Dix mois après Wuambushu, Darmanin et Guévenoux arrivent à Mayotte, une île paralysée
POLITIQUE – Un premier déplacement sous tension. Gérald Darmanin et la nouvelle ministre déléguée chargée des Outre-mer Marie Guévenoux arrivent à Mayotte, ce dimanche 11 février. Une « priorité », a-t-elle expliqué lors de sa prise de pouvoir, avant de s’envoler pour l’île paralysée par un mouvement de contestation durable.
Les déplacements au sein du département français dans l’Océan indien sont très difficiles depuis le 22 janvier et l’installation de nombreux barrages routiers par des « collectifs citoyens » qui protestent contre l’insécurité et l’immigration incontrôlée. Un climat qui aggrave la situation de Mayotte, minée par la violence et touchée par de multiples crises, dont une particulièrement aiguë concernant l’eau.
Alors que l’accès au port de Longoni, principale porte d’entrée des produits et denrées alimentaires à destination de l’archipel, est lui aussi bloqué, des risques de pénuries commencent à poindre dans les supermarchés. En réponse à cette colère, le duo de la Place Beauvau promet un acte II à l’opération « Wuambushu ».
Darmanin et le « coup de poing »
Cette stratégie contestée, lancée mi-avril 2023 (et toujours en cours) vise à lutter contre la criminalité endémique sur l’île en détruisant notamment les bidonvilles et en expulsant les étrangers en situation irrégulière. Malgré quelques réussites, comme l’interpellation d’une soixantaine de chefs de bandes, et une délinquance en baisse sur plusieurs mois, le compte n’y est pas pour les manifestants.
« Si nous avons fini par descendre dans les rues, c’est parce que l’insécurité et les délinquants gagnent de plus en plus de terrain », explique Abdou Badirou à Libération, l’un des porte-parole des Forces vives, un collectif informel à l’origine des blocages. Pour lui, « l’État failli à sa mission de protéger la population. Les Mahorais sont français et veulent vivre comme tels, pas être en danger au quotidien. »
Dans ce contexte, l’entourage de Gérald Darmanin promet « une nouvelle opération d’ampleur pour lutter contre la délinquance et l’immigration illégale » dont la mise en œuvre sera discutée lors de son déplacement avec les forces vives de l’île. Avec Marie Guévenoux ils seront accompagnés de plusieurs directeurs généraux du ministère de l’Intérieur et d’une quinzaine de gendarmes du GIGN qui viendront renforcer les effectifs sur place pour « mener des opérations coup de poing ». Dans une vidéo diffusée juste avant son départ, le ministre annonce la mise en place pour « bientôt d’un rideau de fer dans l’eau pour empêcher le passage des kwassa kwassa » et autres bateaux des passeurs.
Toujours selon la Place Beauvau, les deux ministres « entendent également renouer le dialogue avec les élus et les citoyens, mais également avec les acteurs économiques dont l’activité est rendue difficile par les barrages qui bloquent la circulation depuis plusieurs semaines. » Suffisant pour apaiser ces vives tensions ? Et répondre à « l’urgence vitale » selon les mots de la députée locale Estelle Youssoupha qui siège dans le groupe Liot ?
« Ce que l’on vit aujourd’hui, c’est du chaos sur du chaos »
Rien n’est moins sûr. En plus de réclamer la fin des actes de délinquance et des affrontements, ou le démantèlement d’un camp de fortune autour du stade de Cavani, à Mamoudzou (Gérald Darmanin promet « le rapatriement dans l’Hexagone des réfugiés » et « l’expulsion immédiate » des clandestins), le mouvement de protestation a élargi ses revendications.
Il demande désormais la fin de « mesures législatives d’exception » qui, selon les manifestants, consacrent l’inégalité de Mayotte avec le reste de la France. Ils visent notamment le « séjour territorialisé », qui empêche les détenteurs d’un titre de séjour à Mayotte de se rendre en métropole. « Aujourd’hui, un titre de séjour attribué à Mayotte ne permet pas de circuler en France ou en Europe. Les étrangers ne peuvent pas quitter l’île. Résultat, la population explose ici et tout devient invivable. Il faut que ça change », plaide encore Abdou Badirou auprès de Libération. « Nous devons traiter de façon égale les Mahorais et les habitants de tous les autres départements », répond Gérald Darmanin avant d’arriver sur l’île.
En attendant, la contestation s’amplifie et la situation s’aggrave. « Ce que l’on vit aujourd’hui, c’est du chaos sur du chaos (…) entre les barrages des collectifs quasiment tous les kilomètres, on a des barrages de jeunes délinquants qui agressent, rackettent, caillassent… », expliquait Carla Baltus, la présidente du Medef à Mayotte en fin de semaine sur France Inter. Pour elle, la « situation est dramatique » tant sur le plan sécuritaire, économique, que sanitaire.
De quoi immanquablement rappeler le mouvement social d’ampleur qui avait duré 44 jours en 2018, et laissé le département exsangue. Charge à Gérald Darmanin et Marie Guévenoux d’éviter une redite désastreuse. Un sacré baptême du feu, trois jours après la nomination de cette dernière.
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