Emmanuel Macron démontre (encore) l’ambiguïté de « l’arc républicain »
POLITIQUE – C’est l’histoire de deux termes dont le poids médiatique est inversement proportionnel à celui de sa consistance théorique : « arc républicain ». Dans une interview à L’Humanité publiée ce lundi 19 février, Emmanuel Macron a remis une pièce dans la machine, en affirmant qu’il n’avait « jamais considéré que le RN ou Reconquête s’inscrivaient dans “l’arc républicain” ».
Or, il y a précisément 15 jours, Gabriel Attal disait l’inverse dans des propos au Monde, en affirmant que, pour lui, « l’arc républicain, c’est l’Hémicycle ». RN compris donc. Sans surprise, cette déclaration présidentielle, opposée à celle exprimée par son Premier ministre, a provoqué de nombreuses réactions au sein de la classe politique.
Du côté du parti lepéniste, Louis Aliot a pointé le double langage de l’exécutif. « Ça dépend des jours, hier il disait ça, trois jours avant il disait l’inverse », a ironisé sur TF1 le maire RN de Perpignan, en soulignant les « divergences » existant entre Emmanuel Macron et Gabriel Attal sur le sujet.
« Ça n’existe pas »
Également membre d’une formation politique visée par cette expression affectionnée en Macronie, la députée LFI Raquel Garrido a donné sa propre définition du concept. « Ça n’existe pas l’arc républicain. C’est une notion qui a été conçue par les macronistes pour justifier des alliances avec l’extrême droite et pour essayer de diaboliser la France insoumise », a-t-elle affirmé sur Public Sénat, dénonçant elle aussi les contradictions exprimées par l’exécutif sur ce thème. Des contradictions qui, selon elle, résultent de la nature « fake » de cet élément de langage. « Ils se sont pris les pieds dans le tapis, avec cette notion d’arc républicain, tous seuls », a-t-elle insisté
Pendant ce temps, le maire de Béziers Robert Ménard s’interroge sur franceinfo : « En quoi le rassemblement national n’est-il pas dans l’arc républicain ? ».
Ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave a livré sa propre interprétation. « Ce n’est pas une question de mots. La question c’est : est-ce qu’ils ont (le RN, ndlr) des députés qui sont légitimes ? La réponse est oui, ils ont été élus par les Français. Est-ce qu’on construit avec le Rassemblement national ? La réponse est non », a justifié le ministre, omettant de préciser que le chef de l’État interrogeait la légitimité de la présence du parti lepéniste à la panthéonisation du résistant communiste Missak Manouchian prévue ce mercredi 21 février.
Cacophonie en Macronie
À la décharge de Thomas Cazenave, personne ne semble raccord dans le camp présidentiel. Samedi 17 février dans Le Parisien, l’ex-porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, prenait le contre-pied de Gabriel Attal sur le sujet, en jugeant que ni Marine Le Pen ni ses députés ne faisaient partie de l’arc républicain.
Or, président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli expliquait deux jours plus tôt dans L’Opinion qu’il était temps d’en finir avec cette ostracisation. « Je constate que ces jugements moraux sont en réalité très parisiens. Ils ne correspondent pas à ce que ressent le pays dans ses profondeurs. Les gens en ont marre qu’on leur fasse la morale », assurait le député de Corse-du-Sud, assumant de pouvoir voter des textes avec les élus lepénistes, comme lors de la loi immigration.
Membre à part entière de la majorité, Laurent Marcangeli se trouvait-il en contradiction avec Emmanuel Macron ? Pas du tout. Car depuis Bordeaux jeudi 8 février, le chef de l’État donnait lui-même l’impression de rompre avec « l’arc républicain », en assumant « de constituer, texte par texte, des majorités, qui peuvent parfois être complétées ou grossies par des voix RN ». Soit la suite logique du discours présidentiel vis-à-vis du RN. Lorsque l’ex-Première ministre Élisabeth Borne avait dépeint le Rassemblement national en « héritier de Pétain », le chef de l’État l’avait désavoué en public, en expliquant qu’ « on ne peut plus battre dans nos démocraties l’extrême droite simplement avec des arguments historiques et moraux ».
Or, c’est bien en convoquant des arguments historiques et moraux que le président de la République juge que le RN « serait inspiré de ne pas être présent » à la panthéonisation de Missak Manouchian. Et qu’il les exclue ce jour de « l’arc républicain ». On peut difficilement faire plus confus.
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