L’atout Macron s’est-il transformé en boulet pour Hayer dans la campagne européenne ?
POLITIQUE – L’autre débarquement. Après s’être montré par petites touches dans la campagne de Valérie Hayer, Emmanuel Macron entend bien déployer de nouveaux efforts dans cette dernière ligne droite en saturant l’espace médiatique jusqu’aux élections européennes, le 9 juin.
Son agenda ces derniers jours est éloquent. Après avoir tenté une opération séduction auprès de la jeunesse, avec une interview au média en ligne Le Crayon et une vidéo promotionnelle pour le pass-rail, le président de la République multiplie les discours et rendez-vous diplomatiques à l’occasion du 80e anniversaire du débarquement.
Quelques heures après avoir reçu en grande pompe Joe Biden, Charles III ou Volodymyr Zelensky sur les plages normandes ce jeudi 6 juin, le chef de l’État s’invite donc dans les journaux télévisés, sur quatre chaînes différentes (TF1, France 2, franceinfo et LCI). Une force de frappe incomparable pour promouvoir les idées de sa candidate Valérie Hayer. Mais pour quel résultat ?
Le président sauveur ?
À n’en pas douter, le chef de l’État se voit comme le premier atout de son camp dans une campagne atone, marquée notamment par les sondages d’intentions de vote difficiles. Lui, le chantre de l’Europe qui présente ce rendez-vous comme « existentiel » depuis plusieurs mois. Il ne s’est d’ailleurs pas privé de le dire à ses proches à l’Élysée, selon des fuites – opportunes – dans la presse.
« Je suis obligé de tout faire », a-t-il par exemple soufflé à un de ses interlocuteurs selon Le Parisien début juin. La suite logique en réalité du « il est persuadé qu’il va changer la donne », lâché par l’un de ses confidents au même quotidien deux mois plus tôt, fin avril.
En Macronie, le discours officiel est simple : le président de la République est la meilleure arme face au Rassemblement national, étant donné qu’il a déjà battu Marine Le Pen à deux reprises à la présidentielle. « Avec Attal, il est l’atout numéro un », confie au HuffPost un cadre de la campagne Renaissance – MoDem – Horizons, pour qui « de toute façon, le résultat le 9 juin sera forcément lié à la popularité » de l’exécutif.
Dans les médias, la principale concernée ne dit pas autre chose. Valérie Hayer assure être « fière » de voir le chef de l’État s’engager à ces côtés. « Qui ne voudrait pas faire campagne avec le président de la République dont l’engagement européen est connu et identifié par les Français ? », expliquait-elle début mai, alors que l’hypothèse d’un meeting commun avec Emmanuel Macron a longtemps agité les coulisses dans le camp présidentiel.
Circulez ? Pas tout à fait. Car derrière ce discours laudatif à l’égard d’Emmanuel Macron, force est de constater que son implication est restée sans aucun effet dans la campagne de Valérie Hayer et dans les intentions de vote qu’elle rassemble. Sa liste est même passée de 19 – 20 % d’intentions de vote en début d’année à 15-16 % à cinq jours du scrutin.
Aucun « effet Macron »
La Sorbonne est un cas d’école de ces coups d’épée dans l’eau. Mi-avril, le président de la République a fait le choix de prononcer un discours fleuve (presque deux heures) sur l’Union européenne pour présenter – selon les dires de ses conseillers – les priorités de la France pour les prochaines années, loin des enjeux électoraux.
Résultat de l’opération : une polémique sur le rôle du chef de l’État et son engagement dans la campagne, un temps de parole en grande partie décompté de celui de Valérie Hayer et l’impossibilité pour la candidate de bénéficier d’un effet de surprise pour la présentation de son programme. En prime, pas le moindre frétillement dans les sondages.
Depuis, Emmanuel Macron s’est démultiplié dans les médias, il a proposé un débat à Marine Le Pen, et a effectué une visite d’État en Allemagne, la semaine dernière, aux allures de tournée de campagne. « Réveillons-nous ! », a-t-il alors martelé, dans l’espoir de mobiliser les électeurs face à « la fascination pour les régimes autoritaires ». Encore une fois, sans grande retombée dans le débat français.
Il faut dire que le locataire de l’Élysée, réélu en 2022, souffre d’une certaine usure du pouvoir. « Ce qui nous frappe sur la dernière année, c’est que la parole politique du président de la République ne produit plus les mêmes effets », décrypte auprès de l’AFP le sondeur Bernard Sananès pour qui, « après sept ans au pouvoir, il y a une forme de lassitude, sa parole imprime moins. »
Autrement dit, il ne fait « aucun doute qu’il surestime sa capacité de nuisance » face au Rassemblement national, selon l’analyse livrée au HuffPost par l’essayiste et expert à la fondation Jean Jaurès Mathieu Souquière, en même temps qu’il sous-estime son impopularité. Pire, ses différentes sorties ou embardées dans la campagne – ajoutées à celles de Gabriel Attal – ont forcé Valérie Hayer à jouer sur la défensive et à réagir à chacune des péripéties de campagne. Plus proche de la dynamite que de la dynamique.
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