Politique

La loi Duplomb en partie censurée par le Conseil constitutionnel, « inacceptable » pour la FNSEA

LOI DUPLOMB – La FNSEA et la Coordination rurale se sont insurgées ce jeudi 7 août contre la décision du Conseil constitutionnel de censurer la réintroduction de l’acétamipride, pesticide interdit, prévue par la loi Duplomb, tandis que la Confédération paysanne a salué une « victoire d’étape ».

« C’est un choc, c’est inacceptable et incompréhensible », a déclaré jeudi à l’AFP Jérôme Despey, vice-président du puissant syndicat agricole, la FNSEA, alliée aux Jeunes agriculteurs. « C’est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions » du droit européen qui autorise l’acétamipride jusqu’en 2033 dans l’Union européenne, a-t-il ajouté.

Le texte adopté au Parlement prévoyait cette réintroduction « pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole », sans limite dans le temps ni de restriction sur les produits concernés, mais avec une clause de revoyure « à l’issue d’une période de trois ans ».

Les Sages ont estimé que « faute d’encadrement suffisant » sur la durée, le type ou la technique de traitement et sur les filières concernées, cette mesure était contraire à la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle et affirme notamment « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Un « abandon »

Pour Jérôme Despey, cette censure est due à un « manque de précisions » dans l’écriture de loi et il a appelé le président Emmanuel Macron et le Premier ministre François Bayrou à « trouver un cadre législatif » pour concrétiser leurs promesses aux agriculteurs.

Il a toutefois salué la validation des « allègements administratifs » pour construire des bâtiments d’élevage et des ouvrages de stockage de l’eau.

« Cette décision marque l’abandon pur et simple de certaines filières de l’agriculture française, alors même que notre dépendance aux importations s’accentue au détriment de nos exigences sociales et environnementales », a ajouté Arnaud Rousseau, président du syndicat, sur X, en référence entre autres aux betteraviers qui voulaient notamment combattre la jaunisse des plantes avec l’acétamipride.

« 400.000 agriculteurs face à 2 millions de pétitionnaires »

Les Jeunes Agriculteurs se disent « exaspérés car certains en ont profité pour relancer une énième guerre de tranchées visant à opposer agriculture et écologie dans un débat qui se radicalise », a complété leur président Pierrick Horel dans un communiqué.

La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, a vivement réagi dans un communiqué : « L’agriculture n’est rien pour eux (les juges du Conseil constitutionnel, ndlr) par rapport à l’environnement. Les 400.000 agriculteurs ne sont rien par rapport à 2 millions de pétitionnaires ».

« Peu importe pour eux si les standards sanitaires, sociaux et environnementaux des produits étrangers que nous consommerons demain sont largement inférieurs à ceux imposés à l’agriculture française », ajoute la Coordination rurale, appelant à « favoriser les produits français ».

Une « victoire d’étape » pour d’autres

À l’inverse, la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, qui prône une « réelle » transition agroécologique, militait avec de nombreux ONG et scientifiques contre le retour de ce pesticide qualifié de « tueur d’abeilles ».

Son porte-parole Stéphane Galais a salué auprès de l’AFP une « victoire d’étape », appelant à « continuer de mettre la pression pour obtenir une réorientation des politiques agricoles ».

« On espère que la mobilisation ne s’éteindra pas », a-t-il ajouté en référence au succès inédit d’une pétition qui a réuni plus de deux millions de signataires contre la loi Duplomb et la réintroduction de ce néonicotinoïde.

Cette décision « n’est qu’une victoire en demi-teinte (…) Les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible », a ajouté la Confédération paysanne dans un communiqué.

Entre « ingérence des juges » et « victoire pour l’écologie »

« En se comportant comme un législateur alors qu’il n’en détient pas la légitimité démocratique, le Conseil constitutionnel scie la branche sur laquelle il est assis », a estimé Marine Le Pen après la censure des « Sages » quant à la réintroduction de l’acétramipride.

Le chef de file des députés LR, Laurent Wauquiez, a quant à lui dénoncé « le niveau d’ingérence des juges constitutionnels » qui « devient un vrai problème pour notre démocratie ». « Difficile encore une fois de trouver normal que le Conseil constitutionnel décide à la place des élus d’interdire ce qui était autorisé il y a 5 ans », a-t-il écrit sur X.

C’est « une victoire pour l’écologie », « la santé » et « la démocratie », a de son côté salué le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure. « Il faudra tout de même retenir et prendre la mesure des actes de ce gouvernement » qui a « fait voter avec ferveur une loi qui niait la réalité scientifique, reculait sur l’environnement, bafouait le Parlement, réautorisait les pesticides tueurs d’abeilles, et sacrifiait à la fois la santé des agriculteurs, des consommateurs et la biodiversité », a ajouté le patron des socialistes, dénonçant notamment le fait qu’aucun réel débat n’ait pu se tenir dans l’hémicycle de l’Assemblée sur ce texte très contesté.