Politique

La surenchère identitaire d’Attal crée le malaise en Macronie et l’isole des poids lourds

POLITIQUE – Virage assuré ou dérapage incontrôlé ? Gabriel Attal n’en finit plus de susciter les critiques et les crispations dans son propre camp depuis qu’il pousse les feux et engage son parti Renaissance dans une surenchère sécuritaire et identitaire mal vécue.

Ce mercredi 28 mai, c’est Yaël Braun-Pivet qui a mis les propos de l’ancien Premier ministre à distance, en expliquant ne pas partager sa vision sur le bilan du macronisme en matière régalienne. « Le compte n’y est pas », avait indiqué le député des Hauts-de-Seine, lundi, en présentant ses propositions à la presse, censées pallier le manque de travail selon lui de sa formation sur ces sujets ces dernières années.

« Ce n’est pas vrai. Le bilan est extrêmement positif », lui répond donc la présidente de l’Assemblée nationale deux jours plus tard, sur France 2, en défense du projet d’Emmanuel Macron depuis 2017 et d’une stratégie « nuancée, modérée, qui essaie de rassembler. » Une banderille qui s’ajoute à de nombreuses autres depuis une semaine.

Attal recadré par Macron, isolé dans son camp

Au sein de son propre camp, tout d’abord, la pluie de critiques est particulièrement nourrie et vise notamment la proposition d’interdire le voile pour les moins de 15 ans, symbole de cette embardée printanière. Avant Yaël Braun-Pivet, nombreux députés Renaissance, toutes tendances confondues, ont signifié leur scepticisme, ou effarement, en public. On peut citer par exemple Karl Olive, « qui ne voit pas le sens d’une telle mesure » ou Ludovic Mendes qui parle de « sévère droitisation » dans Le Parisien.

Plus significatif, encore, plusieurs figures majeures du parti se sont jointes au mouvement. Sa prédécesseure à Matignon et actuelle ministre de l’Éducation Élisabeth Borne a par exemple exprimé « ses plus grands doutes » sur la faisabilité d’une telle mesure, dimanche sur BFMTV, en insistant sur ses réserves tant sur la forme que sur le fond. Rude, de la part de celle qui occupe aussi la fonction de présidente du conseil national de Renaissance, soit numéro 2. Mais pas aussi éprouvant, sans doute, que le double recadrage d’Emmanuel Macron.

Le président de la République a effectivement dénoncé des propositions peu sérieuses, lors d’un conseil de défense à huis clos mercredi dernier, (une critique qui visait aussi Gabriel Attal), avant d’enfoncer le clou lundi depuis le Vietnam. « Est-ce que ça répond à la question du séparatisme ou de l’entrisme ? La réponse est non. Donc je pense qu’il faut avancer avec méthode. Si on amalgame tous les débats, on crée de la confusion chez nos compatriotes », a-t-il ainsi soufflé, devant la presse qui l’interrogeait sur la proposition de celui qui a pris la tête du parti qu’il a fondé en 2016. N’en jetez plus ?

Recadré par le président de la République et le Première ministre François Bayrou, lâché par une partie de ses troupes, l’ancien chef du gouvernement se retrouve même isolé au sein du socle commun. Tous les principaux alliés de Renaissance, ont effectivement dénoncé sa récente proposition spectaculaire, avec plus ou moins de virulence.

Attal et la course déjà effrénée vers 2027

Pour Marc Fesneau, le chef du député MoDem, par exemple, ce virage est une « trahison » idéologique du macronisme. Rien de moins. Pour Édouard Philippe, prédécesseur lointain de Gabriel Attal et président du parti Horizons, la mesure sur le voile est une idée « simpliste », en plus d’être difficilement réalisable.

« Je ne confonds jamais la lucidité avec le simplisme. Je ne crois pas que la fermeté se démontre par des postures et des surenchères permanentes sur les chaînes info. Commençons déjà par appliquer la loi sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public », souligne le candidat déclaré à la présidentielle, et tenant plutôt de la ligne droite au sein de la macronie élargie. « Je suis très ferme aussi sur l’idée qu’il serait dangereux pour notre communauté nationale de créer un droit spécifique pour une religion », martèle-t-il ce mercredi dans le Point, sans citer Gabriel Attal. Pas besoin.

En résumé, seuls les proches de l’ancien hôte de Matignon, et l’aile la plus à droite de Renaissance (Charles Rodwell, Maud Bregeon, Mathieu Lefèvre…) se bousculent pour défendre les récentes propositions du chef, évoquant un « enjeu de protection de l’enfance » et une « ligne clarifiée. » En off, certains au sein du parti présidentiel ne se privent pas pour dénoncer en ce sens l’influence des « droitards » qui, en coulisses, « ont fait dériver Attal de plus en plus à droite jusqu’à sa proposition antirépublicaine. »

Une dérive qui répond sans doute aussi à une certaine logique électorale. À moins de deux ans de la campagne présidentielle, les sondages montrent une appétence des Français pour les enjeux de sécurité, tandis que Bruno Retailleau s’impose comme le nouvel homme fort de la droite, quand Gabriel Attal, privé de visibilité ministérielle, court le risque de se faire reléguer dans les sondages. Ainsi, son choix d’investir ces enjeux, à grands coups de propositions chocs, ne peut être le fruit du hasard. Il peut, en revanche, s’avérer désastreux dans un parti divisé depuis sa création sur ces thèmes précis.