En assumant de jouer la présidentielle, LFI veut mettre le NFP devant le fait accompli
POLITIQUE – Jean-Luc Mélenchon croit au destin. Il s’imagine depuis longtemps à l’Élysée, sait précisément ce qu’il y ferait, par quoi il commencerait et qui l’y entourerait. Mais la marche a jusque-là été trop haute. À trois reprises, le tribun s’est s’incliné dès le premier tour. Son mentor en politique François Mitterrand avait, lui, été élu à la troisième tentative, en 1981.
Jean-Luc Mélenchon a beau rappeler, comme lors d’un meeting à Redon (Ille-et-Vilaine) le 9 décembre, qu’il n’a pas « l’intention obsessionnelle d’aller [s]e casser la tête à faire ce boulot », beaucoup sont persuadés qu’il en a secrètement envie. Une quatrième candidature ? Il y pense. Et le plus tôt sera le mieux pour celui qui a fêté cet été ses 73 ans.
Depuis plusieurs semaines, le noyau dur de La France insoumise ne cesse d’appeler à la démission (ou la destitution) d’Emmanuel Macron, et à l’organisation rapide d’une élection présidentielle anticipée. Selon les délais prévus par la Constitution, ce serait entre vingt et trente-cinq jours. Les insoumis en sont persuadés : leur heure est venue. Alors ils ont lancé un quadrillage du pays, à la recherche de 500 promesses de parrainages d’élus locaux. Et s’attellent, en parallèle, à une mise à jour de « l’Avenir en commun », le programme déjà défendu en 2022. Selon TF1, une nouvelle version sera prête en janvier.
« Crise de régime »
Mais pour le reste de la gauche, le risque est grand de voir Marine Le Pen succéder à Emmanuel Macron si une élection devait avoir lieu si rapidement. « C’est insensé d’appeler à une présidentielle maintenant », se lamente une députée écolo auprès du HuffPost, rappelant que dans un sondage Ifop pour le Figaro et Sud Radio, la cheffe des députés RN est donnée entre 35 et 38 % des voix. Un score faramineux, jamais atteint au premier tour par l’extrême droite. « Ce vers quoi veut nous emmener Mélenchon ressemble à ce qu’a fait Macron cet été avec sa dissolution ratée : un péché d’orgueil sans concertation », estime notre interlocutrice.
Les proches du leader de LFI tempèrent la petite musique qui monte, et rappellent que ce ne sont pas les ambitions personnelles du tribun qui sont en cause, mais le blocage provoqué par le chef de l’État. « Nous ne voulons pas à tout prix que Jean-Luc Mélenchon soit candidat, mais la situation exige que nous nous préparions », a défendu Éric Coquerel sur TF1. Tout est une affaire de circonstances.
La chute du gouvernement de Michel Barnier, et l’impossible dilemme auquel est désormais confronté Emmanuel Macron pour nommer un Premier ministre, font dire aux insoumis que la France est entrée dans « une crise de régime », dont l’issue se trouve du côté de l’Élysée. « Inéluctablement le président Macron finira par s’en aller. Il ne peut pas tenir trente mois en nommant un gouvernement Barnier tous les trois mois », analysait Jean-Luc Mélenchon au journal espagnol El País le 8 décembre. Une stratégie qui ne semble pas avoir été discutée entre partenaires du Nouveau Front populaire. Pas plus que l’appel à la destitution ou à la démission du chef de l’État brandi depuis cet été, que refusent toujours le PS, le PCF et les Écologistes.
Au pied du mur
Fin novembre, il proposait à ses alliés « une candidature commune » à la prochaine présidentielle : « On se l’est dit dix fois, sur la base du programme. Et comme nous irons avec le programme, vient qui veut, il est bienvenu ». Un appel lancé en public, lors d’un « moment politique » filmé et retransmis sur les réseaux sociaux. La gauche mise au pied du mur par une candidature à venir de Jean-Luc Mélenchon ? L’ancien député de Marseille, qui avait théorisé être « en retrait mais pas en retraite », ne prend en réalité personne de court. Beaucoup n’ont jamais cru en son « Faites mieux » lancé le soir du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, et estiment aujourd’hui qu’il ne fallait pas y voir le signe d’un départ précipité.
Devant quelques journalistes réunis le 10 décembre, il se dit toujours persuadé « qu’une candidature commune est possible à la présidentielle ». Sans forcément s’extraire de l’équation. « Je l’ai déjà fait avec le Front de gauche et les communistes. On sait bien que ça ne sera pas possible avec les socialistes, mais il reste les deux autres. La distance la moins grande pour nous est avec les Écologistes », a-t-il ajouté.
Côté socialistes, la réponse ne s’est pas fait attendre puisque le député européen Pierre Jouvet réplique sans détour dans Libération : « Tout ce que Jean-Luc Mélenchon fait, construit et porte est là pour préparer son destin personnel et présidentiel. Il porte la responsabilité de la désunion de la gauche. Il sait que les conditions que nous essayons de construire pour une candidature unique ne lui sont pas favorables, donc il préfère désunir ».
Les socialistes sont unanimes pour dire qu’ils ne se rangeront pas derrière Mélenchon et que, dès lors, une candidature unique de toute la gauche est difficilement envisageable. « Il veut faire éclater la gauche et rejouer le match des deux gauches irréconciliables, regrette un cadre proche d’Olivier Faure interrogé par le HuffPost. Nous le savons bien, puisque nous avons chez nous son idiot utile en la personne de François Hollande ». Le même poursuit : « Nous n’avons pas peur des Insoumis, nous connaissons leur jeu. Ce sont les écolos qui nous effraient plus. Avec eux, il est beaucoup plus compliqué de savoir de quel côté va retomber la pièce ». Les cerveaux surchauffent, les stratégies s’affinent. Mais le chemin vers l’élection présidentielle, officiellement prévue en 2027, est long et sinueux. Chez les insoumis en tout cas, tous espèrent qu’il soit plus court que prévu.
À voir également sur Le HuffPost :
La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.