », résume Mylène, en ce sens, une Loirétaine présente à Mormant-sur-Vernisson avec sa sœur cadette pour son premier meeting politique, « on ne vote pas pour la personne, mais pour les idées. »