La Nouvelle-Calédonie, cet autre dossier brûlant percuté par la crise politique
POLITIQUE – Avec le budget 2026, c’est l’autre « sujet de préoccupation majeur » à régler dans les plus brefs délais, selon le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu : l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie où des élections sont programmées pour fin novembre. Élections dont l’organisation avait été, en mai 2024, à l’origine des émeutes meurtrières.
« À 18 000 km d’ici, nous avons une situation institutionnelle qui ne peut pas attendre », a déclaré Sébastien Lecornu lors de son intervention au 20h de France mercredi 8 octobre. Quelques heures plus tôt, c’est son ministre démissionnaire des Outre-mer Manuel Valls qui alertait, inquiet d’une dissolution de l’Assemblée nationale : « Pour traduire juridiquement l’accord de Bougival, il faut maintenant que le Parlement se saisisse d’une proposition de loi organique pour reporter les élections provinciales, et d’un projet de loi constitutionnelle », plaidait-il dans Le Figaro.
L’hypothèse d’une dissolution est désormais exclue, au moins dans l’immédiat. Mais l’urgence demeure en Nouvelle-Calédonie. Car les élections provinciales sont, pour l’heure, toujours programmées au 30 novembre 2025. Ce scrutin crucial permet de renouveler les assemblées des trois provinces de l’archipel, dont dépend ensuite la composition du gouvernement local. Lequel aura un rôle de taille à jouer dans des discussions déjà compliquées sur l’accord de Bougival et l’avenir institutionnel de l’archipel.
Un calendrier très contraint sur les prochaines élections
En vertu des accords de Nouméa, le corps électoral des élections provinciales est « gelé », avec un droit de vote réservé à certains habitants seulement, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants. C’est la tentative de dégel de ce corps, par le Parlement hexagonal et avec le soutien des non-indépendantistes, qui avait été à l’origine des émeutes du printemps 2024. L’accord de Bougival, signé en juillet 2025 (et rejeté depuis par le FLNKS) prévoyait leur report au plus tard fin juin 2026, afin de se laisser le temps d’aboutir à un compromis.
Sur le papier, ce report aurait dû se traduire par le dépôt d’une proposition de loi, examinée au Sénat à partir du 23 septembre puis à l’Assemblée en octobre, avant un passage par le Conseil constitutionnel et une promulgation impérativement avant le 2 novembre. Passé cette date, le Haut-Commissariat calédonien n’aura d’autre choix que de convoquer les électeurs pour le scrutin du 30. Sauf que la chute du gouvernement Bayrou, puis l’absence de gouvernement Lecornu pendant trois semaines et sa démission 14 heures après sa nomination ont bloqué toute reprise des travaux parlementaires, des textes budgétaires nationaux à la proposition de loi calédonienne.
« On peut imaginer que ça rebatte les cartes »
L’heure tourne. Et c’est sans compter le temps des discussions nécessaires pour parvenir à un consensus sur ce report auquel les indépendantistes sont opposés. Le 7 octobre, après que Sébastien Lecornu a fait de la Nouvelle-Calédonie un dossier prioritaire, le sénateur Robert Wienie Xowie et le député Emmanuel Tjibaou se sont fendus d’un communiqué transmis à Nouvelle-Calédonie 1re dans lequel ils estiment que « le caractère d’urgence attaché à la situation calédonienne ne saurait en aucun cas justifier un passage en force, ni le contournement du dialogue politique. »
« Le report du scrutin constitue un acte politique majeur, touchant directement à la légitimité démocratique du territoire. Une telle décision ne peut être prise que dans un cadre apaisé, légitimé par un consensus clair entre les partenaires politiques, et avec un gouvernement pleinement investi, disposant d’un mandat clair et d’une majorité effective », écrivent les parlementaires, pour qui, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel du 25 septembre validant le corps électoral actuel, rien ne s’oppose à la tenue du scrutin au 30 novembre prochain.
En arrière-plan, c’est l’avenir institutionnel de l’archipel qui se joue. Car si les indépendantistes continuent de rejeter l’accord de Bougival, ils se sont dits prêts, le 23 septembre, à relancer les négociations avec l’État pour aboutir à « l’accession du pays à la pleine souveraineté ». Or, comme l’explique, Pierre-Christophe Pantz, chercheur en géographie et géopolitique à l’Université de la Nouvelle-Calédonie à La 1re, les élections provinciales qui renouvellent le gouvernement local peuvent faire rentrer de nouvelles personnalités et camps politiques à la table des négociations. « Donc on peut imaginer que ça rebatte les cartes », explique le chercheur.
Emmanuel Macron s’est engagé à nommer un nouveau chef de gouvernement d’ici à vendredi soir. Mais alors que les spéculations vont bon train sur son identité et sa couleur (ou sa neutralité) politique, rien ne permet d’affirmer à ce stade qu’il réussira là où ses prédécesseurs ont échoué, c’est-à-dire rester en place assez longtemps pour faire passer les textes les plus urgents. En cas d’échec, le spectre de la dissolution n’est pas loin. Au risque « immense », selon Manuel Valls, que « la Nouvelle‑Calédonie replonge dans le chaos et la violence. »



