Du régalien à la part du gâteau : LR va trancher sa participation au gouvernement
POLITIQUE – Les Républicains (LR) vont-ils lâcher Sébastien Lecornu ? Pendant que le Premier ministre peaufine son architecture gouvernementale avec une annonce finale qui devrait intervenir au cours du week-end, le parti dirigé par Bruno Retailleau fait monter les enchères et conditionne son maintien au gouvernement à un projet de loi sur l’immigration.
Les observateurs s’interrogent : coup de bluff ou réelle envie de claquer la porte du gouvernement, à un an et demi de l’élection présidentielle qui aiguise tous les appétits ? La formation de droite doit se réunir ce samedi 4 octobre dans la soirée pour trancher la question.
« Le Premier ministre avait fourni une feuille de route à Bruno Retailleau. Celle-ci ne nous convient pas et donc nous nous reparlerons ce soir pour déterminer notre participation ou non au gouvernement », a exprimé la sénatrice LR Agnès Evren, également porte-parole du parti, sur franceinfo quelques heures avant la réunion couperet.
Un an après être entrés au gouvernement à la faveur de la nomination de Michel Barnier, l’un des leurs, à Matignon, Les Républicains entretiennent le suspense. Lors d’une visio avec les parlementaires de son parti le 2 octobre, Bruno Retailleau avait fustigé le manque d’engagements formels pris par Sébastien Lecornu sur l’immigration. « Il n’y a rien de rien », avait déploré le ministre de l’Intérieur démissionnaire, incapable de masquer son agacement alors qu’il a expressément demandé au successeur de François Bayrou d’avoir champ libre pour désormais gérer « toute la politique de visas » depuis Beauvau.
Le Vendéen a aussi réclamé une révision de l’aide médicale d’État (AME) et le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Autant de marqueurs à droite toute qui lui permettront, une fois l’aventure au gouvernement terminée, d’afficher un bilan. Et de ne pas se laisser marcher sur les pieds par le RN, qui nourrit chaque jour un peu plus le procès en inaction du ministre.
« Bruno Retailleau s’est braqué » après son entretien avec Sébastien Lecornu, assure auprès de l’AFP un participant, qui se demande si le ministre n’a pas haussé le ton après la publication d’un sondage Ifop qui « ne lui était pas favorable ». Au premier tour de l’élection présidentielle, l’ex-sénateur est crédité de 9 % à 13 % d’intentions de vote selon les configurations. Derrière Édouard Philippe, Jean-Luc Mélenchon et Raphaël Glucksmann, mais surtout très loin de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella, à qui il dispute une partie de l’électorat marqué très à droite. D’autres proches du ministre évoquent son incompréhension face aux « quatre jours qu’a tardé Sébastien Lecornu à répondre aux exigences que lui avaient adressées Les Républicains ».
Une participation « pas acquise du tout »
Une friture sur la ligne que Bruno Retailleau n’a pas hésité à mettre en scène, en accordant une interview au Figaro. L’occasion d’y rappeler, le 2 octobre, que la participation des Républicains au prochain gouvernement n’était « à ce stade pas acquise du tout ». « Sur la réduction de la dépense publique sans augmentation d’impôts, la revalorisation du travail au détriment de l’assistanat, et un meilleur contrôle de l’immigration, sur ce triptyque-là, nous attendons des engagements concrets de Sébastien Lecornu », martèle Agnès Evren, qui considère que son parti « n’ira pas à l’aveugle ».
D’autant qu’une partie des LR n’apprécie pas franchement les clins d’œil appuyés de Sébastien Lecornu au PS. Pour ne pas voir son bail à Matignon s’arrêter trop rapidement, le Premier ministre discute avec les socialistes. S’il a rejeté tout retour de l’ISF, toute mise en place de la taxe Zucman et même toute abrogation de la réforme des retraites, il s’est dit ouvert à une augmentation ciblée de la taxation sur les plus hauts revenus. « S’il cède à la gauche en augmentant les impôts au lieu de baisser la dépense publique, ce sera sans nous », insiste Agnès Evren, qualifiant de « pari risqué » la décision du Premier ministre de renoncer à l’utilisation du 49.3 pour échapper à la censure du PS.
Sans parler de la question épineuse de la répartition des ministères dans le futur attelage. La porte-parole du parti a confirmé sur franceinfo que LR revendiquait un tiers des postes, en arguant que cette demande « est proportionnelle au nombre de parlementaires » de droite, à l’Assemblée et au Sénat. De quoi faire tousser les autres partis du socle commun. Les prochaines heures seront décisives. Et pour l’avenir de Bruno Retailleau, et pour celui de Sébastien Lecornu.


