Le budget de la Sécu revient à l’Assemblée, une journée de l’enfer pour Michel Barnier
POLITIQUE – Il est de retour… pour jouer à Michel Barnier un mauvais tour ? Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 revient ce lundi 2 décembre à l’Assemblée nationale, après son passage en commission mixte paritaire (CMP). Et avant même le très épineux budget de l’État 2025, l’examen de ce premier texte de financement pourrait coûter son poste au Premier ministre.
Fin novembre, les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire se sont entendus sur un texte de compromis pour le budget de la Sécurité sociale. Conséquence : la navette parlementaire reprend à partir de ce lundi et jusqu’au 5 décembre au plus tard pour respecter les délais parlementaires fixés par la loi.
Privé de majorité à l’Assemblée, Michel Barnier pourrait choisir d’actionner l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’approbation d’un texte sans vote. Mais ce choix l’exposerait à une motion de censure déposée par le NFP et que le RN menace de voter. À moins que le Premier ministre se plie à d’ultimes concessions.
« La responsabilité (de la censure) appartient au Premier ministre »
Traditionnellement, c’est le texte issu de la CMP qui doit être présenté à l’Assemblée nationale lundi à partir de 15 heures. Mais les traditions ne sont pas immuables. Dans les faits, le gouvernement peut encore modifier son texte jusqu’au dernier moment pour satisfaire aux exigences des oppositions.
Lesquelles ont donc mis la pression sur le Premier ministre dans les 24 dernières heures avant le retour dans l’hémicycle. « Nous allons donner la possibilité au Premier ministre, jusqu’au denier moment, de se saisir » de nos propositions, a déclaré le député RN du Loiret Thomas Ménagé sur France 3 dimanche 1er décembre. Quelles propositions ? Marine Le Pen détaille : « quitus sur la désindexation des pensions ou sur le non-déremboursement des médicaments », réclame-t-elle dans La Tribune Dimanche, tout en déplorant que le renoncement de l’augmentation de la taxe sur l’électricité, le premier geste de Michel Barnier envers le RN, se fasse selon elle « en contrepartie » d’une augmentation sur le gaz – dans les faits, ce n’est pas encore acté. Pour autant, elle l’assure, « la censure n’est pas inéluctable », à condition que Michel Barnier « accepte de négocier ».
La balle est donc dans le camp du Premier ministre, fait-on valoir au RN… et au Parti socialiste. Car, invité du Grand Jury sur RTL/M6/Public Sénat le 1er décembre, le chef des socialistes Olivier Faure souligne lui aussi que « la responsabilité (de la censure) appartient au Premier ministre lui-même ». Le même jour, le Premier secrétaire et les chefs de file parlementaires Boris Vallaud et Patrick Kanner ont écrit à Michel Barnier pour déplorer les concessions faites à l’extrême droite alors « que rien » dans les propositions des socialistes « n’a été sérieusement discuté avec vous ». Les Roses réclament entre autres l’augmentation du budget pour l’hôpital public et les Ehpad, la suppression du déremboursement des consultations ou encore la hausse du taux de la contribution solidarité autonomie. « Si le Premier ministre entendait ce que nous lui disons, bien sûr que nous renoncerions à la censure », déclare Olivier Faure.
Le coût des concessions
Alors que malgré des gains le RN continue à menacer d’une censure, Michel Barnier voudra-t-il entendre l’appel des socialistes ? Sans les voix du PS, la motion de censure ne serait pas adoptée et les macronistes qui multiplient les flèches en direction des socialistes l’ont bien compris.
Mais le chef du gouvernement doit tenir compte d’au moins un autre enjeu crucial : le coût des concessions faites à l’un ou l’autre des groupes. Selon le ministre du Budget Laurent Saint-Martin, la facture de ces derniers jours s’élève déjà à « un peu moins de 10 milliards d’euros. » Pas anecdotique, quand on sait que le gouvernement s’est fixé pour objectif 40 milliards d’économie.
S’y ajoute un deuxième écueil possible, sur la liberté du Premier ministre à apporter des modifications à un texte – celui de la CMP – construit par des parlementaires. Rien dans la loi ne l’empêche, mais… « Ce texte n’est plus celui du gouvernement mais le fruit d’un compromis parlementaire entre députés et sénateurs (…) Revenir dessus serait s’asseoir sur le Parlement, la démocratie et la délibération dont nous respectons le compromis », fait valoir le ministre Saint-Martin dans Le Parisien lorsqu’il est interrogé sur d’éventuels bougés de dernière minute.
49.3 pour aujourd’hui ou pour demain ?
Dans la soirée de dimanche, Marine Le Pen a déclaré avoir « pris acte » du fait que « le gouvernement a exprimé son souhait de ne pas modifier le PLFSS ». « Il y a des chances qu’on tire les conséquences de ce comportement extrêmement fermé et sectaire », a-t-elle indiqué à l’AFP sans se prononcer plus clairement sur le vote de la censure. En réaction, l’entourage du Premier ministre a fait savoir qu’il restait « ouvert au dialogue ».
Mais l’étau qui se resserre d’heure en heure pourrait pousser Michel Barnier à activer le 49.3 dès le début de la discussion à l’Assemblée. Si cette hypothèse – la plus probable – se confirme, la motion de censure déposée par le NFP dans la foulée sera examinée dans la semaine, possiblement mercredi. L’avenir du PLFSS sera alors suspendu aux votes des députés mais pas seulement.
Si la motion est rejetée, le PLFSS sera considéré comme adopté par l’Assemblée nationale. Michel Barnier aura donc un répit, au moins jusqu’au retour de l’examen du projet de loi de finances. En revanche, si la motion de censure est adoptée, le flou règne et pas seulement sur le budget de la Sécu. La loi ne prévoit en effet pas de « plan B » pour pallier l’absence de PLFSS, soulignait auprès de Public Sénat la sénatrice LR Corinne Imbert, rapporteure de la branche maladie de la Sécurité sociale. Plus grave encore : la motion de censure adoptée obligerait Michel Barnier à remettre sa démission au président de la République. Ce qui, au-delà du budget de la Sécu, poserait la question de l’avenir du budget de l’État tout court, sans même parler de l’épineux remplacement à Matignon.
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