Politique

La semaine où Bruno Retailleau a perdu tout le capital qu’il avait construit en 15 mois

POLITIQUE – 18 mai 2025. Bruno Retailleau, triomphe avec 75 % voix et s’empare aisément de la présidence des Républicains. Il est alors ministre de l’Intérieur de François Bayrou, après avoir été celui de Michel Barnier. Il devait être celui de Sébastien Lecornu mais son propre message sur X est venu tout saborder quelques minutes seulement après sa reconduction le 5 octobre. Une semaine plus tard, le patron de la droite qui préfère une victoire de l’extrême droite à celle de la gauche est sur une pente très glissante.

Cela faisait 20 ans que Bruno Retailleau siégeait au Sénat. Certes, il occupait la fonction de président du groupe LR, le plus important de la chambre haute. Mais c’est son intégration au gouvernement de Michel Barnier qui a changé la donne. LR redevient un parti « de gouvernement ». En parallèle, le Vendéen profite du chaos laissé par Éric Ciotti pour briguer la présidence du parti et la chipe au nez et à la barbe de Laurent Wauquiez. Un avant-goût de 2027 ? Bruno Retailleau a « une légitimité forte » pour 2027 s’empresse de souligner l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, qui voit a minima dans l’ancien sénateur « un des artisans absolument déterminants de la reconstruction de la droite. »

Ça, c’était avant le 5 octobre. Bien qu’il s’en défende, Bruno Retailleau est tenu pour responsable de la démission surprise de Sébastien Lecornu. Il a beau brandir l’argument de la « confiance » rompue autour la nomination de Bruno Le Maire, l’opinion n’adhère pas. Dans le baromètre Ipsos BVA pour La Tribune Dimanche dévoilé ce dimanche 12 octobre, il dégringole dans le palmarès des potentiellement « présidentiables ». Mesuré à 27 % d’opinions favorables en septembre, il n’en compte plus que 20 % dans cette étude réalisée les 9 et 10 octobre, soit après la démission de Sébastien Lecornu.

La chute est valable pour tous les leaders de feu le socle commun. « Ces personnages ont tous donné aux Français le sentiment d’être dans des bisbilles personnelles, d’avoir ajouté au désordre national pour des enjeux de campagne présidentielle », analyse Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Mais c’est Bruno Retailleau qui tombe de plus haut.

Après Ciotti, l’unité de LR (re)vole en éclat

Sentiment partagé au sein même de LR. « Tu n’as pas été à la hauteur (…) On a donné une mauvaise image de nous. Désormais, il faut qu’on aille au gouvernement et qu’on pèse sur le budget » a cinglé lors d’une des nombreuses réunions de ces derniers jours Michèle Tabarot, députée LR dont la voix est entendue dans l’organigramme du parti. Elle fait partie des parlementaires LR à s’être « réjouit » publiquement du retour de Sébastien Lecornu à Matignon. Tout comme le porte-parole du groupe Vincent Jeanbrun (qui a accueilli le Premier ministre samedi dans sa ville de L’Hay-les-Roses) ou la ministre démissionnaire de l’Agriculture, Annie Genevard…

Les troupes sont divisées sur la conduite à adopter face au Premier ministre. Retournant sa veste en une semaine, Bruno Retailleau s’est positionné contre une participation. Avec le soutien de Valérie Pécresse, quelques figures LR et des sénateurs. C’est leur ligne qui a prévalu, validée par 74 des 91 membres en réunion samedi matin. Mais si le parti a souligné qu’elle avait été adoptée avec une « large majorité », cela n’a pas suffi à masquer la fronde naissante.

Les voix dissonantes viennent en majorité des élus de l’Assemblée nationale, qui plaident très largement pour un soutien avec participation, quitte à accepter quelques concessions faites à la gauche. Car si Sébastien Lecornu ne parvient à sortir de la crise politique, Emmanuel Macron s’est dit prêt à « prendre ses responsabilités ». Lesquelles incluent une possible dissolution, où les députés seraient en première ligne. Lors du bureau politique convoqué samedi, la discussion s’est envenimée, les élus de la chambre basse étant très remontés contre une décision jugée trop verticale et déconnectée des réalités du terrain. « C’était un bureau tendu dans la mesure où deux lignes se sont affrontées », résume sur Public Sénat Max Brisson, porte-parole des sénateurs LR.

Wauquiez, vainqueur de la séquence ?

Quinze mois après le départ mémorable d’Éric Ciotti, voilà les Républicains à nouveau déchirés. Et cette fois, c’est Bruno Retailleau qui apparaît comme responsable. « J’ai participé hier à un bureau politique où j’ai vu physiquement des oppositions très fortes, entre – rebelote – la tendance Laurent Wauquiez contre la tendance Bruno Retailleau. C’est tout ce qu’on redoute dans un moment comme celui-là, où les Républicains commençaient à redonner un espoir », a déploré le maire de Meaux et LR historique Jean-François Copé, invité du Grand Jury sur RTL-M6-Le Figaro-Public Sénat ce dimanche.

Conscient du péril pour son parti comme pour sa personne, car il n’est jamais bon d’être celui qui divise, Laurent Wauquiez tente d’endosser le rôle du pacificateur. « N’alimentons pas le récit sur la division, contrairement à d’autres » aurait-il demandé à ses députés lors d’une énième réunion samedi soir, réservée aux élus du Palais Bourbon. Et bien qu’il soit, à titre personnel, contre une participation au gouvernement, il se garde bien d’imposer sa vision à ces troupes. « À partir de mardi, les choses se décident à l’Assemblée nationale et nulle part ailleurs. Notre responsabilité à nous, les députés [LR], va être de donner un budget à la France », leur a-t-il exposé, rapporte Le Monde.

De son côté, Bruno Retailleau s’en remet aux adhérents. Le président du parti s’est fendu d’un email samedi soir dans lequel il explique pourquoi, après avoir lui-même été nommé dans deux gouvernements macronistes, il interdit désormais à ses troupes d’en faire partie. Un vote des adhérents est en cours d’organisation pour qu’ils puissent donner leur avis sur le soutien sans participation acté par la direction. Une tentative de relégitimation, qui ne garantit pas la paix interne et la remontada dans l’opinion.