De Mélenchon à Wauquiez, comment l’automne budgétaire aiguise les ambitions pour 2027
POLITIQUE – Le nouveau bal des ambitieux. Les discussions sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale, premiers textes majeurs de l’ère Barnier à Matignon, viennent rappeler la donne politique difficile depuis les élections législatives anticipées et la tripartition de l’Assemblée : l’exécutif est plus fragile que jamais, la crise politique toujours plus proche.
Au Palais Bourbon, le « socle commun » censé soutenir le Premier ministre s’est montré incapable de défendre le texte et les orientations du gouvernement face aux assauts de la gauche. De l’autre côté, le Rassemblement national déchante. Le parti qui se voyait tout puissant après avoir souscrit à la nomination de Michel Barnier, se pose ouvertement la question d’une censure avant Noël, au terme de cet automne où il n’aura pu obtenir aucune victoire à présenter à ses électeurs.
Dans ce contexte incertain et périlleux, nombreux dirigeants politiques aiguisent leurs ambitions et stratégies pour les prochaines échéances électorales, avec la présidentielle dans toutes les têtes. Qu’elle intervienne en 2027, comme prévu, ou avant, selon les prophéties des prétendants les plus pressés.
Attal – Wauquiez, bataille dans le « socle commun »
Depuis Matignon, Michel Barnier assiste en première loge à ces mouvements. Le Premier ministre, qui doit compter sur un alliage inédit composé de forces qui se sont longtemps opposées, est fragilisé depuis le début par les ambitions des fortes têtes. Dans son camp, chaque groupe politique à l’Assemblée nationale (EPR, Droite républicaine, Horizons, MoDem) à son propre champion pour les années à venir. Son propre calendrier, aussi.
Illustrations avec les débats sur le budget. La droite de Laurent Wauquiez a fait de la revalorisation des pensions de retraite son objectif numéro un. C’est le député de Haute-Loire, potentiel candidat à la présidentielle, qui s’est invité en grande pompe, au journal de TF1, pour annoncer le rétropédalage du gouvernement sur le dossier – et capitaliser dessus. Au risque de promettre une fausse bonne nouvelle aux retraités, et de provoquer la fureur des macronistes.
De leur côté, les troupes d’EPR (Ensemble pour la République) ont fait du « coût du travail » et des allégements de charge leur cheval de bataille, derrière un Gabriel Attal qui ne manque pas une occasion de cibler son successeur et sa famille politique, Les Républicains. Pour ces différentes personnalités, au centre comme à droite, il s’agit d’engranger des points, ou de ne pas trop en perdre après un budget impopulaire. En d’autres mots, d’asseoir sa stature pour les années à venir et la prochaine course à l’Élysée.
D’autant qu’au sein du « socle commun », la compétition sera rude, les prétendants nombreux, même hors de l’Assemblée. Édouard Philippe, l’ancien Premier ministre (2017-2020) et candidat déclaré à la grande élection continue de se préparer dans l’ombre mais n’oublie pas de distiller lui aussi quelques conseils çà et là sur les orientations ou les « mauvaises idées » de Michel Barnier. De quoi pousser le Premier ministre à entrer dans la mêlée ?
Mélenchon et le calendrier de l’avent 2027
Ce n’est pas un hasard si le chef du gouvernement a plaidé pour un candidat commun de la droite et du centre pour 2027, au terme des débats budgétaires à l’Assemblée. Sinon « on se retrouvera avec l’extrême droite et l’extrême gauche au second tour », a-t-il expliqué lors d’une réunion avec des députés, mardi soir selon plusieurs sources. Une sortie qui n’a pas franchement plu du côté des prétendants, Laurent Wauquiez ou François Bayrou, lequel répète n’avoir renoncé à rien. Au point que Michel Barnier a refusé d’assumer ses propos publiquement. Il faut dire qu’au sein de Renaissance, certains pensent déjà tenir leur champion en la personne de Gabriel Attal qui, pour la tête du parti présidentiel, a plié le match face à Élisabeth Borne avant même qu’il ne commence. Ce même Gabriel Attal qui assurait mi-octobre dans Le Point avoir « une histoire à écrire avec les Français ».
Dans ce contexte de tectonique des plaques, les différentes chapelles au pouvoir ne sont pas seules à préparer l’après. À gauche, le Nouveau Front Populaire reste relativement groupé, mais les stratégies s’aiguisent aussi. D’un côté, plusieurs figures de la social-démocratie lancent les manœuvres pour prendre la tête de la famille et viser 2027. Ainsi, l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, sondé pour Matignon l’été dernier, a commencé une « tournée des régions » cet automne pour présenter « un projet au début de l’été prochain. » Tandis que François Hollande, redevenu député de Corrèze, espère peser sur le congrès du PS au printemps, lui qui « n’est pas indifférent à 2027 ». Qui en doutait ?
De l’autre, Jean-Luc Mélenchon et les insoumis lorgnent plus que jamais sur une accélération du calendrier : la chute de Michel Barnier, et le départ précipité d’Emmanuel Macron, pour une possible élection présidentielle anticipée. Le Premier ministre « tombera entre le 15 et le 21 décembre », a ainsi pronostiqué le fondateur de la France insoumise, dimanche dernier sur France 3, semblant compter sur le désir de censure du Rassemblement national.
À l’extrême droite justement, l’automne budgétaire n’est pas sans conséquence non plus. Mais c’est bien davantage la saison judiciaire de Marine Le Pen qui pourrait bouleverser les plans du Rassemblement national. La leader du parti, triple candidate à la présidentielle, sera inéligible pour les cinq ans à venir si la justice suit les réquisitions du parquet dans l’affaire des assistants parlementaires du FN. « Une mort politique », selon elle, dans le bal des prétendants au sein duquel pourrait s’inviter Jordan Bardella. Hasard (ou non) du calendrier, c’est bien dans cette même séquence que le président du RN, vu comme un « plan B » en interne, a publié son livre assumant ses ambitions. Rien n’est strictement fortuit en politique.
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