De l’agriculture à la grève SNCF, la méthode Attal déjà confrontée aux crises à répétition
POLITIQUE – « Matignon, ce n’est pas le paradis. » Gabriel Attal manie l’euphémisme. Invité du journal télévisé de M6, mercredi 14 février au soir, le Premier ministre s’est avant tout attaché à déminer les crises qui viennent percuter son action à la tête du gouvernement.
Car nommé il y a à peine plus d’un mois, le nouveau locataire de Matignon est déjà confronté à plusieurs dossiers éruptifs. La colère profonde des agriculteurs d’un côté, lesquels menacent de ressortir les tracteurs pour un acte II de leur mouvement. Et la grève des contrôleurs de la SNCF de l’autre, une grogne potentiellement contraignante pour les usagers du rail en pleine période de vacances scolaires.
Deux vents de colère certes différents, mais qui viennent déjà mettre la méthode de Gabriel Attal, un exercice du pouvoir placé sous le règne de « l’action » et de la communication, à l’épreuve. De quoi en révéler les premières limites ?
Au chevet de l’agriculture
Alors que le gouvernement espérait avoir éteint le feu dans les campagnes, à grand renfort d’annonces et de promesses, les différents responsables syndicaux agricoles menacent de remettre le couvert. Ils se plaignent d’une réponse qui tarde concrètement à arriver, et de la trop lente mise en œuvre de la nouvelle stratégie de l’exécutif.
« Parfois, il peut y avoir des déclarations ou des grandes phrases. Ce qu’on veut nous, c’est que ça se concrétise (…) dans nos fermes », a ainsi résumé le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, ce jeudi matin sur RTL. Signes de ce regain de colère : les actions coups de poing reprennent un peu partout – ce jeudi au château de Chambord par exemple – tandis que les services de renseignements parlent du salon de l’agriculture comme d’un rendez-vous sous « haute tension », à dix jours du coup d’envoi de l’événement porte de Versailles à Paris.
Gabriel Attal continue donc de se montrer à l’écoute. Après avoir reçu la FNSEA et les Jeunes agriculteurs mardi à Matignon pendant plus de deux heures, le Premier ministre s’est à nouveau rendu sur le terrain, ce jeudi, dans la Marne, sur une exploitation bovine. La troisième visite du genre, au moins, en quelques semaines.
L’occasion pour lui d’écouter le désarroi des éleveurs et de faire un point d’étape sur les annonces qu’il avait faites le 26 janvier en Haute-Garonne, au terme d’un véritable numéro de charme avec les agriculteurs locaux sur un piquet de grève emblématique de la contestation.
Sur les dix mesures égrainées ce jour-là, « quatre décrets sont sortis, trois ont été transmis en début de semaine au Conseil d’État et trois relèvent de la loi qui sera présentée dans le texte autour du salon de l’agriculture », a pris soin de détailler le Premier ministre ce jeudi. Une façon de couper court aux critiques en attentisme et d’insister sur la volonté de faire du gouvernement, au-delà des coups de communication.
À l’offensive contre les grévistes
« Je comprends l’attente et l’impatience, l’enjeu c’est d’y répondre », a-t-il encore répété, à l’attention des paysans. Une mansuétude qui tranche radicalement avec sa réponse aux grévistes de la SNCF. L’autre feu à éteindre pour l’exécutif.
Le Premier ministre a effectivement déploré, mercredi, « une forme d’habitude, à chaque vacances qui arrivent, d’avoir l’annonce d’un mouvement de grève » des cheminots. « Les Français savent que la grève est un droit », mais « aussi que travailler est un devoir », a-t-il lancé aux journalistes qui l’accompagnaient alors. Une petite phrase qui n’est guère surprenante dans la bouche de Gabriel Attal.
Avant d’entrer à Matignon, il avait déjà fustigé ces Français qui ne « travaillent pas » quand les casserolades contre la réforme des retraites chamboulaient inlassablement les déplacements de ministres. Il avait aussi critiqué « la gréviculture » en 2018, en marge des mouvements étudiants et à la SNCF. Un vocable jusqu’ici utilisé par la droite de l’échiquier politique, et désormais volontiers repris par un exécutif qui s’interroge sur l’opportunité de contrôler ce droit constitutionnel.
Non sans risque. Si la stratégie de Gabriel Attal semble correspondre aux désidératas des Français – la fronde des agriculteurs est massivement soutenue par les Français, celle concernant le rail l’est beaucoup moins – cette offensive pourrait, en l’espèce, braquer le mouvement à la SNCF. Un danger non négligeable à l’orée d’une année 2024 où les contestataires auront de nombreuses occasions de se faire entendre. Or le nouveau Premier ministre le sait déjà bien : un mouvement peut toujours en cacher un autre.
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