Politique

Le passé politique de Mélenchon est-il compatible avec le Nouveau Front populaire ?

POLITIQUE – Purge d’anciens fidèles, manque de transparence interne, conception géopolitique héritée des deux blocs, méfiance à l’égard des médias… Ces dernières semaines, et à l’aune du mariage de raison entre les différentes formations de gauche pour les législatives anticipées, le fondateur de La France insoumise (LFI) a agacé nombre de ses partenaires par son comportement jugé impérieux et brutal, fragilisant l’édifice vulnérable du Nouveau Front populaire.

Certains observateurs avisés y ont vu la réminiscence de vieux réflexes trotskistes, Jean-Luc Mélenchon ayant fait un passage, dans sa jeunesse, par les cercles lambertistes. Le triple candidat à l’élection présidentielle a même dirigé la section locale de Besançon jusqu’en 1976, date à laquelle il prit sa carte au Parti socialiste.

Ce courant politique situé très à gauche ne dira probablement rien aux plus jeunes. Il a pourtant représenté une école de pensée et d’action majeure au tournant des années 1970 et a compté jusqu’à 8 000 membres. Outre Jean-Luc Mélenchon, d’éminentes personnalités politiques, telles que l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, le député LFI Alexis Corbière et l’ex-Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, y ont fait leurs armes.

Sous la coupe de Pierre Boussel, dit Lambert, les militants de l’Organisation communiste internationaliste (OCI), secrète et rompue au culte du chef, se sont démenés pour faire advenir la révolution prolétarienne, seule à même de changer le cours de l’Histoire selon eux. Des thématiques comme l’écologie ou le féminisme, aujourd’hui centrales à gauche, étaient jugées périphériques et non prioritaires. Du point de vue de la méthode, l’autoritarisme et la violence des mots étaient leur marque de fabrique.

Désaccords internes

Avec la création du Nouveau Front populaire au lendemain de l’annonce de la dissolution, une nouvelle page s’est ouverte à gauche. Jean-Luc Mélenchon promettait de « jeter les rancunes à la rivière » et de se poser en vieux sage distillant ses conseils mais n’imposant rien. Une attitude vite bousculée par le refus d’investir les députés sortants Danielle Simonnet, Raquel Garrido et Alexis Corbière, pourtant de vieux camarades. Les deux derniers ont longtemps été considérés comme les chouchous de Mélenchon, qu’il appelait « mes petits chéris ». « Ils sont beaux. Entre nous, c’est une affaire de sentiments, une complicité politique totale », confiait-il à L’Obs en 2016.

Au-delà de désaccords internes, qui existent dans toutes les familles politiques, c’est toute la formation militante et le logiciel politique de Jean-Luc Mélenchon qui est en cause dans la façon de gérer les crises. Une question se pose : son héritage lambertiste est-il un obstacle à l’union de la gauche et à la nécessaire recherche de compromis en vue de barrer la route au RN ? « Mélenchon cultive sa posture minoritaire. Entre François Mitterrand, qui nous disait de ne jamais quitter le cœur du réacteur et de prendre autant que possible nos responsabilités, et Pierre Boussel, qui n’a jamais aspiré à exercer le pouvoir, il a choisi la deuxième option », observe pour Le HuffPost une ex-figure du PS aujourd’hui en retrait.

Selon elle, l’attitude « méprisante » du leader de La France insoumise à l’égard des autres partis de gauche s’inscrit dans la continuité de son engagement de jeunesse. « Il toise ceux avec qui il fait alliance. On écrase ses partenaires, on leur donne des cacahuètes et on leur demande de nous laisser tout le reste du paquet. C’est typiquement lambertiste », poursuit cette même source.

Fine connaissance de l’Histoire

Il y a quelques mois, les journalistes Laurent Mauduit et Denis Sieffert, eux-mêmes d’anciens « lambertos », ont publié un livre qui retrace la genèse et l’évolution de ce courant unique en son genre. Ils y ont relevé des similitudes frappantes avec la stratégie aujourd’hui déployée par Jean-Luc Mélenchon, notamment dans sa propension à se voir comme le gardien d’un temple assiégé.

Le manque de démocratie interne, dénoncée à LFI par des figures importantes comme Clémentine Autain, est aussi dans l’ADN du lambertisme. Reste que le bagage militant de l’ancien socialiste est indéniablement riche et fécond. Impossible de nier que l’école lambertiste lui a fourni des clés de lecture intéressantes sur la lutte des classes ou les rapports de force au sein de la société, une connaissance de l’Histoire, une capacité à prendre la parole en public, une droiture morale dès lors qu’il s’agit de dénoncer certaines injustices… Autant d’apports que Jean-Luc Mélenchon pourrait mettre au service de l’union de la gauche. Et alors, le Nouveau Front populaire ne le considérerait plus comme un « boulet » mais comme un moteur.

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