Politique

Le gouvernement met terrorisme et narcotrafic sur le même plan, voici ce que ça implique

Effets de manche ou volonté sincère d’alerter les consciences ? Lors d’un déplacement à Marseille ce jeudi 20 novembre aux côtés du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, le Garde des Sceaux Gérald Darmanin a fait un parallèle entre le narcotrafic et le terrorisme, estimant que le premier constituait « une menace au moins équivalente » au second.

La mort du frère du militant Amine Kessaci, survenue quelques jours plus tôt dans la deuxième ville de France, a relancé le débat sur la lutte contre le narcotrafic. En fait-on assez ? Si une loi a été promulguée au printemps, la menace plane toujours, et le congrès des maires qui s’achève à Paris a été l’occasion d’entendre la colère d’élus locaux qui, pour certains à la tête de petites villes ou de villages, sont désemparés face au phénomène.

Pour Gérald Darmanin, l’État gagne « difficilement » une « bataille très, très dure contre une organisation criminelle qui fait sans doute entre 5 et 6 milliards d’euros d’argent liquide » et concerne de plus en plus de territoires. « Ce qui se passe au niveau de la DZ mafia touche au moins une dizaine d’autres départements, notamment du sud de la France », a poursuivi le ministre de la Justice.

La comparaison entre narcotrafic et terrorisme n’est pas nouvelle. À la sortie d’une réunion de crise organisée le 18 novembre à l’Élysée, Emmanuel Macron a appelé à « amplifier » la lutte contre le trafic organisé en adoptant la même approche que pour « le terrorisme ». La veille, François Hollande s’était risqué à la même équivalence. « Je pense que la question du narcotrafic est aussi grave que la question du terrorisme. Et je pèse mes mots. Les sommes qui sont en jeu, les mafias qui sont là, les procédés utilisés, les enfants qui sont tués, tout cela s’apparente à du terrorisme », avait affirmé l’ex-chef de l’État sur France Inter.

Ces sorties font largement écho au rapport de la commission d’enquête piloté par deux sénateurs (Étienne Blanc et Jérôme Durain) en 2024. Selon eux, « l’impact du narcotrafic sur la France a explosé au cours de la dernière décennie », avec une « multiplication par cinq des saisies de cocaïne » et « l’apparition incessante de nouvelles drogues de synthèse produites directement sur le sol européen ». Ils préconisaient alors l’ouverture de prisons de haute sécurité ou la création d’un parquet national anticriminalité, 100 % dédié à la lutte contre le narcotrafic, exactement comme cela existe pour l’antiterrorisme. Les deux mesures sont inscrites dans la loi promulguée cette année.

Des pistes calquées sur l’antiterrorisme

En outre, le gouvernement défend l’idée d’un « décloisonnement entre le national et le local » et entre « tout ce qui relève de la police administrative et la police judiciaire », ainsi que des « coopérations internationales » avec les pays où des commanditaires « continuent de donner des ordres ». Les révélations faites par Le Parisien sur la possibilité d’un assassinat commandité depuis la prison par un certain Amine O., considéré comme le parrain de la DZ mafia, renforcent la volonté des pouvoirs publics de lutter aussi durement contre le narcotrafic que contre le terrorisme.

La loi promulguée au printemps prévoit de créer un service « chef de file » en matière de lutte contre le narcotrafic… à l’image de l’état-major permanent (EMaP), mis en place en 2019 pour fluidifier les partages d’informations entre les différents services de renseignement. Cette même loi donne naissance, comme pour l’antiterrorisme, à une procédure administrative de gel des fonds des narcotrafiquants.

L’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) pousse elle-même la comparaison en demandant la création en « urgence » d’une direction générale de la police judiciaire « forte, rassemblée et connectée, à l’image de la DGSI ». Estimant que « le crime organisé s’étend et s’aggrave », elle regrette dans un communiqué que « les pouvoirs publics se contentent de réagir à l’événement et se montrent incapables d’anticiper et d’endiguer un phénomène désormais structurel ». Le déplacement de Gérald Darmanin et de Laurent Nuñez est une façon de se montrer mobilisés dans un moment de forte émotion pour tous les Français. Une marche blanche en mémoire de Mehdi Kessaci, 20 ans, est prévue à Marseille le 22 novembre. Son frère espère 100 000 personnes.