« James Bond chez les Ch’tis » : les railleries de Ruffin au procès de ceux qui l’espionnaient
POLITIQUE – D’un côté, un ex-patron du renseignement qui se dédouane et minimise. De l’autre, un député et ancien journaliste qui dénonce la « disproportion » d’une « surveillance généralisée », avec des petites piques à dessein. François Ruffin et Bernard Squarcini se sont succédé, et opposés, vendredi 22 novembre à la barre, au tribunal de Paris.
Dans cette affaire, jugée depuis le 13 novembre, l’ancien chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI) Bernard Squarcini est notamment soupçonné (avec d’autres) d’avoir mis en place un système élaboré de surveillance de François Ruffin, alors journaliste, et des membres de l’équipe de son journal, Fakir, pour le compte du géant du luxe LVMH. Ceci, au moment du tournage du film Merci, patron ! (un documentaire sur les conséquences concrètes des pratiques de la première fortune de France), entre 2013 et 2016.
Selon les différents comptes rendus des journalistes présents à l’audience, François Ruffin, partie civile dans ce procès, s’est fait ironique, mordant, en détaillant la surveillance et les pièges tendus contre lui par LVMH, entre SMS de numéros inconnus, « trombinoscopes », informations sur sa vie privée.
Ruffin, les « joyeux drilles » surveillés
« Il y a un choix qui a été fait par moi et Fakir, c’est celui de la non-violence », a expliqué en introduction le député élu en 2017 : « La seule arme que j’ai jamais utilisée, c’est celle de mes mots, ceux des ouvriers, des salariés et l’humour ». Selon le dossier d’instruction, les prévenus parlaient de Fakir, journal fondé en 1999, comme d’une « farce », a-t-il relevé.
Selon François Ruffin, c’est à partir de l’assemblée générale de LVMH en avril 2013, où le petit groupe qu’il forme avec d’autres pour interpeller Bernard Arnault est mis à l’écart, qu’il sent un problème. Et puis, alors que l’équipe est en plein tournage de Merci Patron ! (un film sur couronné du César du meilleur documentaire), « ça devient James Bond chez les Ch’tis », a-t-il ironisé.
« Je m’interroge sur la mécanique qui fait qu’on passe des ’joyeux drilles’ à cette disproportion : trois agences d’intelligence économique, 2 millions d’euros (le coût total estimé de la surveillance), de l’infiltration, de l’atteinte à la vie privée… » a-t-il encore détaillé. Avant de lancer, selon le récit de Marianne : « les concernant, dans mot « intelligence », il y a un abus de langage. »
Le député (divers gauche) de la Somme a également profité de son passage à la barre pour égratigner Bernard Arnault, lequel sera entendu comme témoin jeudi prochain. Ce dossier est « la pièce la plus riante d’un puzzle beaucoup plus sombre », celui de la « récidive des actions de Bernard Arnault contre la presse », a ainsi affirmé François Ruffin, jugeant « scandaleux » son absence sur le banc des prévenus. LVMH a effectivement signé une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour sortir du dossier.
Squarcini comparaît pour 11 infractions
Face à François Ruffin, qui se voyait bien devenir le « Hanouna de gauche », selon ses mots, ironiques, après le succès de Merci Patron !, Bernard Squarcini s’est de son côté attaché à minimiser l’ampleur de la surveillance mise en place à l’époque. Malgré les questions répétées du tribunal, l’ancien patron du renseignement a par exemple maintenu, comme les autres prévenus, qu’il n’y avait pas d’« infiltré » chez Fakir. Ni un premier homme rapidement écarté par l’équipe du journal, ni une femme qui s’est ensuite présentée comme photographe et qui a transmis des informations, photos ou coordonnées, des membres de l’association.
Le volet « Ruffin » n’est qu’une partie de cette affaire à tiroir. L’ex-directeur central du renseignement intérieur comparaît jusqu’au 29 novembre pour 11 infractions allant du trafic d’influence passif au détournement de fonds publics, en passant par la compromission du secret de la défense nationale, le faux en écriture publique ou encore la complicité de violation du secret professionnel.
Celui qui est surnommé « le Squale » est soupçonné d’avoir mis à profit ses relations au sein du renseignement et de la police afin d’obtenir des informations pour le compte d’intérêts privés. Et donc en particulier pour le patron du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault.
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