Politique

La maire écolo de Strasbourg veut expérimenter la légalisation du cannabis dans sa ville

POLITIQUE – Une proposition qui a de quoi mettre Gérald Darmanin en pétard. Alors que l’Allemagne autorise à partir du 1er avril la consommation et la culture de cannabis, la maire écologiste de Strasbourg, Jeanne Barseghian, appelle à la mise en place d’une « expérimentation » locale pour sortir d’une approche française répressive aux résultats « peu probants ».

« Sur un bassin de vie commun, nous allons avoir deux réglementations différentes, presque diamétralement opposées, entre l’Allemagne, autorisant la consommation récréative de cannabis, et la France, présentant l’une des législations les plus répressives d’Europe », plaide la maire dans un entretien à l’AFP.

« Évidemment, ça interroge, et ça ne va pas manquer d’interroger la population », dit-elle, en insistant sur l’importance des « flux permanents » transitant entre les deux pays via Strasbourg, ville frontière dont le réseau de transports s’étend outre-Rhin et amène bien des usagers à s’y rendre quotidiennement.

« Le fait qu’un pays européen comme l’Allemagne, attaché à l’ordre public et à la santé publique, décide de faire évoluer sa législation montre bien qu’une politique purement répressive ne lui a pas semblé satisfaisante ni efficace », poursuit Jeanne Barseghian. « À mon avis, ça doit nourrir une réflexion » sur les choix politiques français en la matière.

« Approche prudente »

Elle cite les chiffres de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies selon lequel 47,3% des Français adultes disent avoir déjà consommé du cannabis, un chiffre plus élevé que dans n’importe quel autre pays de l’UE. La France compte 5 millions d’usagers de cannabis, selon l’Observatoire français des drogues.

« En tant que maire de grande ville, je suis confronté au quotidien à des interpellations d’habitants qui légitimement s’inquiètent de trafics qui perdurent et qui génèrent des sentiments d’insécurité, voire de la délinquance et une économie parallèle », témoigne l’élue. Alors, elle est très attentive à l’évolution de la législation allemande, et ses conséquences possibles de ce côté-ci de la frontière.

La nouvelle loi, votée fin février au Bundestag, autorise les personnes résidant en Allemagne depuis au moins six mois à cultiver chez elles jusqu’à trois plants pour leur usage propre, ou à se procurer jusqu’à 50 grammes de cannabis séché par mois auprès des nouveaux « Clubs de cannabis », associations à but non lucratif.

« Cela va rester très encadré, beaucoup moins permissif que ce qu’on peut observer aux Pays-Bas », anticipe Jeanne Barseghian. « Ces clubs ne seront pas des lieux de consommation, il n’y aura pas de coffee-shop », insiste-t-elle. Intéressée par cette « approche prudente », la mairie va « observer ce qui va se passer en Allemagne, ce que cette législation va générer en termes d’usages, de politique de sécurité, de baisse -ou pas- des trafics, de santé publique ».

Un voeu pieu ?

« Et il me semblerait intéressant d’ouvrir une expérimentation à une échelle locale transfrontalière, qui permettrait de tester à Strasbourg ce qui va être mis en œuvre côté allemand », soutient la maire.

Elle défend cette idée en mettant en avant « l’expérience » et le savoir-faire local en matière de prévention et d’accompagnement des usagers de drogues, Strasbourg et Paris étant les deux seules villes de France à disposer d’une salle de consommation à moindre risque.

« Cette salle n’est que la partie visible de l’iceberg, on a tout un écosystème d’associations, des médecins, d’élus qui prennent ce sujet non pas dans une logique répressive mais sanitaire : une personne en situation d’addiction, c’est un problème de santé publique, il faut pouvoir l’accompagner pour sortir de cette addiction ».

Néanmoins, la décision de mettre en place une telle expérimentation n’est pas du ressort des communes. Jeanne Barseghian espère trouver un soutien auprès des autorités nationales et compte s’appuyer sur le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 2019 entre la France et l’Allemagne et qui autorise des « dérogations » pour « la réalisation de projets transfrontaliers », notamment en matière « sanitaire ».

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