Politique

La gêne du RN après l’assassinat raciste du Var

POLITIQUE – Le retour des vieux démons ? Au Rassemblement national, l’entreprise de dédiabolisation tant promue par Marine Le Pen est régulièrement mise à mal. Les dernières élections législatives ont montré que ce n’est pas qu’une affaire de « brebis galeuses » et que de nombreux sympathisants, militants voire cadres locaux restent imprégnés d’une culture extrémiste et violente.

L’assassinat raciste d’Hichem Miraoui le 31 mai à Puget-sur-Argens dans le Var, dont l’auteur présumé est un admirateur de Jean-Marie Le Pen et appelait à « voter » pour le RN, considérant que seuls Jordan Bardella et Marine Le Pen pouvaient sortir la France « de la merde », relance le débat sur le lien entre les idées promues au plus haut sommet de la formation d’extrême droite et la façon dont elles sont perçues à la base.

En d’autres termes, les discours sur « l’invasion migratoire » ou « la préférence nationale » prononcés à longueur de temps peuvent-ils amener certains individus fragiles à passer à l’acte ? Auprès du Monde, un élu RN reconnaissait il y a quelques mois que « quand des néonazis sont persuadés qu’il y a une place pour eux au RN, c’est que l’on n’a pas été assez clair ». Mais encore ? « Il va falloir envoyer des signaux, des messages beaucoup plus transparents auprès de la base adhérente », soufflait le même.

Silences et dilemme

Avant même que le lien ne soit établi entre ce meurtre et une adhésion du meurtrier présumé aux idées du RN, Jordan Bardella et Marine Le Pen ont pris les devants en dénonçant « un meurtre abject » et « un acte inqualifiable ». D’emblée, les deux n’ont eu aucun mal à en souligner les « motifs racistes ». Mais cela ne se fait pas sans heurts, puisque « sur Facebook, plusieurs partisans du RN le leur reprochent, prenant fait et cause pour le tueur », relève Le Monde, qui note aussi que « le reste des élus d’extrême droite est resté silencieux, chose rare compte tenu de la gravité des faits ».

En effet, peu de députés RN ont publiquement pris la parole sur le sujet. Julie Lechanteux, la députée lepéniste de la 5e circonscription du Var, dans laquelle se trouve la commune de Puget-sur-Argens, a tardé à réagir, ne publiant un communiqué que le 3 juin en fin de matinée, soit trois jours après les faits. Un délai inhabituellement long pour une famille politique d’ordinaire prompte à instrumentaliser les faits divers.

L’élue RN restitue cet assassinat dans un phénomène plus large « d’ensauvagement » et de « violences » dont la France serait, selon elle, le théâtre. Et déclare n’avoir pas entendu parler des idées exprimées par Christophe B. sur les réseaux sociaux.

« Il n’est pas dans nos adhérents et je ne l’ai jamais vu dans mon cercle. Il n’y a aucun lien et aucune cohérence idéologique, c’est juste quelqu’un d’isolé. On ne peut pas être rendu responsable des dingueries de certaines personnes qui adhèrent à nos idées avec extrémisme », confie-t-elle au Monde. Député RN du même département, Stéphane Rambaud ne s’est même pas exprimé sur ses réseaux sociaux après ce meurtre, qui a pourtant conduit le parquet national antiterroriste à se saisir. Admettre que le principal accusé adhérait aux idées du RN, et que c’est au nom de ces idées qu’il a agi, sans reconnaître une quelconque part de responsabilité au parti : voilà le dilemme auquel est confronté le Rassemblement national.

« Il trahit nos valeurs »

Invité de BFMTV ce 4 juin, le député Jean-Philippe Tanguy a lui aussi paru bien embêté pour réfuter les liens entre Christophe B. et le RN, même s’il condamne sans difficulté le crime commis. « Je pense que ce monsieur trahit nos couleurs nationales et les valeurs dont il prétend incarner la défense », a-t-il expliqué. Il faut condamner tous les crimes haineux, racistes, inspirés par la haine de l’autre. Ce sont les valeurs françaises ».

Le moment est désastreux pour le Rassemblement national, déjà englué dans une affaire de participation à un groupe Facebook au contenu homophobe, raciste et antisémite. Le 2 juin, le média en ligne Les Jours a révélé l’existence d’une page nommée « La France avec Jordan Bardella », qui regorge non seulement de propos condamnables mais aussi d’appels à prendre les armes contre les étrangers. Soit précisément ce qu’il s’est passé, dans le monde réel, à Puget-sur-Argens. Neuf députés RN étaient membres de ce cloaque numérique.