Il n’y avait que Zemmour et Maréchal pour critiquer la panthéonisation de Badinter
POLITIQUE – Un message qui commence par « Pardon mais… » est rarement élogieux. C’est donc la formule qu’a choisie Marion Maréchal pour évoquer Robert Badinter ce jeudi 9 octobre, jour de la panthéonisation de l’ancien garde des Sceaux. Loin d’un hommage à l’homme qui a aboli la peine de mort en France, l’eurodéputée l’a dépeint comme le responsable d’un prétendu « laxisme judiciaire ». Sur la même ligne qu’Éric Zemmour.
« Pardon de casser ce bel unanimisme, mais faire entrer Robert Badinter au Panthéon c’est aussi sanctifier une vision de la justice qui a désarmé la société face aux criminels », écrit Marion Maréchal sur X. Pour la présidente du groupe d’extrême droite Identités Libertés à Strasbourg, l’ex-garde des Sceaux « a été le grand avocat des “peines alternatives à la prison” ». « Je sais que la droite se sent toujours obligée d’applaudir les hommes de gauche, mais au nom de toutes les victimes du laxisme d’État, permettez-moi de m’abstenir », conclut-elle, jugeant plus tard tout de même « infâme » la profanation de la tombe de l’ex-ministre.
Bien que son alliance avec Éric Zemmour se soit finie par un divorce, les deux se retrouvent sur cette analyse. S’il a salué en Robert Badinter « l’incarnation d’une époque révolue où les politiques avaient une culture qui donnait de la tenue au débat », l’ancien candidat à la présidentielle a étrillé le bilan de celui qui « a aboli la peine de mort pour les criminels endurcis, mais pas pour les victimes », « a vidé les prisons », « a noyauté tous les rouages de son ministère avec les militants du Syndicat de la magistrature, qui (…) ont contaminé la justice française de leur idéologie sectaire, laxiste et victimaire. »
Et les deux figures d’extrême droite de se rejoindre encore sur la critique du Conseil constitutionnel, que Robert Badinter a profondément marqué par son passage à la présidence.
Badinter a « vidé les prisons » ? Les chiffres prouvent le contraire
Leurs messages se confondent avec l’opinion de leurs bases électorales. Robert Badinter reste dans la mémoire française comme l’homme qui a fait abolir la peine de mort en 1981. Mais quarante-quatre ans plus tard, cet héritage ne fait pas l’unanimité : environ 1 Français sur 2 se dit aujourd’hui favorable à la peine de mort et ce chiffre explose chez les soutiens de l’extrême droite.
Entre 2014 et 2024, environ 83 % des sympathisants RN se disaient pour son rétablissement, selon une vaste enquête annuelle menée par la CEVIPOF, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne. La position d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal est donc sans surprise.
En revanche, les chiffres contredisent nettement leurs accusations d’une politique judiciaire « laxiste ». Robert Badinter a été ministre de François Mitterrand de 1981 à 1986. Or, entre 1982 et 1988, « le nombre de personne incarcérées croît fortement (63 %) », selon un bulletin d’information du ministère de la Justice de l’époque : de 30 340 détenus au 1er janvier 1982, ce nombre passe à 49 328 six ans plus tard. L’inverse du « vide ».


