INTERVIEW – Quand et comment parler de politique avec son enfant
ENFANTS – La politique s’est invitée dans tous les foyers de France. Depuis les élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, l’actualité est bouillonnante et le feuilleton politique très suivi. Les enfants ne sont pas épargnés par cette atmosphère et entendent des conversations, posent des questions, en parlent entre eux.
Le HuffPost a demandé à Denis Langlois, avocat et écrivain, auteur de La politique expliquée aux enfants (éd. La Déviation), comment aborder ce sujet hautement inflammable avec ses enfants et quand le faire. Avec les partis pris, les opinions et les biais que l’on porte en soi.
Le HuffPost. Faut-il parler de politique avec ses enfants et si oui, à quel âge ?
Denis Langlois. Quand un enfant commence à s’y intéresser ou pose des questions. Cela peut survenir à 6 ans comme à 12 ans. Ou jamais : il y a des enfants qui ne s’y intéressent pas, comme il y a des adultes qui ne s’y intéressent pas. Ce sont les circonstances qui font que l’on en parle. Dans le contexte actuel, je pense que dans beaucoup de familles, on parle de politique. Et les enfants suivent l’intérêt que leurs parents y portent.
Ils en entendent aussi parler à l’école, voient les affiches dans les rues, les manifestations. Ils ne peuvent pas y échapper. Et si cela fait tilt pour eux, ils posent des questions auxquelles il est important de répondre.
Peut-on être objectif quand on en parle ? Faut-il essayer de l’être ?
On ne peut pas être objectif et ce n’est pas une nécessité. L’enfant, de toute façon, est déjà influencé par ses parents. Les deux tiers des enfants sont déterminés politiquement et vont adopter les opinions politiques de leurs parents au cours de leur vie.
En revanche, il ne faut pas abuser de cela et faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Il faut leur expliquer ce que l’on pense, mais aussi qu’il y a des gens qui pensent autrement. Et c’est là que l’on sort du cadre affectif et que l’on entre dans une sorte d’instruction civique. Mais cela demande un effort considérable au parent. Ce que l’on transmet, plus que des opinions politiques, ce sont des valeurs.
Souvent, l’enfant connaît les opinions de ses parents même si ces derniers ne les ont pas verbalisées. Parce qu’il a constaté que, par exemple, lorsque tel ou tel homme politique parle à la télévision, ses parents vont avoir telle réaction ou faire telle remarque.
Faut-il avoir réponse à toutes les questions ?
Non, c’est d’ailleurs très bien de dire « Je ne sais pas » et même de proposer de chercher la réponse avec son enfant. Chercher ensemble, c’est très formateur et cela peut avoir un côté ludique. L’enfant pose souvent des questions très décapantes, qui font que l’adulte est obligé de se dépouiller de ses codes et des termes qu’il utilise habituellement.
Faut-il emmener ses enfants au bureau de vote ou en manifestation ?
Aller voter avec ses enfants, pourquoi pas. Mais il faut d’abord que l’enfant soit d’accord. Il ne s’agit pas de le traîner au bureau de vote contre son gré. Il faut lui expliquer ce que c’est avant, sinon cela ne sert à rien.
Pour les manifestations, c’est pareil. S’il ne comprend même pas le but de la manifestation, lui coller dessus une pancarte dont il ne comprend pas le sens, c’est un peu de l’instrumentalisation et cela ne sert à rien. Après, l’emmener avec vous quand vous voulez aller manifester et que vous ne pouvez pas le faire garder, c’est normal. Mais il faut éviter de leur faire porter des messages qu’ils ne comprennent pas.
Les situations à l’école ou dans la vie quotidienne peuvent-elles être de bons prétextes pour parler de politique ?
Oui, bien sûr. L’enfant évolue dans un milieu qui est politique. La famille est un milieu où peut s’exercer un pouvoir et où les rapports peuvent être politiques. À l’école aussi, il y a l’autorité, des structures. Et des situations qui peuvent être comparées à des situations politiques : des injustices, du harcèlement, des bagarres, des leaders qui se révèlent dans la cour de récréation… Un enfant, comme un adulte, fait de la politique sans le savoir.
Dans la rue, chez un commerçant, il peut se produire des scènes où il y a du racisme, du sexisme, par exemple. C’est pas mal, soit de réagir si on en a la possibilité, soit d’expliquer ensuite ce qui s’est passé et d’expliquer ce qui ne va pas. Montrer l’exemple et en parler, c’est toujours formateur. Cela leur montre aussi qu’un enfant en tant qu’enfant peut réagir et intervenir pour améliorer les choses, s’il le souhaite.
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