Politique

Du budget Bayrou à la copie Lecornu, ces éléments qui pourraient évoluer

POLITIQUE – Partir d’une feuille blanche ou raturer la copie de François Bayrou. Avant même de constituer son gouvernement, Sébastien Lecornu doit avancer dans la résolution de l’équation budgétaire de 2026, sous la menace de censure des oppositions qui chacune réclame leurs garanties de « rupture ».

Quatre jours après sa nomination, le nouveau Premier ministre a écarté l’une des mesures les plus controversées du projet de son prédécesseur en renonçant à la suppression de deux jours fériés. Revenir sur cette mesure « exigera de trouver d’autres sources de financement », a néanmoins posé le chef du gouvernement dans une interview à la presse régionale.

Réclamant « du temps » pour préparer le projet de loi et trouver des compromis avec les différentes forces du Parlement, il a refusé à ce stade de s’avancer sur des pistes éventuelles. Tout en entrebâillant quelques portes.

· De 44 à 21 milliards, quel entre-deux possible ?

44 milliards. C’était l’objectif de François Bayrou qui estimait que sans effort de cet ordre, la France courait à la faillite. Mais le chiffre ne fait pas l’unanimité. Place Publique, la formation de Raphaël Glucksmann, estime qu’un objectif de 24 milliards par an est suffisant. Le Parti socialiste aimerait s’en tenir à 21,7 milliards d’euros. Chez les communistes, Fabien Roussel a mis en garde : « Si c’est pour passer de 44 milliards à 39 milliards d’austérité, ce n’est même pas la peine de nous appeler. »

Au sein du « socle commun », personne n’avait remis en question le chiffre de 44 milliards. Mais face à la nécessité d’un compromis, autant pour garantir une stabilité politique que pour respecter le calendrier budgétaire, « il est évident que ce cadrage doit évoluer », a reconnu le ministre démissionnaire de l’Économie Éric Lombard le 13 septembre. Ce dimanche, c’est la présidente de l’Assemblée nationale qui évoque un accord à trouver autour de « 35/36 milliards » d’économies. Attentif à ne pas braquer ses futurs interlocuteurs, le locataire de Matignon ne donne aucun chiffre à ce stade. « Ceux qui disent que le FMI est aux portes de Bercy mentent, autant que ceux qui soutiennent qu’on peut laisser la situation en l’état », lâche-t-il seulement le 13 septembre.

· La taxe Zucman pas favorite mais…

Parler « justice fiscale » et taxation des plus riches oui, mais sans aller trop loin. Si en Macronie, l’idée d’une contribution des plus aisés fait son chemin (de force), la taxe Zucman plébiscitée par la gauche n’a pas la cote. « Pas une bonne piste » pour Yaël Braun-Pivet, quand le Premier ministre alerte sur la nécessité de préserver « le patrimoine professionnel, car c’est ce qui permet de créer des emplois et de la croissance en France ». « Il y a des questions de justice fiscale, de répartition de l’effort et il faut y travailler sans idéologie, j’y suis prêt », assure-t-il pour ne froisser personne.

Quelles sont les autres options ? Le Rassemblement national « souhaite débattre de la taxation de la spéculation, des rentes, des surdividendes et des superprofits », a fait savoir la députée Edwige Diaz. À droite, le LR Julien Dive évoque une taxe Zucman « édulcorée ». Éric Lombard plaide pour que la taxation porte sur « leur épargne, sur leurs actifs qui ne sont pas investis dans leur entreprise ». Tout le débat se concentre sur la question de l’assiette, c’est-à-dire les critères fixés pour calculer la taxe, les macronistes souhaitant exclure « l’outil de production » du calcul. En résumé, « si vous possédez LVMH et une Rolex dans votre fortune on compte la Rolex, mais pas les actions LVMH. Parce qu’on considère que c’est un outil industriel français », explique un ministre auprès de l’AFP. La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a déjà travaillé sur « plusieurs options » alternatives, comme « des mécanismes de lutte contre la suroptimisation fiscale ». Mais la gauche sera attentive à ce que le dispositif ne soit pas uniquement symbolique.

· Les retraites pas avant 2027 mais des « petits pas » possibles avant

Le passage de François Bayrou à Matignon a été marqué par l’échec du conclave sur la réforme des retraites. Un point de rupture avec le PS et les écologistes qui réclamaient a minima sa suspension (François Hollande l’a réclamé ce dimanche pour l’année 2026), quand la France insoumise veut son abrogation. Sébastien Lecornu n’entend pas recréer un tel cénacle. « Il n’en a jamais été question », a-t-il tranché, renvoyant le sujet à la présidentielle 2027.

Yaël Braun Pivet est sur la même ligne. « En revanche il y a eu des discussions extrêmement intéressantes, des propositions faites notamment par la CFDT sur la pénibilité, sur la carrière des femmes… Là-dessus, je crois que nous pouvons avancer », estime-t-elle sur LCI, évoquant aussi le texte sur l’emploi des seniors, fruit de négociations syndicales et patronales, validé en CMP et qu’« il faut l’inscrire vite à l’ordre du jour pour pouvoir le mettre en application ». Une méthode des « petits pas » assumée par la tenante du Perchoir.

· D’autres sources d’économie et de recette ?

D’autres points clés du budget Bayrou pourraient aussi être amendés. L’année blanche sur les prestations sociales, un geste de l’ancien Premier ministre envers la droite, en fait partie alors que selon des informations du Monde, Les Républicains seraient prêts à quelques concessions.

La réforme de l’assurance-chômage, censée rapporter entre 2 et 2,5 milliards par an ? La députée Prisca Thevenot, ex-porte-parole du gouvernement Attal à l’origine de la mesure « souhaite » que le Premier ministre actuel la reprenne en l’état. En attendant, les discussions autour de la lettre de cadrage envoyée par François Bayrou se poursuivent jusqu’au 15 novembre, rapporte Libération. Sébastien Lecornu ne s’est pas exprimé sur ce sujet. Il peut aussi bien annuler le document de son prédécesseur que le conserver, ce qui obligerait à la poursuite des négociations entre les représentants syndicaux et patronaux, sommés de trouver un accord avant que le gouvernement reprenne la main.

Enfin, le Premier ministre a mis sur la table « un grand acte de décentralisation », une proposition absente de la copie de son prédécesseur. L’idée réjouit Yaël Braun-Pivet qui estime que cette réforme des collectivités territoriales pourra rapporter entre « 6 et 7 milliards d’économies par an » sans être perçue comme un « coup de rabot ». Une piste susceptible de faire consensus ? Si le Premier ministre veut, comme il l’assure, éviter de recourir au 49.3, il en faudra bien d’autres.