Gabriel Attal pourra-t-il voter pour lui-même à la présidence du groupe Renaissance ?
POLITIQUE – Votez pour lui, car lui ne le pourra peut-être pas ? Ce samedi 13 juillet matin, les députés Renaissance se prononceront lors d’un vote électronique pour choisir leur président de groupe à l’Assemblée nationale, le poste ayant été remis en jeu à la suite du second tour des législatives. Il n’y a qu’un seul candidat : l’actuel Premier ministre Gabriel Attal.
« Je n’envisage cette mission que dans la collégialité la plus totale et, si vous me faites confiance, j’aurai besoin de chacune et chacun d’entre vous », écrit le député des Hauts-de-Seine dans un message envoyé aux élus Renaissance ce vendredi. Le « si » est une simple marque de politesse, car le chef du gouvernement a toutes les chances d’être élu,
Sylvain Maillard qui occupait jusqu’alors la fonction ne se représente pas ; l’ex-Première ministre Élisabeth Borne dont le nom circulait a démenti ; quant à Gérald Darmanin, aussi pressenti, des sources proches du ministre de l’Intérieur ont fait savoir qu’il ne devrait pas concourir non plus.
Reste que Gabriel Attal n’est pas sûr d’obtenir les voix de tous les députés… puisque la sienne pourrait potentiellement manquer. La faute à la Constitution et, surtout, au président de la République Emmanuel Macron.
Premier ministre et chef de groupe (sur le papier)
Sur le papier, c’est clair. « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle », selon l’article 23 de la Constitution.
Emmanuel Macron n’ayant pas accepté la démission de son Premier ministre au lendemain du second tour des législatives, Gabriel Attal est toujours le chef du gouvernement. Dès lors, compliqué pour Gabriel Attal de voter pour lui-même, au risque de contrevenir à l’article 23 de la Constitution. Son suppléant ne pourra pas non plus se prononcer, puisqu’il ne prendra ses fonctions que dans un mois – si le Premier ministre venait à être maintenu à son poste, ce qui n’est pas prévu à ce stade.
Auprès du HuffPost, Jean-Philippe Derosier, professeur de Droit public à l’Université de Lille, précise néanmoins qu’il s’agit d’une élection « interne » qui, à ce stade, ne concerne que les députés Renaissance. Tant que la session parlementaire n’est pas ouverte, le rôle de Gabriel Attal comme président du groupe Renaissance reste marginal. La même logique s’applique à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, élu le 10 juillet à la tête du groupe MoDem.
« Interprétation » de la Constitution
En revanche, la situation risque de se compliquer dès le 18 juillet, date de la première séance publique de la XVIIe législature. Selon des sources concordantes, le président de la République pourrait accepter la démission de Gabriel Attal et de son gouvernement le 17 juillet pour ne pas se priver des voix des ministres-députés lors du scrutin pour la présidence de l’Assemblée. Si, dans la foulée, le président de la République ne nomme personne à Matignon, Gabriel Attal sera alors en charge des « affaires courantes ».
Problème, selon Jean-Philippe Derosier : « Même s’il est démissionnaire, un ministre qui reste en place pour gérer les affaires courantes est toujours ministre ou Premier ministre. Même si la démission est acceptée, tant que le nouveau gouvernement n’est pas nommé et si on admet que les ministres démissionnaires exercent leur mandat de députés, on est en contrariété totale avec l’article 23 de la Constitution », estime le spécialiste.
Au-delà de l’infraction constitutionnelle, ce cas de figure donnerait lieu à une situation cocasse lors d’une séance de questions au gouvernement post-18 juillet – si tant est qu’il y en ait une. La tradition veut en effet que ce soit le Premier ministre qui réponde à une question posée par le président de groupe. Ce qui, strictement appliqué, ferait que Gabriel Attal se poserait une question à lui-même…
Nuances
Au HuffPost, Jean-Philippe Derosier précise néanmoins qu’il s’agit d’une « interprétation » de la Constitution susceptible d’être contredite. Preuve que les nuances sont possibles : l’hommage jeudi 11 juillet de la ministre déléguée à l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher à des agents mobilisés lors de l’attentat d’Arras en octobre 2023.
La ministre, élue dans le Pas-de-Calais, a assisté à la cérémonie ceinte de son écharpe tricolore de députée. Au grand dam de l’autre élue du Pas-de-Calais, le RN Emmanuel Blairy qui pointe une « contravention » (sic) avec l’article 23 de la Constitution. Non, réplique la ministre déléguée, qui avance qu’« il est évidemment compatible d’exercer les fonctions de ministre et de député dans le 1er mois d’un mandat ».
Pas tout à fait, nuance Jean-Philippe Derosier, pour qui tout dépend de la façon de voir les choses. Si l’on part du principe que Gabriel Attal ne peut pas voter pour lui samedi, il est aussi compliqué pour Agnès Pannier-Runacher de se présenter ceinte de son écharpe de députée.
Néanmoins, « on peut considérer qu’il y a d’une part les actes formels d’un député, tel que le vote, les candidatures, l’élection. Et d’autre part, des actes matériels ou de représentation comme ce que fait Agnès Pannier-Runacher » qui, dans l’éventualité où elle ne sera plus ministre dans un délai relativement court, peut commencer à endosser son habit parlementaire. Des lois et de l’esprit des lois.
À voir également sur Le HuffPost :