Politique

En quoi ce projet de loi est exceptionnel et dit beaucoup de la pagaille à l’Assemblée

PARLEMENT – Le « J » c’est le « L ». La ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin a officialisé ce jeudi 5 juin le dépôt à l’automne prochain d’un projet de loi (PJL) sur la protection de l’enfance dont l’un des objectifs est d’élargir le vivier des assistants familiaux en leur permettant de cumuler cette activité avec un autre emploi. L’annonce est toute aussi importante sur le fond que sur la forme.

C’est quasiment la première fois depuis la nomination de François Bayrou (une situation similaire à celle de l’ère Michel Barnier) que le gouvernement est force de proposition sur le terrain législatif, à l’exception notable des lois de finances et de la loi sur la refondation de Mayotte.

Depuis janvier, l’exécutif a laissé tout loisir aux parlementaires de déposer de très nombreuses propositions de lois (PPL). Et ce même sur des sujets majeurs comme le narcotrafic, la fin de vie, ou les déserts médicaux. Une stratégie qui a tout à voir avec le morcellement de l’hémicycle. Car un gouvernement qui se verrait mis en échec sur un texte qu’il a proposé (au hasard pour absence de majorité) perdrait du crédit même s’il n’était pas renversé.

La tactique, qui a tendance à mettre les députés en surchauffe, alimente par ailleurs les critiques sur l’ordre du jour, et les accusations en « immobilisme » ou le manque de grand texte structurant sont fréquentes, qu’elles viennent de chez LR ou d’Horizons. Car derrière, le gouvernement dispose d’un puissant garde-fou, son poids dans l’organisation de l’agenda parlementaire. Une prérogative certes partagée avec la présidence de l’Assemblée mais qui permet au gouvernement Bayrou de mettre au débat les textes qu’ils veulent voir voter.

Manque de temps parlementaire

Cela n’empêche pas les ministres de plancher sur des projets de loi (réforme de l’audiovisuel, emploi des seniors) qui stagnent dans les limbes parlementaires et crée de l’embouteillage. Car en parallèle le gouvernement refuse toujours d’ouvrir du temps de discussion parlementaire supplémentaire. C’est d’ailleurs l’excuse « d’un agenda parlementaire surchargé » qu’avait brandi le Premier ministre il y a quelques jours pour refuser un débat sur la situation humanitaire à Gaza dans l’hémicycle.

Ce qui ne manque pas d’agacer, y compris dans son propre camp. Cette semaine, Yaël Braun-Pivet a tiqué lorsque le ministre de la Santé Yannick Neuder, a promis au député Aurélien Rousseau d’inscrire une PPL sur les cancers à l’ordre du jour, « très rapidement ». Réponse immédiate et courroucée. « Monsieur le ministre, sachez que la prochaine semaine de l’Assemblée – lors de laquelle cette dernière fixera son ordre du jour – est prévue en décembre 2025 ! Si vous voulez aller vite, c’est bien au gouvernement de mettre ce texte à l’ordre du jour ! », a cinglé la présidente de l’Assemblée.

Yaël Braun-Pivet bataille depuis plusieurs semaines pour que les travaux se poursuivent après la session ordinaire qui s’achève fin juin en ouvrant une session extraordinaire en juillet afin de « finir » l’examen des textes entamés.

Une motion de censure extraordinaire ?

Après avoir freiné des quatre fers, l’exécutif pourrait finalement s’y résoudre en juillet. « La session doit s’arrêter le 30 juin. Le 30 juin, c’est un lundi. C’est un peu bête de s’arrêter de travailler le lundi (…) et on a besoin d’avoir au moins quinze jours en juillet et probablement autant en septembre pour travailler », a confié le week-end dernier Patrick Mignola, ministre des Relations avec le Parlement ; ce proche de François Bayrou a précisé aussitôt que ce dernier n’avait pas encore pris sa décision.

Comment expliquer une telle réticence du locataire de Matignon alors que régulièrement les députés siègent aussi l’été depuis plusieurs années ? En pleine période estivale, c’est sur le sujet du budget 2026 que le mercure devrait grimper. Alors que François Bayrou a annoncé qu’il dévoilerait ses grandes lignes mi-juillet (après la fin du conclave sur les retraites) pour trouver 40 milliards d’économies, le débat risque rapidement de tourner aigre cet été autour des finances publiques. Et qui dit session extraordinaire dit aussi possibilité de déposer une nouvelle motion de censure. Laquelle, si elle s’avérait funeste ne permettrait donc même pas, au passage, l’examen du PJL annoncé par Catherine Vautrin.