Politique

JO, New York Times… le maire de Saint-Ouen refuse d’être « assigné à la banlieue »

POLITIQUE – Il se présente comme « un gamin de Saint-Ouen ». Sa ville de Seine-Saint-Denis, il l’aime, la chérit et en est le maire socialiste depuis quatre ans. Karim Bouamrane en fait même régulièrement la promotion dans les médias étrangers tous plus prestigieux les uns que les autres. Après en avoir parlé au Guardian (Royaume-Uni), à El País (Espagne), à Der Spiegel (Allemagne), il a récemment eu les honneurs du New York Times.

« Alors que les JO n’ont pas encore commencé, ce maire français a déjà tout gagné », pouvait-on lire en Une de l’édition internationale à la mi-avril. À la question de savoir comment on se retrouve dans l’un des plus grands quotidiens du monde, l’élu de 51 ans répond : « Nous avons une vision du concret pour Saint-Ouen et ça, ça plaît beaucoup aux États-Unis », un pays qui ne lui est pas étranger. Il y a vécu pendant plusieurs années dans son ancienne vie de directeur d’une entreprise de cybersécurité.

Tony Parker à Saint-Ouen

Par « concret » le maire fait notamment référence à l’accueil par la ville d’une partie du Village des athlètes des Jeux Olympiques et la conversion de la Grande Nef de l’Île-des-Vannes, actuel palais des sports en une nouvelle « Tony Parker Academy ». La légende du basket français a choisi la commune de Seine-Saint-Denis pour y installer son bébé, dont la naissance est prévue pour 2025.

À moins de 100 jours de la cérémonie d’ouverture et alors que les inquiétudes sécuritaires grandissent, le maire, père de trois enfants, se dit lui confiant. Il en est certain « cet évènement sera exceptionnel », un optimisme (de nature semble-t-il) qui tranche avec une forme d’« autoflagellation structurelle typiquement française ». Pour Saint-Ouen, les jeux agissent comme un « accélérateur de particulier » s’enthousiasme-t-il.

« L’abandon par la gauche de la sécurité est une faute politique »

Tout ça il l’a raconté en français, en anglais et même en portugais, à la journaliste du New York Times. Le polyglotte rencontre, en effet, un certain succès chez nos amis les Américains et plus près de chez nous en Europe. Pourtant, le socialiste et ancien élu communiste reste relativement peu connu et identifié à l’échelle nationale. « C’est l’histoire de ma vie » résume l’intéressé.

Le cadet d’une famille d’immigrés marocains, dont le père était analphabète à son arrivée en France, a forgé son identité autour d’une double casquette locale globale. Il est persuadé que l’on « change le national à partir du local » et veut « transformer la quotidienneté des Audoniens », qu’importe le « snobisme franco-français pour le local ».

Dès son installation à la tête de la municipalité de près de 50 000 habitants en 2020, Karim Bouamrane s’est fait une promesse : faire de Saint-Ouen, une ville S.A.F.E, sûre, apaisée, fraternelle et écologique. « L’abandon par la gauche de la sécurité est une faute politique », tance-t-il.

Les émeutes, « pas un problème de banlieue »

Quand les médias français s’intéressent à lui, c’est souvent pour commenter « l’actualité des banlieues », chose qu’il refuse de faire. Il ne veut pas être « assigné à résidence thématique, intellectuelle et réputationnelle ». « Je suis ni sociologue, ni politologue, ni toutologue » poursuit-il.

Quand il accepte en juillet 2023, quelques jours après les émeutes consécutives à la mort de Nahel, de livrer son analyse au magazine L’Express, il veut le faire en longueur. Et tient alors à faire passer un message : ce moment ne relève pas d’un « problème de banlieue » mais reflète un malaise global commun aux territoires éloignés des centres de décisions.

« Les coups les plus violents viennent d’une maman solo qui peine à boucler ses fins de mois, pas des politiques »

Des décisions, Karim Bouamrane a dû en prendre depuis son entrée en politique en 1995 en tant qu’élu au conseil municipal de Saint-Ouen. Refusant de « vivre uniquement de la politique » et soucieux de multiplier les expériences à l’étranger notamment pour « aérer et nourrir son mandat », il travaille en parallèle pour le secteur privé dans le domaine de la cybersécurité, « sa passion ». Et puis, il a fallu faire un choix. En 2020, il met un « stop à une carrière à son apogée » plus rémunératrice que le chemin qu’il a finalement emprunté ; une « question d’honnêteté » envers lui-même et ses électeurs, dit-il.

Est-ce à dire qu’il se voit un avenir politique ? Dans le portrait du New York Times, une petite phrase a attiré l’attention du HuffPost : « M. Bouamrane ne cache pas ses ambitions nationales », peut-on lire. Mais bien qu’il dise « détester la langue de bois », il s’y laisse aller quand on lui demande de préciser sa pensée. « En tant que responsable politique, oui nous avons un rôle à jouer, et si je dois être leader, je le serai, élude-t-il disant aussi ne pas craindre les rivalités politiques. Il faut les relativiser les coups en politique. Ils ne sont rien à côté de ce que subissent nos concitoyens. Les coups les plus violents viennent d’une maman solo qui peine à boucler ses fins de mois, pas des politiques ».

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