En renommant Lecornu, Macron ne fait rien pour résoudre la crise
POLITIQUE – Mêmes joueurs jouent encore. Après une semaine de chaos politique et une journée interminable, Emmanuel Macron a donc conclu cette séquence loufoque, aux alentours de 22 heures, par la nomination de Sébastien Lecornu. Soit, le même Premier ministre que celui qui avait démissionné… lundi matin offrant un spectacle désolant, affectant l’image de la France à l’international et fragilisant davantage son image auprès des Français.
Ce choix, quand bien même le chef de l’État donne « carte blanche » à son lieutenant, témoigne de sa volonté de garder la main (si fragile soit-elle) sur le gouvernement. Mais est-ce la meilleure façon de résoudre la crise en cours ? Les déclarations tout au long de la journée permettent d’en douter.
En témoigne la colère froide de Marine Tondelier, cheffe des Écologistes, à sa sortie de l’Élysée pour une réunion convoquée avec les chefs de parti (hors LFI et RN) la nuit précédente à 2h du matin. « Ça va mal finir », a-t-elle déclaré. Un courroux partagé par Fabien Roussel et Olivier Faure, qui avant même l’annonce du Premier Ministre, ont fait planer la menace d’une censure depuis la cour de l’Élysée qui a plus ressemblé à une énième manœuvre dilatoire qu’à l’ébauche d’une sortie de crise. « Cette réunion confirme qu’il y a un chemin possible pour tisser des compromis », tente toutefois de se rassurer l’entourage du Président.
L’illusion du « socle commun »
Et ce, dans un contexte où La France insoumise comme le Rassemblement national ont répété leur volonté de sanctionner n’importe quel exécutif qui sortirait des discussions. À ce stade, donc, Emmanuel Macron s’obstine à persister dans sa stratégie, en priant pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, c’est-à-dire la chute de ses Premiers ministres Michel Barnier et François Bayrou.
Même dans ce qui s’appelait il y a quelques jours encore le « socle commun », plusieurs personnalités de premier plan sommaient le chef de l’État à « partager le pouvoir », à l’image de Gabriel Attal qui a réitéré son appel ce vendredi. En vain, puisque le chef de l’État continue de croire que l’arc qui va de Renaissance aux Républicains (en passant par le Modem et Horizons) constitue une « plateforme de stabilité » assez solide, bien que le contraire ait été démontré à trois reprises ces derniers mois.
Le Président de la République fait ainsi comme si la crise, consécutive à sa dissolution ratée, n’était pas liée à l’incapacité de bâtir quelque chose de durable avec la droite. Comme si ce n’était pas Bruno Retailleau, président des Républicains, qui avait précipité la chute de Sébastien Lecornu, en se désolidarisant de façon fracassante au gouvernement tout juste nommé. Comme si les relations entre les toutes les composantes du bloc central n’étaient pas parasitées par les ambitions présidentielles de Gabriel Attal, Édouard Philippe, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin ou encore Bruno Retailleau.
Carburant électoral pour le RN
Comme si son camp n’avait pas perdu aux législatives, et ne s’était pas accommodé post-élection à bricoler un semblant de majorité relative avec des élus LR qui s’étaient présentés devant les électeurs en promettant de rompre avec le macronisme. Un mariage forcé, de surcroît, avec le seul parti n’ayant pas participé au « front républicain » pour empêcher la victoire du Rassemblement national, et qui ne cache même plus son rapprochement avec l’extrême droite.
Ce faisant, la reconduction de Sébastien Lecornu ne semble répondre à aucun des symptômes liés à cette crise politique : une instabilité chronique, un déficit de légitimité et une frustration grandissante sur les bancs de la gauche, dont la coalition est arrivée en tête à l’été 2024. Plus inquiétant pour Emmanuel Macron, ce choix conforte Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui, jouant le coup d’après, sont déjà partis en campagne en prédisant que rien de nouveau ne pouvait sortir de cet énième épisode.
Ainsi, le chef de l’État leur a offert le spectacle qu’ils attendaient : celui d’un président qui, prêt à tout pour éviter la dissolution et perdre le peu d’influence politique qu’il lui reste, rejoue inlassablement les mêmes cartes en espérant que le jeu de ses adversaires change. Du carburant électoral pour l’extrême droite, et l’assurance de rompre définitivement avec son camp qui, conscient des dégâts que provoquera une dissolution dans ses rangs, ne voulait pas d’une énième tentative macroniste vouée à l’échec. C’est pourtant l’option qui a été choisie par Emmanuel Macron. Elle ne fait qu’aggraver la crise.



