Politique

Le « Complément d’enquête » sur Rachida Dati dresse un portrait accablant de la ministre de la Culture

POLITIQUE – Rachida Dati aime le luxe, les bijoux et… les grosses sommes d’argent. C’est ce que révèle le magazine Complément d’enquête qui lui est consacré ce jeudi 5 juin. Fille d’un maçon marocain et d’une femme au foyer algérienne, élevée à Chalon-sur-Saône, l’actuelle ministre de la Culture a gravi un à un les échelons du système méritocratique français, avec aplomb et fatuité. Personnage haut en couleur, volontiers qualifiée de « buldozzer » à la personnalité explosive, Rachida Dati ne laisse personne indifférent.

L’émission de France 2 retrace le parcours de cette ancienne magistrate, entrée pour la première fois au gouvernement en 2007, qui a fait de son parler haut une marque de fabrique. Visée par plusieurs enquêtes judiciaires pour « corruption passive » et « trafic d’influence », Rachida Dati est soupçonnée d’avoir perçu d’importantes liasses en échange d’un travail de lobbying au Parlement européen.

À Strasbourg, où elle a siégé de 2009 à 2019, la protégée de Nicolas Sarkozy a défendu mordicus le secteur gazier et déposé nombre d’amendements qui lui était favorable… sans préciser qu’elle percevait, au même moment, de l’argent de GDF Suez. « Je n’ai jamais travaillé pour eux », assurait-elle au moment où les accusations ont commencé à poindre.

Complément d’enquête révèle pourtant l’existence de plusieurs paiements intitulés « Dati honoraire GDF Suez ». La question se pose désormais de savoir ce qui était précisément attendu de l’actuelle ministre en l’échange de ces sommes. En d’autres termes, s’est-elle servie de son mandat de députée européenne pour faire valoir les intérêts de l’entreprise GDF, aujourd’hui baptisée Engie ? En 2013, dans les Échos, elle signe une tribune demandant l’arrêt des subventions versées aux énergies renouvelables et un soutien plus important… au gaz. Charge à la justice, si elle se saisit de l’affaire, de déterminer s’il s’agit bien de corruption.

Des SMS assassins et menaçants

L’ex-Garde des sceaux a toujours cherché à cultiver l’image d’une battante, à qui il n’aurait été fait aucun cadeau. « On lui pardonne moins de choses qu’on aurait pardonnées à “Marie-Cécile”. Ça reste Rachida dans un monde pas habitué à voir des Rachida », concède l’ancienne sherpa de François Mitterrand à l’Élysée Anne Lauvergeon. Mais ce trait de caractère est largement contre-balancé par une violence des mots et un goût prononcé pour les procédures-bâillons.

Agnès Buzyn, qui l’a affrontée aux élections municipales de 2020 à Paris, en garde un souvenir amer. Elle se souvient de « SMS d’une violence incroyable » dans lesquels Rachida Dati lui promettait de sortir « la sulfateuse » et de « lâcher les chiens ». « C’était très clairement des menaces », rembobine après coup l’ancienne ministre de la Santé. Ce ton hargneux est régulièrement utilisé à l’encontre de journalistes qui auraient le malheur d’enquêter sur elle. Ainsi accuse-t-elle Complément d’enquête de recourir à « des méthodes de voyou », lui reprochant d’avoir proposé de l’argent à son frère en échange d’un témoignage filmé. Ce que les équipes du magazine contestent fermement.

Un ralliement à Macron intéressé ?

Ce qui ressort de cette heure de reportage sur la maire du VIIe arrondissement de Paris, c’est sa volonté d’avancer coûte que coûte pour arriver à ses fins, peu importe le prix à payer. Quand elle est nommée, à la surprise générale, ministre de la Culture en janvier 2024, les plus observateurs s’interrogent sur les conditions de son arrivée dans une équipe gouvernementale qu’elle n’a eu de cesse de brocarder jusque-là. Ne disait-elle pas en 2020 que le seul projet d’Emmanuel Macron a été de réunir « des traîtres de droite et des traîtres de gauche » ?

À l’époque, elle jure publiquement que la mairie de Paris, qu’elle rêve de conquérir, n’a jamais fait partie des discussions. Or un enregistrement divulgué par Complément d’enquête montre le contraire : elle assure auprès d’élus parisiens de droite, quelques minutes après avoir appris sa nomination, que le chef de l’État lui a assuré de son soutien aux municipales. Il y a la Rachida Dati publique, décrite par Agnès Buzyn comme « sympathique et rigolote », et la Rachida Dati privée, beaucoup plus cassante. Voilà le portrait sans concession d’une femme politique qui semble avoir fait du « no limit » une force.