Politique

La France peut-elle encore empêcher l’application de l’accord UE-Mercosur ?

POLITIQUE – Une manche perdue, mais pas toute la bataille. Malgré l’opposition de la France maintes fois exprimée, la présidente de la Commission européenne a conclu, en Uruguay, à Montevideo, le traité le libre-échange négocié depuis plusieurs décennies entre le Vieux-Continent et plusieurs pays sud-américains, réunis au sein du Mercosur.

Pour Ursula von der Leyen, cet « accord bénéficiera aux deux » parties et « apportera des bénéfices significatifs aux consommateurs et aux entreprises ». « C’est le début d’une nouvelle histoire », s’est-elle réjouie vendredi 6 décembre, aux côtés notamment du dirigeant brésilien Lula ou de l’Argentin Javier Milei. Une étape importante qui suscite de nombreuses colères en Europe, où les agriculteurs notamment craignent une concurrence déloyale sur les étals.

En réponse, Paris confirme qu’Emmanuel Macron a bien l’intention de continuer à s’opposer au texte en l’état. « La Commission a achevé son travail de négociation avec le Mercosur, c’est sa responsabilité, mais l’accord n’est ni signé, ni ratifié », a souligné l’Élysée lors d’un échange avec des journalistes, dans la foulée de l’annonce faite à Montevideo, expliquant que « ce n’est donc pas la fin de l’histoire ». Mais que peut faire concrètement le président de la République ?

Minorité de blocage

La France est la cheffe de file des pays opposés ou sceptiques à l’égard de ce traité de libre-échange. En plus d’éventuels leviers de pression – comme la « politique de la chaise vide » que lui conseille par exemple le Rassemblement national –, Emmanuel Macron a encore sa carte à jouer. À condition qu’il trouve des alliés.

Effectivement, la Commission est seule négociatrice des accords commerciaux au nom des Vingt-sept, en vertu des traités européens. En revanche l’accord signé vendredi doit encore obtenir sa ratification en gagnant l’approbation d’au moins 15 États membres représentant 65 % de la population de l’UE, puis en réunissant une majorité au Parlement européen. S’il veut faire dérailler le train et stopper toute ratification, le chef de l’État français doit donc convaincre une « minorité de blocage. »

Pour torpiller le texte, cette coalition des réfractaires doit représenter quatre pays et 35 % de la population de l’Union européenne. C’est là que les choses peuvent se corser. À l’heure actuelle, nombreux dirigeants et pays européens sont favorables à l’accord, à l’image de l’Allemagne ou de l’Espagne. Ils se félicitent d’un projet qui va créer un vaste marché de plus de 700 millions de consommateurs en supprimant progressivement des droits de douane sur 90 % des biens échangés entre les pays du Mercosur et ceux de l’UE.

Enjeu politique majeur

Les dès sont donc déjà jetés ? Pas forcément. Face à ces partisans du traité, un front semble tant bien que mal se constituer. Après la France et le Premier ministre polonais Donald Tusk, l’Italie rejoint le club des pays rétifs, estimant que « les conditions ne sont pas réunies pour souscrire au texte actuel. » Si les trois s’engagent in fine à s’opposer à la ratification, il leur faudra encore convaincre un autre pays pour remplir les conditions de la « minorité de blocage. »

Le président de la République pourrait notamment regarder l’Autriche, les Pays-Bas ou l’Irlande qui ont déjà exprimé des réticences, sans toutefois franchir le pas d’une contestation farouche. S’il ne parvient pas à rallier ces voix nécessaires pour enrayer la machine, et que le Parlement européen valide à son tour le texte, il s’appliquera à la France. Qu’elle le veuille ou non. Pour Emmanuel Macron, président déjà très affaibli sur la scène nationale, l’enjeu est donc majeur.

Fait rare, il est soutenu dans son refus par l’ensemble de la classe politique (même si elle s’écharpe aujourd’hui au sujet de ses responsabilités dans la signature de l’accord) et par une grande partie de la population. Le Parlement a très largement rejeté le principe de cet accord de libre-échanges lors de votes avant tout symboliques, fin novembre. Et les sondages témoignent de la réticence des Français, bien plus prompts à soutenir les frondes des agricultures qui mettent la lutte contre cet accord de libre-échange au cœur de leur revendication. Un élément important pour les futures batailles.

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