Défait en France, Macron est-il affaibli pour sa nouvelle vie à l’international ?
POLITIQUE – Le retour du « champion de la terre » ? En 2018, l’ONU remerciait Emmanuel Macron pour son engagement mondial en faveur du climat, lui remettant ce prix au titre un brin grandiloquent. C’était un an après son arrivée à l’Élysée. Six ans plus tard, très affaibli en France, le président de la République lorgne plus que jamais au-delà des frontières pour espérer retrouver cet allant.
« Pour moi, la première priorité est l’échelle européenne », a-t-il ainsi expliqué, mercredi 2 octobre, depuis l’Allemagne, ajoutant lors d’un forum sur l’avenir du vieux continent qu’il souhaitait désormais consacrer « beaucoup plus d’énergie » aux réformes à ce niveau continental.
Une semaine plus tôt, le chef de l’État était à New York pour plaider la cause d’un cessez-le-feu au Moyen-Orient, depuis la tribune de l’ONU. Puis au Canada pour rencontrer Justin Trudeau et des investisseurs.
En clair, Emmanuel Macron entend bien profiter de sa nouvelle vie pour peser sur la scène internationale, un terrain qu’il affectionne depuis son premier mandat. Problème, pour le président, ses difficultés en France, où il a perdu la majorité à l’Assemblée après deux défaites électorales cinglantes aux européennes puis aux législatives, risquent de rejaillir.
Perte d’influence en Europe
Depuis la dissolution ratée, plusieurs exemples tendent même à illustrer une certaine perte d’influence. Sur la scène européenne tout d’abord, beaucoup estiment que le retrait forcé de Thierry Breton de la commission en septembre après un long bras de fer avec Ursula von der Leyen, n’aurait pas été possible avec une voix française plus puissante.
« Ça signifie que le président (Emmanuel Macron) ne se sent pas assez fort pour résister à la présidente (de la commission européenne) », résumait d’ailleurs le député européen Bernard Guetta, proche de la Macronie, en réaction à ce coup de théâtre bruxellois. Et de concéder : « Oui, la France est affaiblie. »
Elle l’est pour au moins deux raisons précises, expliquent les spécialistes. À cause de l’instabilité politique née de la dissolution de l’Assemblée nationale, mais également du dérapage des finances publiques. La commission européenne a effectivement placé l’Hexagone sous surveillance pour son déficit, au même titre que la Belgique, la Hongrie ou la Slovaquie.
Plusieurs « paramètres négatifs » pour Macron
« Depuis la dissolution, la France a traversé des moments d’incertitude politique », regrette en ce sens Thierry Breton, dans les colonnes du Monde début octobre, en rappelant que « pour peser à Bruxelles, il faut respecter les traités, à commencer par Maastricht. (…) Avec un déficit de près de 6 % du PIB, la voix de la France porte forcément moins. »
Dans ces conditions, comment imaginer Emmanuel Macron réussir à peser sur l’agenda européen, comme il l’a fait jusqu’à présent ? Mercredi, devant un parterre d’investisseurs, le chef de l’État a plaidé pour un « choc de simplification », une taxation continentale sur les voitures électriques chinoises ou un « choc d’investissement » avec de l’argent public européen. « C’est là qu’on peut débloquer beaucoup de croissance et de potentiel », a encore insisté le président français.
Sauf qu’il est loin d’être aussi audible que par le passé, et cela qu’importe la volonté affichée. « Il est archi-évident que tout affaiblissement sur la scène politique nationale se traduit par un affaiblissement sur la scène internationale », résume pour Le HuffPost le spécialiste des relations internationales Bertrand Badie, auteur du livre L’Art de la Paix (ed. Flammarion). Mais il ne s’agit, explique encore l’auteur, que d’un « paramètre négatif » parmi d’autres pour Emmanuel Macron, à l’image de son « isolement » en Europe ou de « la loi de régression de l’influence et de la capacité de la France à l’international » depuis 2003.
La France « n’intéresse plus personne » au Moyen-Orient
Cette tendance est d’ailleurs particulièrement visible au Moyen-Orient, où la voix de Paris est inaudible, malgré les efforts affichés par le chef de l’État et son ministre des Affaires étrangères ces derniers jours encore. « Les trois dernières présidences, Sarkozy, Hollande et Macron ont complètement désamorcé le ressort de la politique arabe de la France », explique Bertrand Badie, pour qui Paris, aujourd’hui, « n’intéresse plus personne » dans la région.
Illustration lundi 30 octobre au soir. Jean-Noël Barrot était à Beyrouth pour apporter son soutien au peuple libanais, exhorter Israël à « s’abstenir de toute incursion terrestre » et appeler les belligérants à « saisir » la proposition de cessez-le-feu, lancée à l’ONU, notamment par Emmanuel Macron. Dans la même soirée, l’armée israélienne annonçait le début d’une opération terrestre à la frontière.
« Quand la France intéressait les pays arabes, elle intéressait aussi Israël car Israël pensait trouver là une sorte de voie de passage », décrypte Bertrand Badie. Mais désormais, la France « a perdu sa crédibilité », certes bien avant l’actuel président de la République et sa dissolution hasardeuse. « Son tort », en revanche, « est de ne pas être assez lucide sur cette réalité. » Pas simple, en même temps, pour un « champion de la terre » qui se rêve sur le retour.
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