Politique

Le Portugal sur le point de rejoindre les pays européens où l’extrême droite a ses quartiers

INTERNATIONAL – Deux ans seulement après les dernières élections générales, il pourrait – si les derniers sondages disent vrai – doubler son score ce dimanche 10 mars. Crédité de près de 17 % des intentions de vote, le parti d’extrême droite Chega, emmené par André Ventura, espère s’installer durablement dans la vie politique portugaise.

L’extrême droite avait déjà fait une percée en 2022, avec 7,2 % des voix et douze sièges de députés. Créé en 2019, Chega (« Ça suffit ») a toutes les caractéristiques d’un parti populiste, à commencer par le fait qu’il est « ultra-personnalisé » autour de son chef issu du milieu des médias, comme l’a souligné auprès de l’AFP la politologue Marina Costa Lobo, directrice de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne (ICS).

Contexte favorable

La formation antisystème a été créée par André Ventura, un ancien commentateur de football de 41 ans connu pour ses propos xénophobes, et « agrège une série de mécontentements présents dans la société portugaise depuis longtemps » en portant un discours contre la corruption et les minorités, note l’experte.

Le contexte de ces élections législatives tombe ainsi à point nommé pour Chega. Le Premier ministre sortant, le socialiste Antonio Costa, a provoqué ces élections en démissionnant fin novembre sur fond d’une gigantesque affaire de corruption dans lequel son nom est cité.

Les enquêtes notent, plus largement, une « insatisfaction » envers les socialistes, en dépit de ses bons résultats en matière de finances publiques, de croissance ou d’emploi, souligne Marina Costa Lobo. « Ce contexte macroéconomique positif ne se reflète pas dans la qualité de vie des Portugais à cause de l’inflation, des bas salaires ou des problèmes de fonctionnement de l’État. »

Alliance avec la droite ?

Résultat, la question du soutien de l’extrême droite de Chega pour permettre aux conservateurs de gouverner le pays se posera vraisemblablement au lendemain du scrutin. Si le résultat semble particulièrement ouvert en raison d’un grand nombre d’électeurs indécis, les derniers sondages créditent le leader de centre droit Luis Montenegro de près de 33 % des intentions de votes, juste devant les socialistes sortants (28 %). Un score insuffisant – s’il se confirmait – pour obtenir une majorité au Parlement.

Au cours de la campagne, Luis Montenegro a fermement refusé la formation d’un exécutif avec le soutien de l’extrême droite. Mais plusieurs observateurs estiment qu’une partie de sa formation pourrait pousser en faveur d’une alliance avec Chega pour revenir au pouvoir. Le leader populiste André Ventura s’est montré ouvert à une telle option. « On ne peut pas laisser le PS gouverner s’il y a une majorité de droite », a-t-il affirmé.

« Tournant »

Que l’extrême droite participe ou non à l’exécutif, « cette élection est très importante », note la politologue Marina Costa Lobo. « Elle peut marquer un tournant vers une certaine convergence du Portugal avec le panorama des partis en Europe. »

À la tête du gouvernement en Italie avec Giorgia Meloni et en Hongrie avec Viktor Orban, l’extrême droite participe au gouvernement en Slovaquie et en Finlande, et soutient l’exécutif sans y participer en Suède. Le leader de l’extrême droite néerlandaise Geert Wilders a remporté les élections générales en novembre dernier, sans toutefois avoir réussi à constituer une coalition de gouvernement jusqu’à présent.

Et dans de très nombreux autres pays, le premier ou le deuxième parti à l’échelle nationale sont à l’extrême droite de l’échiquier politique, à l’image de la France, de la Pologne – où le PIS est resté la première formation du pays malgré la victoire du libéral Donald Tusk fin 2023 –, de l’Autriche ou encore de l’Allemagne.

Si Chega n’en est pas encore là, son résultat devrait en tout cas constituer un point de bascule dans un pays durablement marqué par la dictature de Salazar – tombée il y a exactement 50 ans lors de la révolution des œillets. « Jusqu’en 2019, le Portugal était décrit comme une sorte de port d’abri, libre de populisme, mais ce n’était clairement qu’une question de temps avant qu’on n’assiste à son avènement », note José Santana Pereira, professeur de Sciences politiques à l’Institut universitaire de Lisbonne ISCTE.

« Le terrain était prêt », souligne le politologue auprès de l’AFP, « il manquait seulement quelqu’un capable de présenter un projet politique convaincant et cette personne a été André Ventura ».

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