Politique

« De Zucman à Borne » : Le PS fixe ses conditions pour ne pas censurer Lecornu après un nouvel entretien

POLITIQUE – « Nous lui accordons le bénéfice des heures prochaines, pour réfléchir. » La deuxième rencontre entre les ténors du Parti socialiste et Sébastien Lecornu à Matignon n’a pas permis de trouver un terrain d’entente. Bien au contraire, Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner en sont sortis en redisant « l’insuffisance » de la copie budgétaire qui leur a été présentée et en fixant de nouvelles conditions en lien avec la décision du Premier ministre de renoncer au 49.3.

Le plan proposé par le Premier ministre au PS « coche toutes les cases a minima », a déclaré Olivier Faure à la sortie d’un entretien de près de deux heures avec Sébastien Lecornu. Mais, a ajouté le Premier secrétaire du PS, Sébastien Lecornu n’a « pas répondu à la question fondamentale que nous lui avons posée : nous voulons que tous les débats soient possibles au Parlement. »

Par « tous les débats » les socialistes entendent notamment celui sur la réforme des retraites et le recul de l’âge légal de départ à 64 ans. Sébastien Lecornu « n’a renoncé qu’au 49.3. Ce qui signifie, qu’au moment où nous nous parlons (…) le Premier ministre ne s’est pas engagé à ce que ce débat puisse avoir lieu. Or ce débat a été interrompu par un 49.3, procédure à laquelle il renonce et dont il dit en quelque sorte qu’elle était illégitime pour les réformes précédentes. »

Les socialistes ne sont pas les seuls à attendre le Premier ministre au tournant sur ce point. Le numéro 1 du PCF Fabien Roussel a lui aussi réclamé des garanties que « derrière cette absence de 49.3, il n’y a pas d’entourloupes » afin que l’abrogation de la réforme puisse être remise sur la table, parmi d’autres sujets. « S’il dit qu’il se met “sous la tutelle du parlement” il doit se mettre sous la tutelle du Parlement de A jusqu’à Z, de Zucman jusqu’à Borne. À cette condition-là, nous avons un chemin dans lequel nous pourrons avancer », appuie Olivier Faure.

Les « ruptures ne se délèguent pas », les socialistes toujours en attente de garanties

Sans se prononcer définitivement sur une censure, les socialistes ont dit accorder « le bénéfice des heures prochaines » au Premier ministre « pour réfléchir ». Mais la mise en garde n’est pas loin : « Nous ne voulons pas être les dupes d’un jeu au cours duquel la droite, parfois alliée à l’extrême droite, rendrait une copie qui serait plus injuste encore » que celle de François Bayrou. Dans le viseur des socialistes, les pistes évoquées dans la copie transmise par Matignon au conseil d’État sur les franchises médicales ou les « économies gigantesques sur les allocations, sur les pensions », a détaillé Boris Vallaud, très remonté contre une version du budget trop ressemblante à celle de François Bayrou et qui « sera probablement déposée telle quelle sur le bureau des assemblées » parlementaires.

Avant même la fin de son entretien avec le PS, le chef du gouvernement a fait savoir qu’il proposait la création d’une « taxe sur le patrimoine financier » des holdings familiales, utilisées pour contourner l’impôt, mais pas la taxe Zucman qu’il juge « dangereuse » pour l’économie et l’emploi. Pas de quoi satisfaire les socialistes : « Sur la question des ultras riches, nous avons compris qu’il y avait en réalité la volonté de maintenir un niveau d’imposition équivalent à celui qui était celui du budget Bayrou, puisque dans un jeu à somme nulle, on est dans une situation où certains impôts baissent, d’autres sont créés mais en réalité rien en change fondamentalement », a taclé le numéro 1 du PS.

En dépit des assurances du Premier ministre à ne pas vouloir faire « un budget Lecornu » mais un budget issu du fruit du travail parlementaire, les socialistes réclament que les « ruptures » promises sur le fond soient mises sur la table par Matignon avant que les textes n’arrivent dans l’hémicycle. « Ces ruptures ne se délèguent pas, c’est à lui de les consacrer », tranche Boris Vallaud. Faute de quoi, « si aucune réponse n’était donnée, s’il considérait que ce qu’il a dit aujourd’hui solde toute forme d’évolution », les mêmes causes provoqueraient les mêmes conséquences. Et la suite de l’histoire est déjà connue.