Politique

Le budget 2025, à l’épreuve de la méthode Bayrou

POLITIQUE – Depuis son arrivée à Matignon, François Bayrou le martèle, la question du déficit public est « vitale ». Il l’abordait « dès 2007 », « seul » sur ce créneau à l’époque, répète-t-il à l’envi. En ce début d’année 2025, et alors que la France fonctionne grâce à une loi spéciale qui ne peut être que temporaire, le dossier se retrouve au sommet de la pile sur son bureau… et le gouvernement veut prendre le temps.

Dix jours après l’annonce du gouvernement, l’équipe Bayrou s’est réunie au complet ce vendredi 3 janvier pour son premier Conseil des ministres. L’ordre du jour allégé du fait du report de la présentation de la loi spéciale Mayotte n’a pas pour autant permis de discuter du sujet qui fâche : le projet de loi finances 2025 et son pendant pour la Sécurité sociale. À la sortie du Conseil, la porte-parole Sophie Primas a refusé de s’avancer sur le contenu des textes. « Nous ne perdons pas de vue l’objectif de Michel Barnier de réduire la dette de la France », a-t-elle seulement déclaré.

Quid d’un nouvel objectif chiffré ? La nouvelle équipe reprendra-t-elle la ligne Barnier, qui visait 60 milliards d’économies et des augmentations d’impôts ? François Bayrou a seulement fait savoir qu’il repartirait de « la copie qui a été votée » au Parlement avant la censure afin d’accélérer l’examen en vue d’une adoption définitive espérée pour « la mi-février ». Pour les modifications attendues, le chef du gouvernement est resté volontairement flou.

Le « dialogue » comme « colonne vertébrale »

Ni Sophie Primas ni le ministre de l’Économie Éric Lombard ni même François Bayrou lui-même ne prennent le risque d’entrer dans les détails. Le 23 décembre sur BFMTV, le chef du gouvernement rappelle la nécessité d’une fiscalité juste mais ne dit pas s’il est favorable ou non au retour de l’ISF. Il ne confirme pas davantage la piste d’une contribution supplémentaire des ménages les plus aisés.

Dans une interview à La Tribune Dimanche le 28 décembre, Éric Lombard se contente lui d’esquisser « un cadre », à savoir que « la diminution des déficits doit passer davantage par des réductions de dépenses publiques que par la fiscalité pour protéger la croissance ». Et il évoque un chiffre « un peu au-dessus de 5 % » sans plus de précision. Cinq jours et un Conseil des ministres plus tard, sa collègue du porte-parolat n’en dit pas plus.

Pourquoi tant de précautions ? Parce qu’il s’agit avant tout de ne pas braquer les partis d’opposition, susceptibles de (re)voter la censure, en leur imposant une ligne. « La culture du dialogue et la concorde sont devenues la colonne vertébrale de ce gouvernement », vante Sophie Primas à l’issue du Conseil des ministres. Dans cet esprit, des invitations ont été lancées par Bercy dès le 29 décembre aux « partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat » ainsi qu’aux groupes parlementaires pour « partager le cadre de discussion budgétaire ainsi que les propositions et recommandations émises par les différentes sensibilités politiques ». Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a indiqué ce 3 janvier qu’elle fera de même pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

« Tous les élus sont légitimes » et seront reçus, prend soin de préciser le ministre de l’Économie, alors que l’exclusion du RN des discussions par son prédécesseur Antoine Armand avait provoqué la colère du parti d’extrême droite. Toujours pour ne pas froisser les représentants de tous bords, l’ordre de passage dépendra de « leurs disponibilités », « la configuration (des échanges) sera celle qu’ils souhaitent » et la porte reste ouverte « jusqu’au 14 janvier », date de la déclaration de politique générale du Premier ministre, « et également ensuite ».

Dialoguer pourquoi pas, mais pour quels résultats ?

Ces mains tendues permettront-elles à François Bayrou de réussir là où Michel Barnier a échoué ? Au sein du gouvernement, les équipes assurent que les conclusions des échanges seront présentées au Premier ministre « pour qu’(elles) se traduisent en propositions du gouvernement » et que « le déficit sera le résultat des concertations et du chemin qui sera trouvé ». L’intention peut être louable, mais sa concrétisation sera scrutée de très près par chacun. Par le Rassemblement national qui, en dépit de sa bienveillance de départ pour Bayrou, maintient ses « lignes rouges ». Par Les Républicains qui « ne s’interdisent pas de retirer » leur soutien « si le cap de redressement du pays » ne leur convenait pas. Par la gauche et en particulier le PS, de plus en plus dubitatif sur les premiers pas du gouvernement.

« Dialoguer c’est faire valoir son point de vue. C’est accepter qu’une partie de ses revendications soit prise et que l’autre ne soit pas prise. Ce n’est pas tout ou rien », a lancé Sophie Primas à la sortie du Conseil des ministres, appelant à la « responsabilité » de chacun. Une mise en garde qui rappelle celle de Michel Barnier… et ne présage pas forcément une issue plus favorable à son successeur. Comme le Béarnais, le Savoyard avait lui aussi reçu les partis et essayé de trouver un compromis sur son projet de budget. Avec le succès que l’on sait.

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