En luttant contre la désinformation, Macron cherche un succès à mettre à son bilan
POLITIQUE – Quand une initiative présidentielle percute un agenda judiciaire. Ce mercredi 29 octobre, Emmanuel Macron prendra la parole au Forum de Paris sur la Paix. Le thème de son discours ? La désinformation et les ingérences étrangères. Hasard du calendrier, le chef de l’État s’exprime sur ce sujet au moment où dix personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir cyberharcelé Brigitte Macron sur la base d’une fake news, laquelle a largement été instrumentalisée depuis l’étranger.
« Il vit dans sa chair l’illustration de ce qu’il dénonce par ailleurs. Ce n’est pas la raison pour laquelle il se mobilise, mais ça contribue forcément à sa réflexion », observe un marcheur, soulignant que cette infox virale avait contribué à parasiter la parole du chef de l’État au moment de la vraie-fausse gifle filmée à son arrivée au Vietnam au mois de mai. En réalité, la désinformation amplifiée par des réseaux sociaux qui peinent à être régulés hante Emmanuel Macron depuis 2017.
Quelques minutes avant la clôture officielle de la campagne présidentielle, les « Macron Leaks » mêlant vrais et faux documents de campagne se diffusent sur la toile, dans le but de décrédibiliser sa candidature. Un piratage massif que la France attribue désormais officiellement au GRU, le renseignement militaire russe. Et l’ombre du Kremlin est systématiquement évoquée à chaque fake news ciblant le président de la République, comme lorsque le chef de l’État a été accusé de consommer de la cocaïne dans le train le menant à Kiev sur la base d’une séquence vidéo le montrant avec un mouchoir.
« Assainir les conditions du débat »
« La France est le deuxième pays le plus visé par la Russie sur la guerre informationnelle, après les États-Unis », répète souvent l’entourage du chef de l’État. D’où cette volonté de lutter contre la « déstructuration » du débat public, en vue notamment de l’élection présidentielle 2027. Et ce, même si, théoriquement, il n’a plus vraiment la main sur le plan national en l’absence de majorité à l’Assemblée, réduisant considérablement ses marges de manœuvre.
« Le président est dans son rôle, puisqu’il agit sur le fondement de l’article V de la Constitution, selon lequel il est le garant de l’indépendance nationale », fait valoir auprès du HuffPost un conseiller élyséen, qui précise : « Il souhaite assainir les conditions du débat, pour que l’élection puisse s’organiser dans un cadre clair et privé d’ingérences. » À ce titre, ce n’est pas un hasard si Maia Sandu, présidente de la Moldavie, sera à ses côtés ce mercredi.
La dirigeante pro-européenne a été réélue il y a un an malgré les soupçons d’ingérence russe qui ont pesé sur le scrutin. « La démocratie a triomphé de toutes les interférences et de toutes les manœuvres », avait d’ailleurs réagi Emmanuel Macron. Ainsi, le chef de l’État entend s’ériger en champion de la lutte contre la désinformation, et mettre à profit les mois qui le séparent de la fin de son mandat pour obtenir des avancées en la matière. « L’opinion publique est consciente du sujet », assure son entourage, en brandissant la dernière étude de l’Ifop sur les fractures françaises.
La science au cœur de la réflexion
Selon cette vaste enquête, seulement 17 % des Français affirment faire confiance aux réseaux sociaux. Un score plus faible que des secteurs qui suscitent pourtant une forte défiance au sein de la population, comme les médias, les partis politiques ou leurs représentants. Ce qui incite le chef de l’État à se mobiliser sur la thématique en associant, comme ce mardi à l’Élysée, des spécialistes venant d’horizons divers, de la pédiatre Sylvie Dieu-Osika, membre fondatrice du Collectif surexposition écrans, au sociologue Gérald Bronner en passant par Grégoire Borst, professeur de neurosciences cognitives de l’éducation ou encore l’historien David Colon, spécialiste de la propagande et de la manipulation de masse.
Reste à savoir comment le président de la République pourra convertir cette ambition politique en action concrète. « Du concret est possible, mais il est d’abord question de s’accorder sur le constat », rétorque son entourage, saluant la volonté du chef de l’État de « mettre la science au cœur de la réflexion », pour éviter autant que possible les procès en instrumentalisation politique. Mais est-ce possible ? Au regard de certaines réactions, le chemin semble encore long. Dès l’annonce de cette initiative présidentielle, plusieurs parlementaires du RN, dont le député Matthias Renault, soupçonne Emmanuel Macron de vouloir « censurer » les réseaux sociaux. Preuve s’il en est que le constat est encore loin d’être partagé par tous.


