Dissolution, démission… Sans Lecornu, Macron est désormais seul face au chaos qu’il a provoqué
POLITIQUE – On décrit souvent le Premier ministre comme le paratonnerre du chef de l’État. Sauf que ce lundi 6 octobre, c’est bien Matignon qui a déclenché la foudre. En remettant à Emmanuel Macron sa démission quelques heures à peine après la formation de son gouvernement contesté par ses propres partenaires, Sébastien Lecornu a fait la démonstration de ce que nombre d’acteurs et commentateurs politiques s’échinent à expliquer depuis le mois de juillet 2024 : l’issue du chaos politique se trouve à l’Élysée.
Et il appartient à son locataire de réparer les dégâts causés par une dissolution hasardeuse jetée comme un coup de poker. Le roi n’est pas nu, en dépit des images crépusculaires le montrant marcher seul sur les quais de Seine après le coup de tonnerre. Il lui reste des cartes en main. Certes, c ne sont pas les plus agréables à jouer, mais elles existent.
Une dissolution (risquée)
Pour le Rassemblement national, le chef de l’État doit de nouveau abattre celle de la dissolution de l’Assemblée nationale, qui se loge à l’article 12 de la Constitution. « Il ne peut y avoir de stabilité retrouvée sans un retour aux urnes », a immédiatement réagi le président du RN Jordan Bardella, certain que le parti d’extrême droite pourrait obtenir une majorité, et imposer une cohabitation en bonne et due forme au chef de l’État. « La seule décision sage dans ces circonstances, c’est d’en revenir aux urnes. On est au bout de la blague », a appuyé Marine Le Pen.
Ce mouvement n’est pas forcément le plus évident pour Emmanuel Macron qui a répété à plusieurs reprises ne pas vouloir retenter l’expérience de l’été 2024 puisqu’elle comporte plusieurs inconnues qui ont de quoi aggraver la crise qu’il a lui-même provoquée.
Premier risque réel : l’effondrement de sa famille politique, comme le laissent imaginer certains sondages, et une majorité offerte sur un plateau à l’extrême droite. Le chef de l’État resterait dans l’histoire comme celui qui a permis le retour au pouvoir de ce courant politique. Pas idéal pour un président de la République si inquiet de l’héritage qu’il laissera.
Autre perspective peu réjouissante dans la mesure où le mode de scrutin n’a pas changé : des résultats plus ou moins équivalents à ce qui est ressorti des urnes à l’été 2024. Ce qui ne réglerait rien au problème, et intensifierait les appels à la démission.
Une démission (ingrate)
Car c’est une autre carte qu’il peut abattre, celle qui se trouve à l’article 7 de la Constitution, prévoyant l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. Plusieurs personnalités politiques la souhaitent déjà. Les plus bruyants à ce sujet sont les responsables de la France insoumise, qui ne cessent de marteler que la seule et unique cause de l’impasse s’appelle Emmanuel Macron. Ils ont d’ailleurs relancé très vite ce lundi leur appel à la destitution du chef de l’État.
Mais la demande existe aussi à droite. « L’intérêt de la France commande qu’Emmanuel Macron programme sa démission, pour préserver les institutions et débloquer une situation qui était incontournable depuis la dissolution absurde », a grondé sur le réseau social X le maire LR de Cannes David Lisnard. Pour celui qui préside l’Association des maires de France, « la Ve République et l’avenir de notre pays sont en jeu ». Également membre des Républicains, Jean-François Copé avait déjà évoqué un scénario similaire ces derniers mois. Or, pour le chef de l’État, c’est hors de question. « Le mandat qui m’a été confié par les Français sera exercé jusqu’à son terme », prévenait-il à la fin du mois d’août.
Car il y a quelque chose de constant chez Emmanuel Macron depuis la dissolution : il estime que, malgré la défaite de son camp, il demeure en capacité de sauvegarder l’orientation politique de son premier mandat. Il n’y a qu’à se souvenir de la façon dont il avait refusé l’option Lucie Castets et la nomination d’un gouvernement NFP : au nom d’une « stabilité institutionnelle » dont il se disait le garant en sa qualité de chef de l’État. Un argument, déjà contestable à l’époque, qui a de quoi faire sourire (ou non) lorsqu’on constate que ses choix ont conduit à l’échec de trois Premiers ministres en moins d’un an.
Une cohabitation (coûteuse)
Reste alors une ultime carte à jouer : celle consistant à s’asseoir sur sa politique de l’offre et à nommer une personnalité de gauche issue du NFP, comme Olivier Faure. Comme c’était le cas après la chute de François Bayrou, certains au PS appellent donc Emmanuel Macron à enfin tester cette option avant de livrer le pays à l’extrême droite. « La solution de stabilité aujourd’hui c’est de donner sa chance à la gauche et les socialistes ne se déroberont pas », a fait savoir le député PS Philippe Brun. Sauf que, pour que cela fonctionne, il faudrait qu’Emmanuel Macron accepte de partager le pouvoir et d’en admettre la conséquence : la remise en question de la réforme des retraites et l’instauration d’un Budget allant taxer les plus hauts patrimoines.
S’il veut sortir de la crise qu’il a lui-même provoquée en prononçant une dissolution que rien n’exigeait, le président de la République doit donc faire le choix entre trois options qui lui sont déplaisantes. Dissoudre en prenant le risque d’offrir une victoire au RN ? Démissionner en acceptant son échec ? Ou tenter un gouvernement de gauche qui promet d’enterrer son bilan ? Seul Emmanuel Macron sait avec laquelle de ces trois options il serait capable de trouver le sommeil. Ou s’il est prêt à reproduire encore le même schéma (mais avec quel autre Premier ministre), au prix d’une instabilité qu’il jure pourtant vouloir éviter.



