La loi sur le démarchage téléphonique va-t-elle vraiment nous apporter plus de tranquillité ?
ARNAQUE – Une avancée majeure ou un coup d’épée dans l’eau ? Le Parlement a adopté définitivement une proposition de loi censée mettre fin au démarchage téléphonique non consenti. Le texte, déjà voté à l’Assemblée nationale, était présenté ce mercredi 21 mai Sénat où sa validation n’a pas posé de problème. Les attentes des Français sur le sujet sont élevées : 97 % d’entre eux se déclaraient agacés par le démarchage commercial dans un sondage de l’UFC-Que Choisir effectué en octobre 2024.
Que ce soit pour « profiter des aides de l’État », « changer d’opérateur » ou pour « utiliser son compte personnel de formation », les offres et les appels intempestifs font partie du quotidien de beaucoup de personnes utilisant un fixe ou un mobile. En moyenne, un Français reçoit six appels de démarchage chaque semaine selon les statistiques officielles. À cet égard, la proposition de loi serait « une victoire historique », a salué la présidence de l’UFC-Que Choisir Marie-Amandine Stevenin.
Le texte voté au Sénat ce mercredi veut interdire aux entreprises de démarcher par téléphone « directement ou par l’intermédiaire d’un tiers agissant pour son compte » une personne « qui n’a pas exprimé préalablement son consentement » de manière « libre, spécifique, éclairée, univoque et révocable ». En clair : les entreprises devront désormais prouver que le consommateur a exprimé clairement son accord pour être démarché au téléphone.
« Les Français ne pourront plus être dérangés sans avoir donné en amont leur consentement », insiste auprès du Parisien le sénateur (DVD) Pierre-Jean Verzelen, à l’origine du texte, qui juge que la situation « sera bien plus lisible pour tout le monde ». La loi concerne tous les secteurs et ne prévoit qu’une seule exception : lorsque la sollicitation intervient « dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours ». Votre opérateur téléphonique aura par exemple le droit de vous contacter pour vous proposer un autre forfait plus avantageux.
Un démarchage pénible mais qui ne semble pas près de cesser
Si la mesure semble intéressante, il faudra patienter un peu pour la voir s’appliquer. La loi n’entrera en vigueur que le 11 août 2026, date de la fin du contrat de l’État avec Bloctel, un service public gratuit permettant de ne plus recevoir d’appel mais dont les résultats avaient été peu concluants. Le délai permettra aussi aux entreprises qui font appel au démarchage et aux acteurs de ce secteur de se préparer au changement de la réglementation. Ces derniers ne sont plus très nombreux à opérer depuis la France, qui n’a donc pas à craindre de pertes d’emplois massives. Mais une fois appliquée, permettra-t-elle vraiment de protéger la tranquillité des usagers ?
« Absolument pas », tranche Hélène Lebon, une spécialiste de la protection des données interrogée par franceinfo. « Les gens qui font ces démarchages se fichent que des textes de ce type existent », souligne-t-elle, rappelant que des « textes efficaces » existent déjà mais ne sont pas respectés. La loi dissuadera peut-être certaines entreprises, mais pas les arnaqueurs en tous genres qui inondent souvent nos téléphones. Les faux bons plans autour de la rénovation énergétique sont par exemple déjà interdits, ce qui ne les empêche pas de pulluler, rappelait BFMTV en janvier dernier.
Le texte prévoit de lourdes sanctions en cas de démarchage non consenti – amende jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires moyen annuel pour les entreprises, 500 000 euros d’amende pour une personne physique – mais il risque de ne pas viser les bons acteurs, juge par ailleurs Hélène Lebon. « Les entreprises achètent des fichiers de bonne foi, parfois plusieurs milliers d’euros, mais ne savent pas qu’elles achètent des données de gens qui ne veulent pas être démarchés », explique l’avocate à franceinfo.
La loi pourrait donc cibler « les entreprises finales » sans s’en prendre à ces intermédiaires qui récoltent et vendent des fichiers de données avec « parfois des problèmes de transparence », poursuit-elle. Les sanctions annoncées sont lourdes, mais pourraient ne servir « à rien » si elles ne concernent pas les vrais responsables.
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