Politique

La victoire de Zohran Mamdani à New York ne règle pas les divisions de la gauche française

POLITIQUE – New York a donc un nouveau maire. Musulman et socialiste revendiqué, âgé de 34 ans, Zohran Mamdani dirige désormais la plus grande ville des États-Unis. Membre de l’aile gauche du Parti démocrate, il a plaidé tout au long de sa campagne pour un gel des loyers, la gratuité des bus et la création d’un système de garde d’enfants universel, en mettant l’accent sur la vie quotidienne.

Forcément, cette victoire suscite l’admiration de la gauche du monde entier. En France, de nombreux responsables progressistes ont salué l’élection du plus jeune maire de l’histoire de New York. « Le rêve américain est finalement toujours vivant », s’est réjoui la patronne des Écologistes Marine Tondelier, quand Fabien Roussel a applaudi « une victoire pleine d’espoir ». Mais ce qui frappe au-delà de ces messages de félicitations, c’est la façon dont chacun tire des leçons différentes du scrutin.

Ainsi, pour Manuel Bompard (La France insoumise), « l’énorme victoire » de Zohran Mamdani est la preuve que « seule une ligne de rupture peut mobiliser largement le peuple pour transformer la société ». Le nouveau maire de New York promet en effet de s’attaquer aux milliardaires, déclarant « qu’ils ne devraient pas exister », et se revendique socialiste, une anomalie outre-Atlantique. La vice-présidente LFI de l’Assemblée Clémence Guetté liste « les nombreuses leçons » qu’elle tire de sa victoire. Zohran Mamdani a permis, selon elle, de « tourner la page de la vieille gauche dégoûtante », n’a « pas changé de cap face aux flots d’insultes et de mensonges du système médiatique » et a maintenu « la radicalité de ses propositions ». Soit exactement le positionnement revendiqué par La France insoumise.

Certains sont encore plus transparents dans leur réaction, et dressent un parallèle entre l’élection municipale de New York et celles à venir, en France, en mars. Candidat PS dans la capitale, Emmanuel Grégoire appelle à « s’inspirer de l’élan » de la victoire de Zohran Mamdani « pour ouvrir la voie d’une victoire de la gauche à Paris en 2026 face à aux droites extrêmes et réactionnaires ». Le candidat écologiste David Belliard compte lui aussi « montrer que les villes sont le rempart face aux réactionnaires ». Quant à Ian Brossat (PCF), il estime que « face aux logiques marchandes qui rendent nos villes inabordables », le nouveau maire de New York « a fait des propositions fortes et claires ». Toute comparaison avec la France n’est donc pas fortuite.

« La primaire crée de la dynamique », juge Autain

Néanmoins, certains parallèles dressés de ce côté-ci de l’Atlantique paraissent plus audacieux. Ainsi les partisans d’une primaire de la gauche en vue de l’élection présidentielle de 2027 ont-ils vu dans la victoire de Zohran Mamdani la confirmation qu’il fallait en passer par ce processus. Alors même qu’une élection municipale dans une ville comme New York, à l’électorat jeune et urbain, n’est pas comparable à une présidentielle organisée en France. Mais qu’importe.

Pour l’ancienne députée Raquel Garrido, c’est le signe « qu’une primaire avec le bon mode de scrutin permet de fédérer pour mobiliser ». « Sa candidature est issue d’une primaire unitaire et intelligente. À méditer », a ajouté le député ex-LFI Alexis Corbière, lui aussi défenseur de ce processus. « La primaire crée de la dynamique populaire », a enfin écrit Clémentine Autain sur son blog, jugeant que « la méthode de désignation de Zohran Mamdani parmi huit candidats est instructive. C’est un processus démocratique qui a permis d’opter pour un partisan d’une gauche franche ». « Comment a-t-il renversé la table ? Par une primaire », a enchaîné François Ruffin.

Manière de rappeler que la primaire, qui ne fait pas consensus à gauche, peut permettre de désigner un candidat victorieux. En fait, chacun voit ce qui l’arrange dans cette élection. Ce qui donne lieu à des oppositions et des déclarations hostiles à l’intérieur même de la gauche. « Si vous soutenez Zohran Mamdani à New York, vous devez soutenir La France insoumise à Paris », a déclaré la candidate à l’Hôtel de Ville Sophia Chikirou, en réponse au socialiste Emmanuel Grégoire.

Elle poursuit : « Ce qui fait la victoire de Zohran, c’est son programme et ses positions : s’attaquer aux riches, à la spéculation, rendre gratuits les transports publics, soutenir la Palestine, porter la voix des travailleurs contre la gentrification ». Et Sophia Chikirou de conclure : « C’est le contraire de ce que vous faites depuis des années. Vous voulez ce programme à Paris : votez pour La France insoumise ! ». Un insoumis pur sucre le maire de New York ? Qui imagine un cadre LFI formuler des excuses comme l’a fait Zohran Mamdani après de sévères critiques formulées contre la police ? C’est ce qu’il a fait sur Fox News il y a quelques jours.

Reste que, pertinente ou non, la récupération semble être un impératif en amont des échéances à venir. La députée LFI Gabrielle Cathala n’a pas non plus apprécié que le Parti socialiste, Olivier Faure en tête, se réjouisse de l’événement de la nuit. « Très drôle tous ces cadres du PS qui se réveillent pour féliciter Zohran Mamdani, a-t-elle tweeté. Lui qui porte une ligne antiraciste claire, qui dénonce depuis des mois le génocide à Gaza, et qui a défendu tous les militants pro-Palestiniens arrêtés. Soit tout ce que le PS n’a jamais fait ».

Depuis le Parlement européen, Rima Hassan s’est montrée tout aussi incisive : « Il y a des gens à gauche qui se félicitent de la victoire de Mamdani alors qu’ils ne sont ni dans la lutte des classes ni dans la lutte antiraciste ». Sans jamais nommer personne. Quant à la primaire, Nadège Abomangoli rappelle que « l’adversaire démocrate » de Zohran Mamdani, Andrew Cuomo, « n’en n’a pas respecté le résultat » en partant à l’élection malgré sa défaite. « Même avec des parallèles indigents pour parler de soi, la primaire ça reste pourri », conclut-elle.

Et si tout le monde avait à la fois raison et à la fois tort ? Parce que rien ne dit que ce qui a marché aux États-Unis fonctionne de la même façon en France. Le travail ou la culture des partis, ainsi que leur façon de faire campagne sont totalement différents. En outre, il est possible de lire une élection de mille manières, en utilisant le point de vue qui arrange le plus ses propres intérêts. L’élection de Zohran Mamdani permet en tout cas à la gauche de se rassurer en se disant que les victoires sont possibles, ici ou ailleurs. Reste à savoir comment.